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Éditorial (18 octobre 2012)
Jean Hermesse
//Secrétaire général
© A-M Jadoul

Le casse-tête
de la régionalisation des soins de santé

D’ici à 2015, une partie des soins de santé – plus de 4,2 milliards d’euros – seront transférés aux Communautés et Régions. Ce transfert risque de faire basculer rapidement notre système de santé vers une organisation kafkaïenne, coûteuse, inefficace et davantage privatisée. C’est une opération très risquée et les patients, en particulier les malades chroniques, pourraient en faire les frais.

L’accord gouvernemental conclu en 2011 prévoit le transfert d’une partie des compétences de la sécurité sociale dans les secteurs de l’emploi, des soins de santé, de l’aide aux personnes âgées et des allocations familiales, pour un total de 14 milliards d’euros. Des milliers de personnes et des centaines d’institutions sont concernées.

Les malades chroniques particulièrement visés

En matière de santé, les soins de longue durée et résidentiels font principalement l’objet du transfert. Les malades chroniques sont, de ce fait, aux premières loges. Et parmi eux, surtout les personnes âgées dépendantes soignées en maisons de repos et de soins (MRS), dans les centres de jour et les services de gériatrie et de revalidation spécialisés. Comme ces différentes institutions, de nombreux centres de revalidation quittent également le niveau fédéral. Ils sont spécialisés dans des soins pour des pathologies lourdes et complexes : surdité, déficience visuelle, toxicomanie, pathologies médico-psychologiques graves, autisme... De même, les maisons de soins psychiatriques et les habitations protégées aboutissent dans l’escarcelle des Régions et Communautés.

Tous les patients pris en charge dans ces structures nécessitent beaucoup de soins différents : soins infirmiers et médicaux, aides aux actes de la vie journalière, à la mobilité (transports), médications… Et le coût total pour ces soins a tendance à augmenter rapidement. Ainsi dans les MRS, il a augmenté en moyenne de plus de 9% par an, ces dix dernières années. Ces coûts croissants ont pu être couverts parce qu’ils étaient intégrés au sein du budget global de l’assurance soins de santé obligatoire permettant des compensations entre secteurs. Qu’en sera-t-il demain lorsque tous ces soins seront à charge des Régions et Communautés?

La qualité et l’accès aux soins en péril

Outre la détermination des matières transférées, l’accord du gouvernement prévoit une norme de croissance des budgets transférés. Or, dans un souci légitime d’économies, cette norme se situe largement en-dessous de l’augmentation des dépenses des dernières années. Pourtant, on le sait, le vieillissement de la population va s’accélérer; les besoins en soins chroniques continueront de croître. Le risque est réel de voir les Régions et Communautés dans l’incapacité de créer et de financer une offre suffisante. Faute de places, des personnes âgées dépendantes devraient alors séjourner plus longtemps à l’hôpital ou dans de mauvaises conditions à domicile. Pour répondre à leurs besoins non couverts, on pourrait assister à une privatisation larvée des soins aux malades chroniques.

Le transfert comporte d’autres risques, notamment pour l’égalité d’accès et la liberté de choix des services. Comment les garantir si les conditions sont différentes entre les trois Régions, si chacune fixe la hauteur des tickets modérateurs à charge des patients dans ses institutions? Aujourd’hui, ceux-ci sont intégrés dans le MAF (maximum à facturer). Au-delà de 450 euros de tickets modérateurs cumulés, l’assurance soins de santé obligatoire rembourse tout. C’est une couverture essentielle, surtout pour les malades chroniques. Si une région augmente les quotes-parts personnelles pour les soins reçus dans les institutions transférées, pourront- elles être reprises dans le MAF fédéral? Si non, faudra-t-il créer un MAF wallon, un MAF bruxellois et un MAF flamand?

On le voit, les risques et enjeux liés au transfert de compétences dans les soins de santé sont majeurs : risque d’incohérence entre les politiques de santé fédérale et régionales, risque de sous-financement et de privatisation, risque de réduction de l’accessibilité, risque de complexification et d’augmentation des coûts de gestion. Pour réduire ces risques, il faut que les Régions et Communautés choisissent un mode de gouvernance ambitieux au centre duquel se trouve le patient.

Une nécessité d’ambition

Si les compétences sont transférées sans vision sur une protection sociale fédérée (francophone et germanophone), elles seront dispersées entre les régions, entre les nombreuses administrations et les ministres. Elles s’ajouteront simplement à d’autres compétences comme de nouvelles couches de lasagne.

Jusqu’à présent, nous avons constamment pu améliorer notre système de sécurité sociale parce que nous avons progressivement élargi la base de la solidarité, parce que les partenaires sociaux ont incité aux avancées sociales, parce que les acteurs des soins participent, cogèrent et donc adhèrent à l’organisation des soins. Si nous voulons préserver ces acquis, les partis politiques francophones doivent se décider. Quel modèle de protection sociale fédérée veulent-ils? Nous plaidons pour que ce modèle soit basé sur une large solidarité, sur la concertation et la gestion paritaire, sur une approche globale et sur la coopération, tant avec le niveau fédéral qu’entre Communautés.

Sans vision, sans projet ambitieux, les compétences seront éclatées, les discussions de partage interminables. La complexité de gestion (comptabilisation, refacturation, etc.), deviendra exponentielle. In fine, on sera plus occupé à de la tuyauterie qu’à œuvrer à l’efficacité de l’ensemble. Et pendant que les “responsables” discuteront, les patients devront se débrouiller.

Le transfert des compétences dans les soins de santé risque de réduire l’accès et la qualité des soins surtout pour les personnes âgées et les malades chroniques. Nous lançons un appel aux partis politiques pour qu’ils se mobilisent et envisagent un projet de protection sociale fédérée ambitieux, seule alternative contre la privatisation et l’exclusion.

Jean Hermesse//Secrétaire général


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