Médicaments ( 6 octobre 2011)
Brevets sur les médicaments: les abus coûtent cher à la collectivité
Des millions d'euros pourraient être économisés par la collectivité si l'on
osait remettre en cause l'attitude de certains fabricants de médicaments en
matière de brevets.
Pour conserver une position dominante sur le marché,
certains fabricants de médicaments n'hésitent pas à adopter des stratégies
plus que douteuses, qui permettent de réaliser des bénéfices injustifiés.
Dans une enquête menée en commun, la Mutualité chrétienne et Test-Achats
viennent de mettre en évidence l'un des stratagèmes les plus utilisés. Son
nom: “le produit de suivi” ou, en anglais, le “follow on”.
Du neuf, pas vraiment novateur
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Serge Manceau/Belpress |
Le mécanisme, qui repose sur la puissance des outils de
marketing, est assez simple. Lorsqu'un médicament arrive au bout de la
période pendant laquelle il est couvert par un brevet (une vingtaine
d'années), il est remplacé par un autre médicament qui, bien qu'il diffère
très peu de son prédécesseur et ne représente que rarement une réelle
avancée thérapeutique, fait également l'objet d'une demande de brevet. Pour
convaincre les médecins de prescrire le nouveau produit à leurs patients, ce
dernier est l'objet de vastes campagnes de promotion qui le font apparaître
comme paré de nouvelles vertus thérapeutiques.
Les génériques reportés
Le fond du problème se trouve dans le portefeuille du patient et dans le
budget de la Sécurité sociale. En effet, le nouveau médicament étant moins
cher que l'ancien pour le patient (il est mieux remboursé), celui-ci croit
réaliser une bonne affaire. Mais, du fait du remboursement plus élevé, les
pouvoirs publics doivent, eux, débourser davantage. Ce qui, in fine, coûte
plus cher à la collectivité, donc à chacun d'entre nous. D'autant que,
promus par le marketing, ces nouveaux médicaments brevetés retardent
l'arrivée sur le marché des génériques, moins chers pour tout
le monde.
Dans leur enquête, Test-Achats et la Mutualité chrétienne ont ainsi mis en
évidence deux exemples de stratagèmes de ce type, tous les deux concernant
des médicaments très largement vendus. Dans le premier cas, il s'agit du
remplacement du Cipramil par le Sipralexa (des antidépresseurs), en 2003. Si
le Sipralexa avait pu être remplacé par un générique, les pouvoirs publics
auraient économisé 60 millions d'euros en cinq ans! L'autre illustration est
le remplacement du Fosamax (médicament contre l'ostéoporose) par le
Fosavance dont, là aussi, la valeur ajoutée thérapeutique était très mince.
Si le médicament “de suivi” n'avait pas existé, estiment les deux
organisations, les autorités auraient réalisé une économie de 21 millions
d'euros entre 2008 et 2010…
Le marketing
règne en maître
Cette étude a été lancée dans la foulée d'une enquête de la Commissaire
européenne à la Société numérique, Neelie Kroes, mettant en évidence divers
artifices de ce genre. Les deux cas cités ci-dessus ne sont que des
exemples. Au vu de ceux-ci, on comprend mieux, comme le rappellent la
Mutualité chrétienne et Test-Achats, pourquoi les fabricants de médicaments
ont consacré 23% de leur chiffre d'affaires au marketing, et seulement 17% à
la recherche et au développement, entre 2000 et 2007.
Parmi les mesures préconisées par les deux organisations, on trouve,
notamment, la nécessité de freiner les informations trompeuses de
l'industrie pharmaceutique, la création d'un brevet européen unique, la
possibilité de sanctionner par des amendes les firmes qui abusent de leurs
position monopolistique et un appel aux médecins pour qu'ils tiennent mieux
compte, dans leurs prescriptions, du coût de celles-ci pour la collectivité.
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