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Enjeux internationaux (4 octobre 2012)

>> Lire également : Printemps arabe : et après ?

Les révolutionnaires de l’oubli

© Reporters/Abaca

Alors que les combats font rage en Syrie depuis plus d’un an et demi et que des milliers de civils tombent chaque jour sous les balles ou croupissent en prison où ils sont torturés, la Communauté internationale s’engouffre dans un immobilisme. Pourtant, des voix s’élèvent de ce pays du Moyen Orient et appellent au secours.

Près de 30.000 Syriens sont déjà “tombés” depuis le début du conflit. Ce soulèvement populaire qui s’inscrivait dans la lignée des printemps arabes a pris, depuis quelques mois, une tournure sanglante. Les civils sont les premiers touchés. Face à cette montée de violence, plusieurs étrangers installés en Syrie ont été forcés de quitter le territoire. C’est le cas du Père Paolo Dall’Oglio, jésuite italien : menacé par le régime en place, il décide finalement de quitter le pays. Depuis, il voyage à travers l’Europe, mais aussi au Canada et aux USA, pour expliquer le conflit et sensibiliser l’opinion publique occidentale. Figure emblématique du dialogue islamo-chrétien, il était invité avec un jeune Syrien, Yahia, par le Mouvement ouvrier chrétien (Moc), mi-septembre, pour témoigner de la situation chaotique dans son pays d’adoption.

Une révolution non-violente

A ses débuts, le printemps syrien est porté par des jeunes désabusés par la “fausse” démocratie en place dans leur pays. Plus de 50% de la population a moins de 25 ans. Non-violents, ils manifestaient leur mécontentement dans les rues de Damas mais aussi de cités côtières et de l’arrière-pays. Yahia se souvient : “Au début de sa présidence, en 2000, Bachar El-Assad donnait l’apparence d’un homme ouvert sur l’Occident : il avait étudié en Angleterre… Néanmoins, au fur et à mesure des répressions, absence de liberté d’expression et mesures autoritaires ont marqué sa gouvernance. En mars 2011, nous, la jeune génération, avons voulu dire ‘stop’. Nous rêvions aussi de notre printemps arabe. Si la Tunisie l’avait fait et l’Egypte aussi, alors pourquoi pas la Syrie?

Malgré ces manifestations pacifiques, les réactions du pouvoir ont été radicales : arrestations musclées, emprisonnements, tortures, homicides… “La non-violence pour laquelle avaient opté les manifestants était stratégique. Mais le régime les a poussés vers la lutte armée, déplore le Père Paolo Dall’Oglio. Un peuple a le droit de se défendre. Malheureusement, la réponse à la violence est la violence.

Manipulations religieuses

Rapidement, les sbires d’El-Assad, et notamment les médias nationaux (ceux étrangers s’étant vu remerciés et expulsés du pays), “ont présenté les manifestants comme des voyous sectaires, ayant pour but le chaos et l’édification d’un Etat islamique.(1) Une perche que saisissent allègrement, par les temps qui courent, les islamophobes, notamment en Europe.

Sunnites, Chiites, Alaouites, Chrétiens, Kurdes… s’unissent pourtant dans cette révolution syrienne. Ce n’est pas une guerre religieuse. Et il ne faut pas qu’elle le devienne, met en garde le Père Paolo. Néanmoins, El-Assad essaie de transformer et de démontrer que des fanatiques se cachent sous le masque des révolutionnaires. Depuis longtemps, il n’a de cesse de créer des différences entre les peuples de son pays, comme par exemple avec l’interdiction d’aller à l’armée pour les Kurdes.” Et Yahia d’ajouter : “Les opposants au régime actuel veulent une Syrie pour tous, qui respecte l’identité de chacun, peu importe sa confession. Que chacun puisse trouver son représentant dans les sphères gouvernementales et ainsi, construire une Syrie unie.

Les oubliés du printemps

Malgré la tournure tragique que prend ce soulèvement populaire, les jeunes Syriens déplorent l’inertie de la Communauté internationale. “Notre faute, à nous Syriens, reconnaît Yahia, est de ne pas avoir considéré la dangerosité que représentait El-Assad. Nous pensions qu’il était un ‘Moubarak’ (ndlr : ex-président égyptien). Et nous espérions que la Communauté internationale qui avait soutenu les révolutions du Maghreb allait nous appuyer dans notre lutte. Malheureusement, son désintérêt nous fait comprendre que la Syrie n’a pas droit à son printemps arabe.

Ces tensions, que le Père Paolo Dall’Oglio qualifie aujourd’hui de véritable guerre civile, s’intensifient de jour en jour. Les combats sont de plus en plus violents. La population syrienne est décimée ou s’enfuit dans les camps de réfugiés aux frontières turque, irakienne, jordanienne ou libanaise.

La révolution ne peut pas l’emporter sur El-Assad, alors que le Président est en mesure de bombarder massivement la population syrienne, s’inquiète le Père jésuite. Le conflit témoigne aussi des tensions régionales entre les Chiites d’Iran et les Sunnites de Turquie et d’Arabie saoudite, entre les Etats-Unis et la Russie, avec Israël… Sans parler des richesses naturelles énergétiques, qui comme dans tous conflits, attisent les tensions. La Russie et l’Iran convoitent les côtes syriennes qui regorgent de gaz offshore et d’eau. Cette région est peuplée de Sunnites qui seraient expulsés en vue d’y installer des Alaouites et Chiites. Pour le moment, la Communauté internationale reste dans un immobilisme face à ces dissensions.

En effet, alors que l’Onu et la Ligue arabe ont condamné les actions d’El- Assad, les grandes puissances occidentales ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une intervention dans ce pays, en raison de dissensions au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies. Laissant ainsi la population syrienne à son triste sort…

Une issue au conflit sans fin ?

Par ses visites dans les différents pays occidentaux, le Père Dall’Oglio tient à rappeler les enjeux du conflit syrien pour que l’immobilisme cesse. “Il faut prôner une Syrie neutre et éviter que le conflit, qui se voulait pacifique au départ, ne se change en génocide. Mais malheureusement, ce génocide est déjà enclenché. En n’intervenant pas, la Communauté internationale pourrait en être tenue responsable. Il faut fédérer le peuple syrien autour de valeurs communes, comme le veulent les jeunes qui ont lancé la révolution.

Au vu de la tournure des combats, la méthode non-violente semble compromise. “Les avions d’El-Assad continuent de lâcher leurs bombes. Organiser la présence de Casques bleus devient incontournable pour sortir ce pays de l’impasse”, continue le Père jésuite. Et de terminer sur une vision un peu utopique : “Je rêve que des Occidentaux descendent par la Turquie avec des médicaments… et aussi, leurs principes démocratiques pour soutenir le peuple syrien. Je rêve encore qu’un grand mouvement interreligieux arrive en Syrie pour s’opposer de manière non-violente au dictateur.

// VIRGINIE TIBERGHIEN

(1) “Syrie : l’ascension et le déclin du nouvel acteur politique” par Wael Sawah dans “Le printemps arabe: un premier bilan”. Centre tricontinental et Ed. Syllepse, 2012.


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