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Hôpitaux privés/Hôpitaux publics (décembre 2003)

 

Les mêmes difficultés financières,

des aides publiques inéquitables


Dans un précédent éditorial intitulé "

L'hôpital public est-il plus "social" que l'hôpital privé ? (4 décembre 2003) ", Jean Hermesse, secrétaire national de la Mutualité chrétienne, livrait les grandes lignes d’une étude sur la prise en charge des patients défavorisés dans les hôpitaux. Il s’interrogeait aussi sur l’équité et l'efficacité de la couverture des déficits des hôpitaux publics par les autorités publiques. Explications détaillées.

D
epuis des années, les représentants des hôpitaux publics clament haut et fort – c’en est même devenu un cliché - que leurs hôpitaux accueillent la grande majorité des patients défavorisés du fait, notamment, de leur mission sociale spécifique. Toujours selon eux, l’accueil des patients défavorisés aurait pour conséquence un contentieux plus élevé, un travail social plus important, des séjours hospitaliers plus longs … et justifierait leurs importants déficits financiers.Ainsi, au nom de leur mission sociale, certains hôpitaux publics dénoncent le fait d’être soumis aux mêmes règles de financement et normes d’efficacité financière que les hôpitaux privés associatifs. Ils mettent l’accent sur la contradiction qui pourrait exister entre ces règles et normes et l’accueil des patients sociaux. Ils avancent également que les mécanismes de financement les ont privés de moyens financiers car les exigences de performance (notamment en matière de durée de séjours hospitaliers) pour l’attribution des ressources ont occulté la sévérité des pathologies, sévérité souvent associée à la précarité sociale. En bref pour les hôpitaux publics, le fait qu’ils soignent une population plus défavorisée justifie, à leurs yeux, des règles de financement et des moyens financiers complémentaires.

 

De faux arguments

 

Le Département "Recherche et développement" de la mutualité chrétienne vient de réaliser une étude qui montre que les hôpitaux publics n’accueillent pas plus un public défavorisé que les hôpitaux privés associatifs (voir l'encadré "privé/public"). Au contraire, sur l’ensemble du pays en 2001, les hôpitaux associatifs ont pris en charge 62 % des patients "sociaux" (soit 300.724 admissions) et les hôpitaux publics 38 % (soit 186.286 admissions) (1). Cette répartition est équivalente à leur part respective dans le nombre total de patients (64 % pour les hôpitaux associatifs et 36 % pour les publics). En Wallonie, étant donné que les hôpitaux publics représentent la moitié du nombre de lits, les patients sociaux se sont répartis quasi également entre hôpitaux associatifs (51 %, soit 83.236 admissions) et publics (49 %, soit 79.567 admissions).En réalité, c’est la situation socio-économique de la région qui détermine le plus le pourcentage de patients "sociaux" pris en charge dans les hôpitaux. Les variations selon les secteurs hospitaliers sont importantes: de 18 à 36 % de patients "sociaux" selon les secteurs. Si un hôpital public ou privé associatif a beaucoup de patients démunis, c’est d’abord parce que la région elle-même est plus pauvre. Ainsi au cœur du Borinage, le Centre Hospitalier Hornu-Frameries - un hôpital associatif - accueille plus de 40 % de patients démunis. Pour les établissements wallons et bruxellois, cette part varie de 13 % (Edith Cavell à Bruxelles) à 41% (CH Hornu à Frameries).De plus, suite à la restructuration du paysage hospitalier, certaines zones hospitalières ne comportent plus d’hôpital public. Dès lors, dans de nombreuses régions où parfois la part des patients sociaux est importante (entre 30 et 40 %), l’hôpital de référence pour toute la population locale est l’hôpital privé associatif.De ces chiffres, il ressort donc que les hôpitaux, qu'ils soient publics ou privés associatifs, remplissent tous une mission de service public : l’accueil des patients démunis.

 

Des moyens financiers identiques

 

Comment expliquer dès lors le déficit plus important des hôpitaux publics ? Bénéficient-ils de moins de moyens que les hôpitaux associatifs ? Les règles de financement et les normes d’efficacité financière les ont-elles privés de moyens ? Il n'en est rien.Les règles de financement sont les mêmes pour tous les hôpitaux. Ce sont les patients et leurs pathologies qui déterminent la répartition du budget réservé aux hôpitaux. Afin de comparer les moyens attribués aux hôpitaux, nous disposons d’un prix de référence appelé le "prix de journée". Et lorsque nous analysons ces prix au 1er janvier 2003, nous constatons que le prix de journée moyen versé aux hôpitaux publics (258 euros) est légèrement supérieur à celui des hôpitaux associatifs (237 euros). Au niveau des montants moyens à débourser personnellement par le patient, une grande majorité des hôpitaux tant publics que privés associatifs ont un profil semblable. En d’autres mots, les hôpitaux publics demandent en moyenne par admission des sommes allant de 200 à 500 euros. 90% des hôpitaux privés associatifs font de même. Les 10% restants (5 sur 73), ont clairement pris une orientation vers la médecine programmée "privée", et demandent des suppléments moyens importants pouvant aller jusqu’à 1.000 euros.Par ailleurs, une enquête du Ministère de la Santé publique indique que, globalement, les résultats financiers des hôpitaux publics dans tous les services (pharmacie, consultations, services médico-techniques, hospitalisations) sont moins bons que ceux des hôpitaux privés associatifs. Les hôpitaux publics ont sans doute plus de contraintes administratives mais cela n’explique pas la hauteur de certains déficits récurrents, plutôt imputables à des problèmes de gestion…

 

Qui prend en charge les déficits ?

