Conseils pratiques
(4 août 2011)
Quand pratiquer des analyses de sang?
Il arrive que le médecin prescrive ou pratique lui-même une prise de
sang au patient. Les échantillons seront analysés par un laboratoire et
les résultats transmis au médecin. Quand un test sanguin est-il utile?
Toutes les analyses réalisées par prélèvement sont-elles nécessaires? Le
point avec le Dr Bernard Debbaut, médecin-conseil, membre de la
direction médicale de la Mutualité chrétienne.
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© Philippe Turpin-Belpress |
En
Marche: Ces dernières années, le nombre de tests de biologie clinique
prescrits(1) –
principalement les analyses de sang – est en nette augmentation. De
récentes données de l’Inami montrent que les tests sanguins réalisés ne
sont pas toujours en adéquation avec les recommandations de bonnes
pratiques (2).
Globalement, quelle est l’utilité de pratiquer une analyse de sang?
Bernard Debbaut: De toute évidence, les analyses de
sang sont importantes pour poser des diagnostics, exclure certaines
maladies ou assurer un suivi. Plus de la moitié des tests sanguins
prescrits le sont dans le cadre du suivi de maladies chroniques comme,
par exemple, pour des patients qui prennent des anticoagulants, ont trop
de tension ou souffrent du diabète. Il est également fréquent qu’une
prise de sang soit effectuée pour plusieurs motifs: le suivi d’une
maladie déjà diagnostiquée et, en même temps, la prise en considération
de nouvelles plaintes, par exemple.
Mais la prescription régulière de tests sanguins auprès de patients
pourtant en bonne santé et sans plainte particulière est presque devenue
une tradition dans notre population.
Lorsqu’il y a plaintes, l’interrogatoire médical (anamnèse) et l’examen
clinique permettent au médecin d’orienter le diagnostic, de réfléchir
aux causes probables. Comme dans les présomptions d’allergies. En cas de
doute, un test sanguin peut s’avérer utile mais il n’est pas toujours
nécessaire de réaliser, pour autant, un grand nombre d’analyses lors du
prélèvement.
Autre exemple : si l’on sait que le patient a un faible taux de mauvais
cholestérol et n’exprime pas de plaintes, vérifier ce taux à chaque
prélèvement de sang est superflu.
EM : N’est-ce pas en partie pour répondre à la demande de
patients inquiets pour leur santé que les médecins prescrivent autant de
tests sanguins?
BD : Effectivement, certains patients se font pressants
pour bénéficier d’un check-up complet régulier, et il n’est pas toujours
facile, pour le médecin, de résister à cette demande, même si c’est à
lui d’expliquer au patient dans quelle mesure une analyse lui est
recommandée ou non. Une récente brochure, sorte de guide de bonnes
pratiques, peut d’ailleurs l’y aider (lire encart ci-dessous “Des
recommandations aux médecins”).
Par ailleurs, on constate que des analyses sont répétées sans plus-value
par des médecins différents. Souvent, le manque de communication est en
cause. Le fait de confier son dossier médical global à son médecin
traitant est un plus à cet égard. Il permet à celui-ci d’avoir une vue
globale sur la santé de son patient et d’éviter des analyses inutiles.
EM : L’Inami consate que certains dépistages sont réalisés alors
qu’ils ne sont pas recommandés pour des patients sans plaintes, sans
symptômes ou facteurs de risque. De quoi s’agit-il exactement ?
BP : Sur la base des données 2006-2008, l’Inami a
révélé que 40% des personnes de moins de 50 ans ont bénéficié d’un
dépistage sanguin alors qu’elles ne le devraient sans doute pas. Il
s’agit des tests prescrits pour dépister des affections thyroïdiennes,
rénales, une carence en vitamine B12, des maladies hépatiques, le cancer
de la prostate. Chez les patients sans symptômes ni antécédents
familiaux, le dépistage de ces maladies n’est pas nécessaire. La carence
en vitamine B12 (essentielle pour la production de certaines cellules
sanguines et le fonctionnement du système nerveux) est très rare. Or,
36% des patients entre 45 et 74 ans bénéficient de ce test. Ce qui est
un record!
On voit aussi que 40 à 50% des
personnes âgées de moins de 50 ans (selon la tranche d’âge) bénéficient
d’un bilan lipidique (dosage du cholestérol entre autres), en moyenne
tous les deux ans, alors que ce n’est recommandé qu’au-delà de cet âge
et seulement tous les cinq ans si tout est normal.
