Éditorial
(3 mai 2012)
Quand le non marchand
libère le marchand…
Ce
27 avril, la Fédération de l’aide et des soins à domicile (FASD) organisait
un colloque avec pour thème : “cultivons nos valeurs pour implanter la
qualité”. La journée est concomitante avec le lancement par la Mutualité,
d’une campagne sur le maintien à domicile. Un coup de projecteur doublement
bienvenu et qui apporte une juste reconnaissance pour les métiers du
non-marchand (des soins, de l’enseignement, de l’économie sociale…).
Parmi les nombreux
constats et éclairages du colloque des aide et soins à domicile, il parait
intéressant de relever et de mettre en exergue une phrase de l’économiste
Jacques Defourny: “le non marchand fait marcher le marchand!”.
Voilà qui pourrait bien paraitre prétentieux, sauf quand on y réfléchit de
plus près.
L’emploi du
non-marchand
Plusieurs centaines
de milliers d’emplois sont exercés dans les domaines relevant de ce type
d’économie. Que ce soit dans les écoles, les hôpitaux, les mutualités, les
soins à domicile, les entreprises de travail adapté… des milliers de
personnes se lèvent tous les matins pour aller exercer une profession dont
le but n’est pas de grossir une rentabilité financière mais de faire croître
un projet de société, de “vivre ensemble” ; et ce, avec un salaire perçu en
échange. Ce salaire sera directement utilisé pour l’achat de biens de
consommations ou pour l’épargne. Les salaires des travailleurs des secteurs
non marchands font donc tourner l’économie comme tous les salaires perçus
par les travailleurs ou comme toutes les indemnités versées à ceux qui n’ont
pas d’emploi.
Réponses
aux besoins de la population
Dans le secteur non
marchand, les projets et les entreprises sont gérées grâce à la
participation d’administrateurs et de membres des assemblées générales. Cela
est vrai pour toutes les sociétés qui sont organisées en asbl, société
coopérative, SPRL ou société anonyme, pour prendre les formes les plus
connues. Au même titre que dans les autres formes juridiques, les
entrepreneurs et gestionnaires du secteur non marchand prennent des risques,
ouvrent des portes nouvelles pour répondre à des besoins nouveaux, engagent
du personnel, le gèrent, le forment… Ils le font dans le secteur “non
profit” à titre gratuit! Ils donnent de leur temps et de leur personne pour
un projet et non pour un retour sur investissement sonnant et trébuchant.
Surtout, ils sont souvent seuls à couvrir certains besoins, tant que les
réponses ne sont pas considérées comme “rentables” par le secteur marchand.
Un exemple avec le
secteur des aides à domicile. Il est soumis à une concurrence déloyale avec
les entreprises marchandes de titres services. Marchand ou non marchand
perçoivent les mêmes subsides. Mais elles ne sont pas animées de la même
volonté de pérenniser l’emploi, de former le personnel généralement peu
qualifié à la base, d’augmenter les salaires avec l’ancienneté… Or les
entreprises marchandes de titres services ne sont apparues que dernièrement
dans cette niche, pour faire un maximum de profit en peu de temps. Très
souvent elles disparaissent dès que les profits diminuent… Le secteur non
marchand (public ou associatif) se retrouve seul à poursuivre les projets.
Car pour lui, il s’agit bien d’apporter une réponse pérenne à la population.
Une
interaction productrice de sécurité sociale
La mutualité
chrétienne organise actuellement une campagne sur le maintien à domicile
avec, comme axe illustratif, le fait de se mettre à la place de quelqu’un.
Il s’agit de se mettre à la place d’une personne dépendante dans sa maison
face à ses occupations quotidiennes et de voir comment chacun vivrait cette
situation. La mutualité a voulu, en particulier, mettre sous les feux des
projecteurs les services qu’elle organise avec des partenaires, tous non
marchands, tous animés d’une même philosophie du service, tous travaillant
avec des employés professionnels et formés…
Ces métiers sont
ceux du domicile (lire : "La solidarité, ça commence par se mettre à la place des autres !") : les Aide & Soins à Domicile (l’ex Croix
Jaune et Blanche) qui regroupent infirmières, aides familiales, aides à
domiciles et assistantes sociales ainsi que la coordination des soins
apportés aux personnes ; l’asbl Solival Wallonie Bruxelles qui offre des
conseils dans l’aménagement du domicile; Vitatel qui assure un service de
télé-vigilance, ainsi que Qualias qui regroupe les magasins de location et
de vente de matériels (Solival à Liège et à Verviers). Au travers de ces
situations, il est essentiel de se poser une question plus fondamentale
encore: que serait notre société sans les initiatives prises par des
citoyens engagés?
A la réflexion,
cette organisation de services est aussi le signe du lien fort qui se noue
et se tisse tous les jours entre le secteur marchand et le non-marchand.
Imaginons la vie d’un chef d’entreprise qui, chaque matin, devrait faire
face aux problèmes de ses travailleurs et aux siens, si ces projets
n’avaient pas vu le jour. Les travailleurs parents arriveraient le matin au
siège de l’entreprise sans savoir si leurs enfants ont encore une école
l’année prochaine. Rappelons-nous à ce propos le stress et l’angoisse de la
Belgique francophone lors de la mise en application du premier décret
inscription et les jours de congés que cela a engendrés dans les entreprises
pour aller inscrire les enfants. Ce même chef d’entreprise devrait faire
face aux questions d’assurances soins de santé, de traitements médicaux, de
soins infirmiers… de ses employés ou de leur famille. Les Etats-Unis
fournissent un bel exemple de ce que cela coûte aux entreprises. Le secteur
non marchand libère le secteur marchand de ces contraintes et rassure la
population au quotidien.
En résumé,
les secteurs de l’accueil de la petite enfance, de l’école, des soins à
domicile ou à l’hôpital, de l’accompagnement des personnes handicapées, du
soutien aux personnes âgées… répondent à des besoins essentiels et
concourent à créer dans notre pays un climat de confiance propice au
développement apaisé des activités marchandes et non marchandes.
“Se mettre
à la place de”, premier signe de solidarité entre les personnes, fournit
également la preuve tangible et irréfragable que le non marchand participe
de manière fondamentale et essentielle au mieux-être de notre population.
Que tous les travailleurs qui s’y engagent en soient ici remerciés!
Alda Greoli//Secrétaire nationale
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