 

L’enquête du Ministère de la Santé publique indique, pour l’année 2001, une perte d’exploitation de 110 millions d'euros pour l’ensemble des hôpitaux. Derrière ce déficit global se cachent cependant des situations très différentes d’un hôpital à l’autre. Ainsi, les trois quarts de ce déficit se situent dans les hôpitaux publics alors qu’ils prennent en charge un tiers des patients. Lorsqu’un hôpital public connaît un déficit, il revient aux autorités publiques dont dépend l’hôpital (commune, région, province) de le prendre en charge. Ainsi en bout de course, c’est le contribuable qui paie, à travers l'impôt, les déficits. Certain de la couverture de son déficit, le gestionnaire se trouve dans une situation moins contraignante. Il sera moins poussé à négocier avec les médecins une participation financière plus importante ou encore à prendre des mesures d’économies.Dans un hôpital privé, le déficit doit être couvert par ses acteurs : personnel médical, infirmier, administratif… et également par le patient. Ainsi, le gestionnaire se trouve dans l’obligation de prendre parfois des mesures drastiques de restructurations et de rationalisations : participation financière plus importante des médecins, réduction de personnel et de la masse salariale, hausse des suppléments à charge des patients. Les contraintes de gestion sont plus fortes.Les déficits de certains hôpitaux publics pèsent parfois très lourdement sur les budgets des communes et régions. Ainsi, dans la province du Luxembourg, les trois hôpitaux publics présentent, pour cette année, un déficit de plus de 10 millions d'euros. Afin de répartir le poids de ce déficit sur toutes les communes, la province avait eu l’idée d’instaurer une taxe "soins de santé". Il n’en fut rien. Finalement, afin d’apurer le déficit cumulé de certains hôpitaux publics wallons, la Région Wallonne a accordé récemment aux communes un prêt de 143,8 millions d'euros. C’est donc le contribuable wallon qui paie pour les déficits des hôpitaux publics. La Région Bruxelloise quant à elle, avait refinancé ses hôpitaux publics à concurrence de plus de 115 millions d'euros au travers du plan "Iris".Est-ce là une priorité sociale ? Ces moyens publics consentis auraient pu servir, par exemple, à rénover le parc hospitalier qui en a grandement besoin (reconstruction et modernisation des infrastructures).Cette politique discriminatoire n’est ni efficace, ni juste pour les patients et le contribuable.

 

Un sous financement général

 

Les moyens complémentaires réclamés par les hôpitaux publics pour les patients sociaux est une question d’autant plus sensible que le secteur hospitalier belge dans son entièreté se trouve dans une situation importante de sous financement. En d’autres termes, le budget réservé aux hôpitaux par le gouvernement fédéral est insuffisant, en particulier pour assurer l'augmentation des charges salariales du personnel suite aux accords sociaux dans le secteur des soins de santé. La récente enquête menée par le Ministère de la Santé Publique a estimé ce manque à 364,5 millions d'euros par an.Ce manque important de recettes pour le secteur hospitalier pèse évidemment sur les résultats financiers et conduit tous les hôpitaux à se tourner notamment vers les patients pour trouver de nouvelles recettes. Ainsi, la somme moyenne que le patient doit personnellement débourser est passée de 334 euros en 1998 à 424 euros en 2002. Elle a donc augmenté de 27 % en 5 ans. Dans ce débat sur la compensation des déficits des hôpitaux publics par les pouvoirs publics, l’enjeu est financier. Mais du point de vue de la société, c’est d’abord l’accès à des soins de qualité pour tout patient, quelle que soit sa région d’origine, et quel que soit le statut (public ou privé) de l’hôpital auquel il s’adresse qui doit être assuré. Ainsi par une répartition équitable des moyens financiers entre tous les hôpitaux, l’accès aux soins peut être garanti dans tout le pays.

David Liénard,
Département Recherche et Développement.

(1) Les patients sont qualifiés de "sociaux" lorsqu’ils bénéficient de la franchise sociale. Plus précisément, il s’agit des bénéficiaires du revenu garanti aux personnes âgées, de l’intervention majorée, d’une allocation aux handicapés, du revenu d’intégration, d’allocations familiales majorées et des chômeurs de longue durée.

 

 

Privé associatif/public

Les hôpitaux sont qualifiés de "publics" lorsqu’ils sont exploités par des autorités publiques telles que des communes, provinces. Les hôpitaux "privés associatifs" sont des associations sans but lucratif (asbl) qui émanent de personnes ou d’associations qui ont pour objectif la dispensation de soins. Au sein des conseils d’administration des hôpitaux privés associatifs chrétiens, nous retrouvons, par exemple, des congrégations religieuses, des mutualités,... Le privé associatif sans but lucratif vise en droit et en fait les mêmes finalités sociales que les hôpitaux publics.

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