Hôpitaux (5
novembre 2009)
L’hôpital de demain sort de ses murs
Si
l’on se met à imaginer l’hôpital de demain, on ne peut l’envisager sans
les avancées technologiques qui imprègnent le domaine de la santé.
Enceintes où s’administrent des traitements complexes et souvent à haut
degré de technicité, les hôpitaux prennent un visage nouveau à l’aune
des prochaines années.
|
@ Stockxpert |
Les progrès technologiques suggèrent
de nouveaux usages en santé.
Aujourd’hui
déjà, certaines tendances apparaissent: les durées de séjour se
réduisent; les hospitalisations de jour se multiplient; les cliniques
spécialisées à la pointe des technologies se développent; la
revalidation sort de l’hôpital... Ainsi le panorama de l’univers
hospitalier perd certains de ses traits connus de longue date.
Lorsqu’il imagine
les hôpitaux de 2020, Renaat Peleman, médecin-chef à l’Hôpital
universitaire de Gand, relève un élément influant: le nombre croissant
de patients chroniques. Les affections chroniques comme le HIV, le
cancer, le diabète… sont au long cours pour les patients. Ils devront
les apprivoiser au quotidien et cheminer avec elles sur la durée,
parfois toute une vie. De manière temporaire, ils seront accueillis à
l’hôpital, pour une intervention, un examen. Mais le traitement ne s’y
déroulera pas exclusivement. C’est une des raisons pour lesquelles le
docteur Peleman conçoit les hôpitaux du futur comme «des centres de
santé qui mettent l’accent sur le maintien des gens en bonne santé
plutôt que sur leur guérison». Le domicile semble alors promis à un
bel avenir pour les patients. Bénéficier de soins complexes à la maison
avec le pilotage de l’hôpital deviendrait possible.
La technologie s’en mêle
La “télémédecine”
n’y est pas pour rien. En effet, les combinaisons de plus en plus larges
entre télécommunication et médecine sont le ferment de ces évolutions et
ouvrent de multiples perspectives en faveur des soins à distance des
hôpitaux mais en connexion avec eux. A l’origine, l’usage de
l’électronique dans le domaine de la santé devait aider les médecins et
autres professionnels de la santé à s’échanger des informations, à
solliciter l’avis d’un spécialiste en s’envoyant des clichés
radiographiques par exemple. Mais les progrès technologiques ne cessent
de suggérer de nouveaux usages. Certains patients cardiaques bénéficient
par exemple d’un suivi à domicile. Les paramètres sont mesurés par un
appareillage installé au domicile du patient. Ils sont transmis par voie
électronique à l’équipe hospitalière. Autre exemple: «Au lieu d’avoir
à procéder à un contrôle périodique de leurs appareils dans une
clinique, certains porteurs de pacemakers peuvent faire vérifier leurs
implants par téléphone portable»(1). A l’heure du «télémonitoring»,
c’est l’information qui voyage, plutôt que le patient.
Jusqu’à une consultation
à distance
Même le soignant
peut exercer depuis sa terre natale au chevet d’un patient loin d’être
un voisin. En matière de chirurgie par exemple. Il y a huit ans déjà,
c’était une première: un chirurgien new-yorkais a procédé, depuis les
Etats-Unis, à l’ablation d’une vésicule biliaire d’un patient
hospitalisé à Paris, un robot high-tech à l’appui. Depuis, les
expériences se sont multipliées. En matière, plus simplement, de
consultation également. En effet, à l’heure actuelle, les recherches
vont bon train. Ainsi, une société de prospective expérimente une
clinique mobile, ou plus précisément une salle de consultation à
distance. Sorte de cabine équipée d’outils de télémétrie, le patient s’y
installe, face à un écran où apparaît le médecin. Le patient
s’auto-examine, suivant les consignes du spécialiste qui établit son
diagnostic au regard des données transmises. L’expert n’est donc pas
présent physiquement, il peut même être localisé à des milliers de
kilomètres du patient. La proximité – si on peut l’appeler encore ainsi
– se fait virtuelle.
Et l’humain
dans tout ça?
Ceci ne manque pas
de heurter ces hommes et femmes de médecine, formés à l’anamnèse, où le
toucher, le palper font parties intégrantes des éléments à récolter pour
établir un diagnostic. «Ce qui se passe entre un patient et un
médecin généraliste au sein d’une simple consultation est infinitésimal
mais néanmoins infiniment important. La tragédie c’est de voir comment
cela est mal compris par ceux qui ont le pouvoir», rappelle le
docteur Dominique Pestiaux en reprenant les propos de Iona Heath,
médecin généraliste anglaise. Il défend le rôle de la première ligne et
surtout des médecins de famille. Alors que l’ambulatoire amorce un
“virage” sous l’effet de demandes en croissance, le médecin généraliste
insiste sur l’importance de la pratique de groupes – par exemple au
travers de maisons médicales, sur l’intérêt des collaborations
interdisciplinaires, afin d’assurer le “plus beau métier du monde”, de
faire face à la complexité grandissante des prises en charge.
Reste le patient,
chacun de nous potentiellement en fait, face à l’autonomie que l’on
exige de nous. Autonomie que l’on élève en devoir premier, en vertu
majeure. Ne serait-ce pas oublier trop vite notre vulnérabilité, oublier
de considérer qu’à côté de notre pouvoir, de notre capacité à agir (nos
possibilités dit le philosophe, professeur à l’UCL, Michel Dupuis), il y
a notre capacité à pâtir, à être blessé, à encaisser (nos passibilités)?
Et le professeur Dupuis de rappeler: «L’humanité n’est pas un club de
performants».
Catherine Daloze
Article rédigé à partir d’interventions au colloque
“L’hôpital sans ses murs” - 2 octobre
2009 – à l’occasion des 10 ans de l’Hospi Solidaire.
Plus d’infos:
www.mc.be/fr/100/colloque/index.jsp
►
Lire aussi : Quand l'hospitalisation n'est
pas un luxe (10 ans de l'hospi
solidaire)
(1) “Loin des yeux, près du cœur”, article paru en
décembre 2008 dans le dossier hors-série “A votre santé. Merveilles et
dérives de la médecine du XXIe siècle” du Courrier
international.
|