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Le corps, c’est dans la tête

Dans une société qui nous conditionne à penser que ce qui est mince est beau, les femmes sont constamment insatisfaites de leur corps. Dans leur course perpétuelle et obsessionnelle à parfaire leur propre image, elles sont piégées. Et si l’on remettait les pendules à l’heure?

“Notre société d’abondance présente une contradiction fondamentale, constate amèrement Isabelle Paul, Sociologue et maître de conférence au service de santé publique et d’épidémiologie de l’Université de Liège. “D’un côté, elle nous incite à consommer de plus en plus et notamment des boissons et aliments très caloriques et mauvais pour la santé. De l’autre, elle exige des femmes d’être de plus en plus minces. Mais à bien y réfléchir, on voit combien la société de consommation tire profit de cette contradiction car la tyrannie de la minceur génère un fabuleux marché. Crèmes amincissantes, compléments nutritionnels, chirurgie esthétique et autres produits de régimes ne se sont jamais aussi bien portés”.

Lors de sa semaine d’étude tenue au début du mois de juillet, Vie Féminine a consacré une journée au rapport conflictuel que les femmes entretiennent avec leur corps pour s’interroger sur le maintien de la domination dont elles sont l’objet. Elle a d’ailleurs consacré le dernier n° de son magazine, “axelle”, à toutes les facettes du corps (1).

Après plusieurs témoignages de femmes sur la manière dont elles vivent leur corps (lire les textes mis en exergue), Isabelle Paul, a véritablement passionné l’assemblée en tenant un discours critique par rapport aux normes sociales et en centrant la question du poids sur la santé. “Beaucoup de médecins conseillent à leurs patientes de maigrir alors qu’elles ne sont pas en surpoids. C’est dû au fait qu’ils utilisent de mauvaises échelles de mesure et tiennent compte davantage des critères esthétiques que des risques pour la santé. Cette attitude est encore plus dommageable quand cela concerne les enfants ou les adolescents. Après cela, on s’étonne que des gamines de 10-12 ans deviennent anorexiques!”

L’échelle à prendre comme référence est le classement des obésités en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC). Un indice qui se calcule de la façon suivante: le poids en kg divisé par la taille (en mètre) au carré. A partir de cet indice, on définit les classifications suivantes (à partir de 18 ans): au-dessous de 18, poids très insuffisant; de 20 à 25, échelle de poids idéal; de 25 à 30, surpoids; au-dessus de 30, obésité (modérée jusqu’à 35, sévère, entre 35 et 40 et très sévère au-delà de 40).

On a souvent tendance à mettre en exergue les risques élevés pour la santé en cas de surpoids ou d’obésité. Il est vrai qu’ à partir d’un IMC de 25, la morbidité et la mortalité s’élèvent proportionnellement (2). Les principales pathologies liées à l’excès de poids sont l’hypertension, le diabète, l’hypercholestérolémie et l’arthrose. Mais être en sous-poids représente également un danger pour la santé. Un corps maigre manque de force et de résistance à la maladie.

Des modèles de maigreur

“Si le sous-poids est dangereux pour la santé, il est pourtant généralisé chez les femmes que l’on nous présente comme des modèles de féminité”, dénonce Isabelle Paul. “Cindy Crawford et Meg Ryan ont un IMC de 17, Cheer, de 16 et Pamela Anderson de 18. Depuis 30 ans, toutes les miss Amérique sont en dessous de 18. Quant aux mannequins, elles ont un IMC variant entre 16 et 18! A 21, elles se trouvent en catégorie taille forte! Avec leur taille d’au moins 1m75, leurs très longues jambes et leur minceur, elles ne correspondent qu’à 2% de la population féminine et sont bien loin des proportions réelles du corps humain! Généralement très jeunes (15-18 ans), les top-modèles ont un corps immature, presque androgyne mais elles sont censées être des modèles pour les femmes de 30, 40 ou 50 ans “.

