Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Médicaments ( 1er septembre 2011)

 

Plantes médicinales: la vigilance de l’Europe

La réglementation sur l’enregistrement des médicaments à base de plantes vient de changer. D’origine européenne, elle vise à faciliter  et sécuriser l’arrivée de nouveaux produits de ce type dans les pharmacies. Mais en sera-t-il vraiment ainsi? Au printemps dernier, une pétition alarmiste avait circulé avec grand succès sur le Net… Et aujourd’hui?

© Serge Manceau/Belpress
Bonne nouvelle pour les amateurs de tisanes et de plantes médicinales. Ils ne sont pas des hors-la-loi et la culture de sauge ou de thym, dans un petit coin de leur jardin ou sur leur terrasse, ne leur valent, depuis le 1er mai dernier, ni amende ni peine d’emprisonnement. D’accord, ce n’est pas un scoop… Mais, s’il avait fallu croire les cris d’alarme lancés il y a quelques mois sur Internet, c’est bien le sort qui aurait attendu tout sympathisant des remèdes naturels, et particulièrement les produits fabriqués traditionnellement à partir de plantes. Grosso modo, la teneur de l’alerte était la suivante: sous la pression du lobby pharmaceutique, l’Union européenne s’apprêtait à tuer dans l’œuf l’usage des plantes médicinales en proclamant leur interdiction ou, ce qui revient à peu près au même, en rendant leur agréation et leur commercialisation impossibles. Faux? Oui, largement, et c’est bien le secret du Net de réussir à émouvoir en très peu de temps une quantité importante de gens – on parle, ici, d’une pétition de 120.000 signatures – pour les amener à se manifester contre un projet aussi “machiavélique”.

 

Procédure allégée

De quoi s’agissait-il, en fait? D’une directive européenne, entrant pleinement en vigueur le 1er mai dernier et destinée à faciliter la mise sur le marché de médicaments traditionnels à base de plantes. Ceux-ci bénéficient dorénavant d’une procédure d’autorisation allégée par rapport aux médicaments classiques. “Autrefois, il était vraiment très difficile à un produit traditionnel à base de plantes d’être agréé, explique Wim Vervaet, expert à l’Unité d’homéopathie et de phytothérapie de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé. En effet, seules des études cliniques très pointues et très onéreuses étaient considérées comme des moyens de preuve suffisants pour établir l’efficacité d’un produit”. Depuis l’entrée en vigueur du texte communautaire, les exigences ont changé: si les préparations à base de plantes sont utilisées depuis au moins trente ans sans poser de problèmes (dont quinze années minimum en Europe), elles reçoivent un feu vert pour leur commercialisation, après vérification de leur qualité. En outre, tout enregistrement d’un nouveau médicament à base de plante peut désormais bénéficier de facilités administratives, comme l’utilisation de monographies déjà existantes à l’échelon européen: cela devrait également faciliter leur agréation, estime-t-on à l’Agence.

 

Quels changements concrets pour celui qui se soigne par les plantes? Très peu, à court terme. Mais ce type de médicament bénéficie dorénavant d’un système d’agréation harmonisé sur le plan européen. C’en est fini de l’ancien système, où des produits douteux – on pense, ici, aux fameuses tisanes amaigrissantes asiatiques, qui avaient entraîné des décès chez nous – parvenaient à se donner les apparences de médicaments respectables en profitant des législations nationales les plus floues. Autre conséquence du nouveau dispositif: le nombre de médicaments à base de plantes présents dans les officines – en Belgique, il est actuellement limité à quelques dizaines de produits – pourrait augmenter à l’avenir.

 

Des effets indirects

Le conditionnel est néanmoins de rigueur car, malgré cette procédure allégée, le coût d’enregistrement d’un médicament traditionnel reste élevé et accessible seulement aux firmes ayant les reins suffisamment solides sur le plan financier. En juin dernier, la députée européenne Michèle Rivasi, en France, s’était inquiétée de constater que seulement 200 remèdes de ce type avaient été validés, jusque-là, par l’Agence européenne des médicaments, alors que les firmes avaient disposé d’un délai exceptionnellement long pour s’y atteler (la directive date de 2004!). De là à voir l’indice d’une victoire du lobby de la pharmacie classique sur les acteurs de la pharmacie à base des plantes, plus éclatés, il n’y a qu’un pas franchi par les plus critiques. Dans le secteur des producteurs de plantes, mais aussi des fabricants de compléments alimentaires, qui est indirectement concerné par l’entrée en vigueur de la directive(1), on ne cache pas également une certaine inquiétude. Celle de voir l’utilisation des plantes traditionnelles dans les produits alimentaires remis en cause, en Belgique, par les autorités sanitaires à l’occasion de la nouvelle législation européenne. “Un jour, on risque de dire aux producteurs de plantes que la législation qui réglemente leur secteur, en Belgique, est devenue inutile, s’inquiète Michel Horn, vice-président de la Fédération belge du commerce et de l’industrie des compléments alimentaires, produits naturels, de réforme et de diététique (lire l’article ci-dessous)(2). Et qu’il leur “suffit” dorénavant de faire agréer leurs plantes comme médicaments via une procédure prétendument allégée”. Ce qui, à terme, n’aurait d’autre effet que d’étrangler économiquement le secteur. Et, peut-être, de restreindre la liberté des individus à faire leur choix parmi différentes façons de prendre soin de leur santé.

