Éditorial
(15 mars 2012)
MC, est-ce sensé ou sans C
?
La
Fédération des scouts Baden-Powell de Belgique a fait la Une, ces derniers
jours, avec l’abandon de la référence à Dieu, au sein de la loi scoute. Ce
fut l’occasion pour certains de remettre sur la table et en débat les “c”
qui jalonnent l’appellation de nombreuses institutions, historiquement
issues d’initiatives de l’Eglise ou en lien avec les valeurs chrétiennes.
Ces dernières années, plusieurs
institutions se sont posé la question du “pluralisme situé”. Dans notre
pays, ces questions prennent, plus encore qu’ailleurs en Europe, une
coloration particulière, directement politique. Notre histoire sociale,
politique et associative est caractérisée par le développement de deux
piliers : un autour des valeurs chrétiennes et du réseau chrétien, et
l’autre autour des valeurs socialistes, du libre arbitre ou de la libre
pensée. Ces actions et initiatives ont longtemps eu un prolongement
politique au travers de partis (PS, PSC). Aujourd’hui, les institutions et
les partis ont évolué mais les questions des institutions sur leur “C”
ramènent toujours, sur la place du débat public, ces anciennes idées reçues…
Au-delà des a priori
Nous sommes d’ailleurs, comme
mutualité chrétienne, souvent catalogués, avant d’avoir été interrogés. Des
a priori circulent sur nos positions relatives à des sujets comme
l’euthanasie, l’avortement… Comme si la caricature d’un positionnement
permettait une lecture plus claire et limpide de la société. Dans les débats
qui entourent ces interrogations éthiques , on mélange malheureusement
différents niveaux. Pourtant, la référence à Dieu, ce n’est pas l’obéissance
aveugle à l’institution Eglise. La place historique des paroisses ou des
communautés religieuses dans les services de santé ou d’enseignement, cela
ne veut pas dire que ces services appartiennent à l’Eglise aujourd’hui, et
encore moins qu’un Pape en donnerait la ligne de conduite. L’attachement aux
valeurs chrétiennes ne signifie pas l’adhésion aux dogmes de la foi
catholique.
Bref, se réclamer voire proclamer
dans sa marque “MC” son adhésion à des valeurs chrétiennes, son
positionnement historique et philosophique, ce n’est pas combattre ni
s’opposer aux évolutions de la société contemporaine. Ce n’est pas faire fi
du rapport actuel à la spiritualité. C’est l’accompagner en sachant d’où
l’on vient et en tentant de savoir où l’on va. Cette ouverture à tous et à
toutes au départ d’une position philosophique claire est ce qu’on appelle le
“pluralisme situé”.
Une conception solidaire
et égalitaire de la société
Les mutualités chrétiennes n’ont
jamais “appartenu” aux structures de l’Eglise catholique. Pourtant nous ne
renions pas notre rapport aux valeurs chrétiennes de solidarité, notre
philosophie, une conception de l’homme qui se construit d’abord et avant
tout dans son rapport aux autres hommes. Notre conviction est que l’action
collective et citoyenne est indispensable, en lien avec la responsabilité
sociale vis-à-vis de tous, en particulier des plus fragilisés.
On nous oppose parfois que cette
référence freine certains membres potentiels. Il nous revient que cette
marque peut paraitre démodée et ne plus être en phase avec les évolutions de
convictions et de pensée de nos membres. Les membres des mutualités sont,
pour une partie, devenus des clients qui choisissent leur affiliation sur la
base, principalement, de la qualité des services rendus, voire du retour sur
investissement de leur cotisation. Ils choisissent notre organisme pour des
raisons qui leur semblent objectives.
Mais la plus grande partie de nos
membres choisissent aussi notre organisme parce qu’ils sont conscients
qu’ils adhèrent à une organisation militante. Ils savent que nous sommes un
mouvement, défenseur d’une conception de société, avec une vision de l’homme
qui n’est pas qu’objet de nos services. Ils savent que pour nous “faire
humanité” et “faire société”, cela signifie aussi poser des choix clairs
dans les services que nous mettons en place et apporter des soutiens
importants à des associations porteuses de projets qui donnent place à
chaque être humain. Ils partagent l’idée qu’on ne devient pas homme ou femme
sans rapport aux autres. Ces membres sont des citoyens actifs et
responsables et ce sont ces valeurs qui nous relient à eux.
Notre définition du rôle d’une
institution telle que la nôtre est héritière de la conception promue à la
fin du 19ème siècle par l’Eglise catholique. Mais nous l’avons fait évoluer
avec la société, surtout grâce à l’engagement volontaire d’hommes et de
femmes dans nos structures démocratiques que constituent les assemblées
générales et les conseils d’administration. Aujourd’hui avec un “C” dans
notre nom, nous nous positionnons dans une conception solidaire et
égalitaire de la société. Il ne s’agit pas de construire une protection
sociale et de santé uniquement tournée vers une catégorie de la population
mais bien de faire que riches et pauvres, malades et bien portants, quels
que soit leur religion, leur philosophie, leur âge, leur sexe, soient
couverts et protégés par cette assurance à laquelle ils contribuent tous et
dont ils reçoivent tous en retour la même chose, les mêmes avantages. Il
s’agit d’une société qui ne fait de discrimination ni par le haut, ni par le
bas.
Passeurs de sens
Chacun de ceux qui se sont
investis dans ces institutions, qui en ont porté, pendant quelques années ou
plusieurs décennies, le projet et la modernisation savent qu’ils ne sont et
ne seront jamais les propriétaires mais bien toujours les locataires. Les
propriétaires sont les citoyens et les bénéficiaires de nos institutions.
Les dirigeants de celles-ci se doivent d’être des passeurs de l’histoire
qu’ils transmettent à leurs suivants, et cette histoire a un sens.
Notre responsabilité de
dirigeants consiste à faire évoluer les institutions pour qu’elles
garantissent un avenir, une philosophie d’actions et un sens du bien commun
à ceux qui leur font confiance. Nous ne sommes certainement pas les seuls à
tenter de faire grandir nos institutions de cette manière, mais nous n’avons
pas honte de l’avoir inscrite dans une conception de la vie en commun qui
nous est parvenue de passeurs en passeurs dans une culture marquée par la
tradition chrétienne. MC, c’est sensé !
Alda Greoli//Secrétaire
nationale
|