Enjeux internationaux
(7 avril 2011)
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Bangladesh: quand le delta bouillonne
Le “Mondial” de la santé: 6 milliards de bénéficiaires!
En
Belgique, la protection sociale fait plutôt bien son travail, assurant le
citoyen contre les risques de perte d’emploi, de maladie… et améliorant les
conditions de vie. Mais c'est loin d'être le cas dans bien des pays, où une
telle couverture n'est qu'un mirage. Le Sud, heureusement, fourmille
d'inventivité et de créativité. Qui, bien souvent, nécessitent la solidarité
et la mobilisation des mouvements sociaux du Nord pour bénéficier à un
maximum de gens.
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WSM-Solidarité Mondiale |
En Belgique, la sécurité sociale est fille de la révolution
industrielle.
Ses premiers pas législatifs, rappelle Paul Palsterman (CSC), se
sont faits sur le terrain des accidents du travail dès 1903. A
l’origine, un principe fort: le risque social est à couvrir dans une
logique d’assurance solidaire. Corollaire: les prestations doivent
être accordées sans se préoccuper de la faute. Au fil du XXème
siècle, la “Sécu” n'aura de cesse d'élargir son champ d'application.
On verra naître alors des tensions et des débats – encore bien
vivants, en 2011, à l'heure des privatisations et des désengagements
des pouvoirs publics – sur le financement de la sécurité sociale.
Mais peut-on être riches
seuls? Pour la Mutualité chrétienne et Solidarité mondiale, l'ONG du
Mouvement ouvrier chrétien (MOC), la réponse est non! Récemment, lors de la
journée de lancement d'une méga-campagne sur le droit à la santé pour tous
(lire l'encadré ci-dessous), les deux organisations ont rappelé qu'on est
loin, très loin, d'avoir atteint les objectifs de la Déclaration d'Alma Ata
qui, en 1978(!), avait décrété l'accès universel à la santé pour… l'an 2000.
Considérée comme un droit de l'homme, la santé devait se concevoir comme
quelque chose qui dépasse de loin le fait d'être bien portant ou de ne pas
souffrir d'une maladie. Elle n'est pas, en effet, qu'une affaire de médecins
et d'hôpitaux, mais vit et se développe par la participation des gens
eux-mêmes. Sociale et démocratique, c’est une question de justice, car bien
des maladies plongent leurs racines dans l'injustice sociale et économique.
Enfin, Alma Ata reposait sur ce principe clef: la santé ne peut s'épanouir
au plan international que sur des relations commerciales plus équitables.
Trois chiffres
rappellent, à eux seuls, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Près de 2,5
milliards de personnes dans le monde n'ont pas accès aux soins de santé de
base. Chaque jour, 30.000 enfants meurent de maladies évitables ou curables
(diarrhée, malaria, etc.). Enfin, globalement, “les pays en développement
dépensent 5 dollars par habitant pour la santé, alors que l'Organisation
mondiale de la santé (OMS) en préconise 30”, rappelle André Kiekens,
secrétaire général de Solidarité mondiale.
Que faire? Exporter les
modèles occidentaux – dont le Belge – aux quatre coins du monde? Bien sûr
que non. “La Mutualité chrétienne n'a pas à avoir une vision
internationale, mais bien à nouer des partenariats avec les acteurs locaux
et à appuyer leur stratégie propre”, explique Alda Greoli, secrétaire
nationale de la Mutualité chrétienne. Pourquoi ce refus du copier/coller?
Car il ne faut pas oublier les différentes échelles de temps et d'espace,
spécifiques à chaque région du monde. En Belgique, il a fallu près de cent
ans pour bâtir le système de protection sociale! Il faut parfois dix à douze
ans pour voir 5% d'une population africaine s'affilier à un système de type
mutualiste et, à ce moment seulement, on peut entamer un dialogue avec les
prestataires de soins. Quant aux pays qui parviennent à couvrir près de 90%
de leur population par une protection sociale (comme le Rwanda), mieux vaut
ne pas oublier que cette performance repose très souvent sur la contrainte,
de même que sur une énorme dépendance envers un donateur unique qui, un
jour, peut brutalement retirer ses billes du jeu.
Bref, la protection
sociale se construit patiemment, dans le dialogue plutôt que les
confrontations, en se méfiant de la gratuité absolue. Et, de surcroît, elle
dépasse le strict champ de la sécurité sociale, et même le champ des
pensions, des allocations de chômage ou des compensations suite à une
maladie professionnelle ou un accident du travail, etc. En investissant dans
le “capital humain” (comme disent certains économistes), la protection
sociale se veut une force de mobilisation collective, capable d'ériger un
vrai contre-pouvoir capable d'interpellation. Elle repose donc sur la
formation, le microcrédit, l'autonomie alimentaire, la dignité au travail,
etc. Or, au Nord comme au Sud, de nombreux facteurs limitent de plus en plus
– voire combattent – cette acceptation: désengagement de l’Etat,
privatisation des assurances-maladie et des fonds de pension, maintien d'une
économie informelle de subsistance, etc. S’agit-il d’une évolution
inéluctable? Les partenariats tissés par la Mutualité chrétienne et
Solidarité mondiale démontrent le contraire.
Mali.