Il est évident que tout cela entraîne des coûts inutiles pour la
sécurité sociale mais aussi pour le patient, surtout quand le nombre de
valeurs analysées dépasse un certain seuil(3).
Précisons aussi que plus il y a d’analyses demandées, plus grand est le
risque de résultats faussement positifs. A ce moment, le patient est
considéré, à tort, comme malade; il en résulte des examens
complémentaires, des traitements inutiles et de l’inquiétude pour le
patient et son entourage.
EM : Par contre, il apparaît que certains tests sont trop peu
prescrits alors qu’il permettent de détecter certaine maladies
fréquentes? De quoi s’agit-il?
BP : D’après les recommandations scientifiques, un
dépistage annuel pour le diabète devrait être réalisé à partir de 65
ans. Or, seulement 60% de ce groupe cible le pratique et ce, tous les
deux ans. Ce test est donc insuffisamment mis en œuvre et systématisé.
Le diabète est d’ailleurs souvent détecté tardivement lors d’un test
sanguin réalisé à la suite de problèmes cardio-vasculaires, rénaux ou
autres, ce qui est regrettable.
//Joëlle Delvaux
(1) Les examens de biologie clinique portent aussi
sur les excrétions (urine, selles, sperme…), les prélèvements de
muqueuses, de tissus, de peau, etc.
(2) Ces données sont présentées dans la brochure
“Biologie clinique”, publiée à l’attention des médecins (voir encart
ci-dessous “Des recommandations aux médecins”).
(3) La biologie clinique est remboursée à 25% à
l’acte et à 75% de manière forfaitaire. Pour les prestations
remboursées, la quote-part personnelle peut aller de 0 à 15,67 euros (de
0 à 3,72 euros pour le patient BIM ou OMNIO). Toutefois, certains
examens ne sont pas remboursables.
Quand un test sanguin de dépistage est-il recommandé ?
Pour les patients sans plaintes ni symptômes, ni facteurs de
risque
►
A partir de 50 ans: un bilan lipidique (dosage du cholestérol entre
autres) à renouveler tous les cinq ans tant que l’examen est normal,
afin de déterminer le risque cardiovasculaire.
►
A partir de 65 ans : un dépistage du diabète sucré de type 2 (glycémie à
jeun), à renouveler un fois par an.
Pour les femmes enceintes
►
Un test sanguin est recommandé à la femme désirant être enceinte pour
déterminer si elle possède des anticorps contre la rubéole et la
toxoplasmose. Une infection pendant la grossesse est en effet très
dommageable pour le bébé à naître. Il est également utile, pour la
grossesse, de déterminer le groupe sanguin et le facteur rhésus s’ils ne
sont pas connus.
►
Un test sanguin est aussi recommandé au début de chaque grossesse et, au
cours de celle-ci, à des périodes précises (entre la 11ème et le 14ème
semaine et entre la 24 et 28ème semaine).
Dépistage des maladies sexuellement transmissibles
►
Un test de premier jet urinaire ou un prélèvement vaginal est recommandé
pour les personnes n’ayant pas de plaintes mais inquiètes après un
rapport sexuel à risque.
►
Un test sanguin est recommandé chaque année aux personnes appartenant à
des groupes à risques spécifiques.
Des recommandations aux médecins
Certains tests de biologie clinique sont prescrits
trop souvent alors qu’il n’y a pas de recommandation scientifique en la
matière. D’autres, à l’inverse, sont prescrits trop rarement à certains
groupes de la population alors qu’ils sont recommandés. De ce constat,
découle l’initiative de la Commission nationale médico-mutualiste de
mener une vaste campagne pour sensibiliser les médecins généralistes et
spécialistes à une prescription rationnelle des tests de biologie
clinique, basée sur les recommandations scientifiques. L’objectif de
cette campagne est double : améliorer la qualité des soins et diminuer
les dépenses inutiles pour le patient et l’assurance soins de santé.
Dans le courant du mois de juillet, chaque médecin a reçu de l’Inami
une brochure qui présente les recommandations visant surtout la
prescription de biologie clinique chez le patient sans plainte
particulière. Elle se focalise sur le dépistage des maladies fréquentes,
celui des maladies sexuellement transmissibles et sur le suivi de la
grossesse. La brochure livre également des constats et des chiffres sur
les tests de biologie clinique prescrits entre 2006 et 2008.
//JD
>> La
brochure “Prescription rationnelle”
est
consultable en PDF sur le site de l’Inami –
www.inami.be
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