// Philippe Lamotte

 

(1) Beaucoup de fabricants de produits à base de plante commercialisent ceux-ci, non pas dans la filière pharmaceutique, mais dans la filière alimentaire.

(2) Voir www.naredi.be.  A consulter, aussi, le site de la Fédération européenne d’herboristerie ( www.feh.be ) (080/41.82.06)

 

 

Chacun son jardin

Tant les compléments alimentaires que les médicaments peuvent utiliser des plantes. Le législateur a veillé à tracer certaines frontières pour mieux informer le consommateur. Mais la limite reste parfois floue.

 

Les médicaments fabriqués strictement à base de plantes sont peu nombreux dans nos pharmacies. Les compléments alimentaires, eux, se comptent par milliers, parmi lesquels de très nombreuses préparations végétales. Si les premiers ne peuvent se vendre que dans les officines, les seconds peuvent l’être à peu près partout(1): magasins diététiques, herboristeries, grandes surfaces et… pharmacies.

 

© Lucenet Patrice/Oredia
Une proximité qui jette le flou
La frontière entre médicaments et compléments alimentaires à base de plantes est soigneusement décrite dans la législation. Celle-ci prévoit notamment que les qualités attribuées aux produits doivent être présentées d’une manière très spécifique au consommateur. Ainsi, dans le cas des médicaments, les fabricants sont autorisés à citer les maladies visées par leur produit, tandis que les fabricants des compléments alimentaires n’ont pas ce droit. Là où un médicament peut être autorisé à mentionner son effet contre l’“infarctus”, le complément alimentaire se présentera lui comme un produit qui “aide à la circulation”. Autre exemple: dans la communication autour d’un complément alimentaire, on ne pourra pas indiquer “lutte contre l’arthrose” mais bien revendiquer une capacité à “faciliter l’assouplissement du genou” ou à  “protéger le cartilage”.

 

Une proximité qui jette le flou

Subtiles aux yeux du consommateur, les distinctions de ce genre sur les allégations de santé sont d’autant plus troublantes que, dans leurs formulations chimiques, les médicaments et les compléments alimentaires s’avèrent parfois très proches (cas typique: l’utilisation du millepertuis). Le problème survient du fait que les allégations de santé et de bien-être s’avèrent tantôt fondées, tantôt farfelues. Comme pour les médicaments, la façon d’avoir recours à un complément alimentaire à base de plantes – respecter ou non la quantité recommandée, coupler ou non son utilisation avec un médicament, poursuivre la cure le temps nécessaire ou ne pas respecter la durée nécessaire, etc. – peut s’avérer déterminant quant aux effets attendus. Sans oublier que son impact peut varier en fonction des habitudes alimentaires du consommateur…

 

En  Belgique, l’usage de compléments alimentaires est sécurisé pour autant qu’il se fasse dans le cadre des précautions mentionné ci-dessus. Les fabricants doivent respecter des normes de fabrications (dites “HACCP”) et des règles de traçabilité très strictes. L’usage de plantes doit être notifié aux autorités qui, depuis 1997, disposent d’une liste de près de 700 espèces sûres.

 

Gare aux filières louches

Il reste néanmoins hautement déconseillé de se fournir par Internet, l’origine exacte des produits – le même constat est valable pour les médicaments – restant douteuse. En juin 2010, l’Afsca a contrôlé des colis non-européens transitant dans les douanes, mais le “gendarme” du secteur alimentaire n’a pas encore communiqué les résultats de cette opération. Reste, enfin, les charlatans du secteur qui n’hésitent pas, par exemple, à diluer les concentrations jusqu’à des seuils dérisoires ou à tricher avec les principes actifs, rendant leurs préparations certes inoffensives pour la santé, mais surtout inefficaces. Et finalement très douloureuses pour le portefeuille.

// Ph.L.

(1) Pour autant que le commerçant ait été agrée par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, l’Afsca.

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Médicaments"

haut de page