Éditorial
(1er
mars 2012)
Diminuer le coût et
le volume des médicaments consommés
Parmi les économies
structurelles décidées par le Gouvernement dans les soins de santé, un
montant important, 164 millions d’euros, est imputé au secteur des
médicaments. Vu le niveau élevé des prix et des consommations en Belgique,
c’est une économie justifiée. Ces mesures entraîneront aussi une diminution
du coût pour les patients.
Les dépenses
pharmaceutiques sont élevées en Belgique, elles représentent 16% des
dépenses totales de santé, soit près de 6 milliards d’euros. La facture des
médicaments représente d’ailleurs le poids le plus lourd dans le coût à
charge des patients.
En 2009, les
dépenses pharmaceutiques s’élevaient en Belgique à 550 euros par habitant.
De cette facture annuelle, les patients ont payé de leur poche 218 euros
(soit 40%) en médicaments non remboursés et tickets modérateurs. Le solde,
soit 332 euros, a été remboursé par l’assurance soins de santé obligatoire.
Ce niveau de dépenses par habitant classe la Belgique dans le peloton de
tête des pays gros consommateurs de médicaments. A titre de comparaison, aux
Pays-Bas, la dépense totale a été – pour la même période – de 401 euros par
habitant et les patients n’ont payé que 85 euros (soit 21%) de leur poche.
Le Danemark, l’Allemagne et la Suède se trouvent dans les mêmes sphères. Des
économies structurelles importantes sont donc possibles dans ce secteur,
sans réduire l’accès ou la qualité des soins.
Délivrer le
médicament le moins cher
Dans pratiquement
tous les pays européens, le pharmacien est autorisé (dans certains pays même
contraint) à substituer le médicament prescrit sur l’ordonnance par un
médicament moins cher et contenant la même molécule active. Jusqu’à présent
cette substitution était interdite en Belgique. Le pharmacien n’était
autorisé à délivrer un médicament moins cher au patient que si le médicament
était prescrit par le médecin en DCI (dénomination commune internationale),
autrement dit sous le nom de la molécule. Dans la pratique, la prescription
DCI reste cependant faible et ce n’est pas toujours le médicament le moins
cher qui est délivré.
Pourtant la
délivrance du médicament le moins cher entraine des économies importantes
autant pour le budget de l’assurance soins de santé que pour le portefeuille
du patient. Par exemple : si un médecin prescrit 10 comprimés de
l’antibiotique Tarivid 400mg à un assuré non préférentiel, cela coûte
actuellement 12,63 euros à l’assurance soins de santé et 8,71 euros au
patient, mais si le pharmacien remplace ce médicament par le moins cher
contenant la même molécule active, cela reviendra à 11,15 euro pour
l’assurance soins de santé et à 3,66 euros pour le patient.
Ce principe de
substitution obligatoire sera dorénavant appliqué en Belgique sur les
prescriptions des antibiotiques et des antimycosiques. En appliquant cette
substitution, le pharmacien ne change pas la prescription mais il remplace
la marque prescrite par un médicament moins cher tout en respectant – bien
entendu – les caractéristiques du médicament : même molécule, même forme et
même quantité par dose.
Une mesure
d’économie est également introduite pour les médicaments anti-ulcéreux et
anti-reflux. Des plafonds sont fixés pour le remboursement et pour
l’intervention du patient. Ces mesures devraient rapporter plus de 18
millions d’euros en 2012.
Réduire le prix des
médicaments
Le prix des
médicaments se situe en Belgique plutôt au-dessus de la moyenne européenne.
Afin de le faire baisser, le gouvernement propose deux mesures. La première
consiste en une baisse linéaire de 1,95% du prix de tous les médicaments,
sauf si la firme demande que certains de ses produits supportent davantage
ces réductions afin que d’autres médicaments plus récents soient exemptés de
la baisse. La deuxième mesure vise les médicaments encore sous-brevet
(protégé de la concurrence pendant 20 ans). Le gouvernement propose
d’appliquer un mécanisme d’adaptation des prix, similaire à celui pratiqué
dans d’autres pays, sur la base d’une comparaison des prix pratiqués
ailleurs. Ces deux mesures devraient rapporter près de 60 millions d’euros
en 2012.
Diminuer le volume
des médicaments
Les études portant
sur les habitudes de prescriptions des médecins montrent que certains
d’entre eux prescrivent beaucoup plus de médicaments et des médicaments plus
coûteux. On constate de grands écarts de pratiques de prescriptions pour les
antibiotiques, les antidépresseurs ou les médicaments prescrits en maison de
repos. Afin de réduire ces sur-prescriptions de manière sélective, le
gouvernement impose aux mutualités d’accentuer le contrôle assuré par les
médecins- conseils sur les médicaments soumis à leur accord préalable.
L’objectif est louable mais les moyens semblent peu réalistes : plus de 1,6
millions de demandes d’accords pour les médicaments sont envoyées aux
médecins- conseils chaque année, alors qu’ils ne sont que 220 et qu’ils ont
aussi en charge des milliers de personnes en incapacité de travail et en
invalidité. Ce n’est pas réaliste.
La Mutualité
chrétienne plaide depuis des années pour remplacer le contrôle a priori –
qui consiste à chercher une aiguille dans une botte de foin –, par un
contrôle a posteriori sur la base de profils significatifs. La Mutualité
propose aussi d’introduire un système de forfait en maison de repos comme il
fut introduit en 2006 à l’hôpital, avec des résultats immédiats tant sur les
volumes que sur les prescriptions des médicaments génériques. Enfin, les
campagnes de marketing des firmes ont un impact incontestable sur les
volumes prescrits. Il serait dès lors logique de taxer le budget marketing
de chaque firme pharmaceutique afin de décourager ce type de dépenses peu
efficaces pour la santé.
En Belgique, les
médicaments pèsent lourd dans le portefeuille des patients, des malades
chroniques et dans le budget de la sécurité sociale. Les économies
structurelles décidées par le gouvernement feront baisser cette facture.
Pour atteindre ce résultat, la collaboration des médecins et des pharmaciens
est indispensable. Nous demandons à chacun de prendre ses responsabilités.
Jean Hermesse//Secrétaire
général
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