Comme dans bien
d’autres pays, seuls les fonctionnaires ou les employés en ordre de sécurité
sociale y bénéficient de l'assurance-maladie. Si bien qu'elle concerne à
peine 10% de la population. L’accès généralisé aux soins est à l’étude au
niveau national. Mais, pour la majorité des gens, les soins de santé se
révèlent difficiles, voire impossibles, à payer. Pour tenter de répondre à
ces lacunes, l'Union technique de la mutualité malienne (Utmm) et Kondo
Jigima, une institution d’épargne et de microcrédit, mènent un partenariat
où santé et microcrédit se conjuguent. Trop souvent, en effet, la maladie
engloutit l’argent prévu pour l’achat de semences ou pour le lancement d’un
petit commerce…
Mexique.
Les institutions
publiques de soins étant en pénurie de personnel, de médicaments et de
matériel, la seule alternative réside dans des institutions privées. Mais
ces dernières sont généralement impayables. Résultat: des maladies comme le
diabète et l’hypertension redeviennent des causes de mortalité. A Mexico, un
petit groupe de médecins fraîchement diplômés développe une offre de soins
de première ligne à un coût modéré, basée (entre autres) sur le paiement
solidaire, c'est-à-dire la possibilité de compléter la monnaie sonnante et
trébuchante par un petit travail d’intérêt collectif. Panamedica – nom de
l’association – s’engage aussi sur le terrain de la prévention: service
diététique, “clinique de l’apprentissage”, ateliers santé, etc.
Burundi. La
guerre et les dépenses militaires ont démoli le système de sécurité sociale
et de remboursement des soins du pays. Fermeture massive des centres de
santé, pénurie de personnel, de médicaments…. Parmi d'autres “bouées de
secours”, la Mutuelle de santé de l’Archidiocèse de Gitega (à l’est de
Bujumbura, la capitale) prend en charge 60% des coûts des soins médicaux de
ses membres (quelque 25.000 familles) et 100% pour les femmes et les enfants
de moins de 5 ans, en échange d’une cotisation familiale annuelle. Avec
d’autres mutuelles, elle milite pour la mise sur pied d’un système de santé
accessible à tous.
Bangladesh.
Malgré un taux de vaccination assez élevé et le succès du planning familial,
ce pays souffre d'une grave pénurie de médecins (3 pour 10.000 habitants),
beaucoup étant tentés de travailler dans le secteur privé, en pleine
ascension dans les villes. La couverture publique des soins de santé est
extrêmement réduite. En partenariat avec Solidarité mondiale, Gonoshasthaya
Kendra, une ONG locale, a élaboré un système de soins de santé basé sur une
cotisation progressive selon les revenus. Elle dispose aussi d'une
quarantaine de centres ruraux de santé, d'une université et de diverses
entreprises de fabrication (médicaments, compléments protéinés, etc.),
comptant deux millions de bénéficiaires.
// Catherine Daloze
et Philippe Lamotte
Le dimanche 1er mai,
Solidarité mondiale propose une journée en solidarité avec ses partenaires
du Sud: le Cyclo-solidaire. S’y mêleront boucle vélo, balade pédestre,
repas, concert et animations diverses. Lieu:
Collège Saint-Remacle à Stavelot.
Prix: 3 EUR/pers. payable sur
place. Gratuit pour les enfants de – de 10 ans. Souper (sur réservation
avant le 23 avril).
>>
Infos : 02/246.38.82 ou
solidarite.mondiale@solmond.be
Une
campagne au long cours |
“La santé, un
droit pour tous!”, tel est le thème de la campagne de Solidarité
mondiale et de la Mutualité chrétienne (avec ses mouvements
socio-éducatifs) (1) qui s'étend sur deux années.
Les organisateurs invitent à signer une pétition autour de trois
revendications: faire des soins de santé une priorité dans la
politique belge d’aide au développement; demander aux autorités
nationales et internationales de développer, en coopération avec les
mutualités de leur pays, une politique grâce à laquelle chaque
personne a accès aux soins de santé; rendre les médicaments
génériques accessibles et disponibles pour l’ensemble des
populations.
Une exposition
sur le thème : “La solidarité tisse la santé!” circule en Wallonie
et à Bruxelles. Voir
www.lasolidaritetisselasante.be |
Sur un plan plus collectif, les organisateurs soutiennent la tenue
de conférences et d'animations. Sont ainsi mis à disposition des
outils pédagogiques et des fiches thématiques consacrées à la
sécurité au travail, au droit à la santé, à l'accès aux soins, à
l'autonomie alimentaire, à la sécurité sociale pour les travailleurs
du secteur informel, à la sécurité des revenus, etc.
Enfin, chacun
est invité à porter un bracelet, symbole de l’accès aux soins de
santé ou encore à soutenir les partenaires du Sud en versant un don
(2).
>> Plus d’infos : Solidarité Mondiale
•
Chaussée de Haecht, 579 BP 50 - 1031 Bruxelles
• Tél.: 02
246 38 81 •
www.solmond.be
(1) Jeunesse et Santé, Altéo, UCP, CIEP.
(2) Versement à Solidarité Mondiale :
BE96-7995-5000-0005 Communication : la santé-un droit pour tous |
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