Pour Isabelle Paul, ce constat est d’autant plus injuste que pour les hommes, ce n’est pas du tout pareil: les mannequins masculins ont un IMC de 22-23 et sont plus âgés que les mannequins féminins. Et les hommes socialement valorisés comme Georges Clooney ou Jacques Villeneuve ont un IMC de 24. Quant à Schwarzenegger, personne n’oserait le traiter de gros malgré son IMC de 30!

Des images différentes

“Hommes et femmes ont une perception différente de leur corpulence”, explique Rosemary Stanton en introduction de l’intéressant ouvrage qu’elle a consacré à la cuisine saine (3). “Bien des hommes trop gros ont pour habitude de se taper fièrement le ventre en disant: “C’est du muscle”(4). De leur côté, bien des femmes jeunes se trouvent grosses alors que, objectivement, elles ne le sont pas. Certaines suivent des régimes et deviennent trop maigres. D’autres sont si obsédées par leur poids qu’elles développent des troubles alimentaires tels que l’anorexie ou la boulimie”. Pour Rosemary Stanton, une partie du problème vient du fait que chez la femme, c’est aux hanches et aux cuisses que les surplus graisseux tendent à se fixer, renforçant leur silhouette en forme de poire (5). C’est la présence de cette graisse plutôt que le nombre de kilos qui pousse les femmes à vouloir maigrir même si elles ont un poids normal, voire au-dessous de la normale. Leurs efforts aboutissent généralement à une perte d’énergie et même de muscles plutôt qu’à la disparition de leur cellulite.

Du point de vue santé, ce sont les accumulations localisées à la taille et à la partie supérieure du corps qui présentent des risques majeurs. Les seuls problèmes que pose la présence de graisse dans la moitié inférieure du corps sont la sur-sollicitation des articulations et le fait que, sur le plan social, la surcharge pondérale est mal acceptée… Voilà qui devrait rassurer bon nombre de femmes…

Dans la même optique, Isabelle Paul explique, enquête-tests à l’appui, que la majorité des hommes ne situent pas l’idéal féminin dans la minceur. “On s’évertue à maigrir pour des hommes qui nous aiment avec des formes”, lance la sociologue. Qui poursuit: “Notre corpulence est déterminée par des facteurs génétiques (qui nous rendent vulnérables vis-à-vis de la prise de poids) et par des facteurs environnementaux (notre mode de vie). Il est clair que la pratique régulière d’activités physiques et une alimentation saine et équilibrée sont les meilleurs moyens de parvenir ou de conserver un poids idéal pour la santé… Mais l’important, c’est de se plaire à soi, d’avoir de l’estime pour soi. Les femmes ne sont pas toutes moulées dans le même moule et c’est tant mieux: il y en a pour tous les goûts. J’ai même envie de dire qu’ on n’est pas sur terre pour se préoccuper uniquement de son image et de son corps. Il y a tant de choses à faire, à connaître. Il y a tant de causes qui méritent qu’on y mette toute notre énergie”.

Joëlle Delvaux

(2 août 2001)

Lire aussi :  Maigrir, c'est vivre son corps autrement

(1) “Mon corps c’est moi! “- axelle - juillet-août 2001. On peut obtenir gratuitement ce numéro auprès d’axelle - Rue de la Poste 111 - 1030 Bruxelles. Tél.: 02/227.13.19. Fax: 02/223.04.42. Email: axelle@skynet.be 

Possibilité d’abonnement annuel au prix de 600 F les 11 numéros.

(2) Au-delà de 65 ans, avoir un léger surpoids est meilleur pour la santé!

(3) “La Cuisine saine” - Plus de 200 recettes et de nombreux conseils pour une alimentation équilibrée - Rosemary Stanton - Editions Könemann - 645 F.

(4) Chez l’homme, le surpoids a tendance à s’accumuler au niveau de l’abdomen et de la partie supérieure du corps.

(5) Avec l’âge, la graisse s’accumule aussi au niveau du ventre.