Éditorial
(19 janvier 2012)
Alda Greoli//Secrétaire nationale
On ne spécule pas sur la santé
des membres d’une mutualité !
L’actualité légale nous oblige à revenir, une
fois de plus, sur la différence entre les mutualités – en particulier la
Mutualité chrétienne – et les assureurs commerciaux.
Que couvrent l’assurance obligatoire ou les
assurances complémentaires proposées par les mutualités ? Pourquoi dois-je
obligatoirement payer une cotisation à ma mutualité et à quoi donne-t-elle
droit ? Une assurance hospitalisation des mutualités est-elle aussi
intéressante qu’une assurance, bien plus chère, des assureurs commerciaux ?
Je ne savais pas qu’une assurance hospitalisation est déjà comprise dans ma
cotisation à la mutualité chrétienne. Mais elle n’est vraiment pas chère!
Comment faites-vous ?… Autant de questions que les citoyens se posent
bien légitimement, ne sachant pas ce qui fait la différence entre les types
d’entreprises : mutualité et assureur commercial.
Bons et mauvais risques
Les assureurs commerciaux privés aiment faire croire
que nous, mutualités, sommes pareils à eux; que, dès lors, nous devrions
répondre aux mêmes règles de concurrence qu’eux. Leur intérêt est simple à
comprendre: si le citoyen ne voit plus la différence et si la législation
pouvait ne plus la faire non plus, ils pourraient gagner des parts de marché
rentables. A l’Etat et aux mutualités, d’assurer la couverture des risques
plus coûteux liés à l’âge des assurés, aux accidents de vie, aux fragilités
liées aux risques du métier exercé… Bref, ils segmenteraient la population
en bons et mauvais risques. Conséquence? L’assurance obligatoire ou les
services solidaires des mutualités en deviendraient ingérables et surtout
inabordables pour les membres.
Aujourd’hui, dans une mutualité, chaque titulaire paie
une même cotisation. Par contre, pour être couvert par une assurance
commerciale, l’assuré doit répondre à une série de critères. Il paiera des
primes différentes suivant le risque qu’il représente. Plus le risque est
grand, plus il paiera cher. Il pourra même se voir refuser toute couverture.
Trop risqué? C’est l’exclusion pure et simple ! Ce n’est pas le cas dans une
mutualité.
En bref, auprès d’un assureur commercial, vous vous
couvrez seul et continuez à vous couvrir - si vous ne devenez pas trop cher
pour vous-même - tout en rémunérant les actionnaires… Dans une mutualité,
nous nous couvrons tous ensemble, et nous continuons à vous couvrir quelle
que soit l’évolution de votre vie, de votre état de santé. Peu importe, les
accidents ou les bonheurs que la vie vous réserve. De longue date, nous
avons prouvé que c’est moins cher, plus solidaire et aussi plus durable…. de
pratiquer ainsi. Evidemment, cela excite les appétits et les jalousies.
Des missions solidaires
Depuis plusieurs années, les entreprises d’assurances
accusent les mutualités de “pratiquer l’assurance” sans en respecter les
règles du jeu. Elles ont, à plusieurs reprises, déposé des dossiers de
plaintes devant les tribunaux belges. Ces accusations n’ont jamais trouvé
d’écho positif en Belgique auprès des différents degrés juridictionnels.
Nous avons été à plusieurs reprises confirmés dans nos missions légales
(assurance obligatoire et assurance complémentaire). La culture, la
connaissance du système belge de couverture santé, la finesse d’analyse de
l’esprit et de la lettre de la loi par ceux qui sont chargés de juger en sont
certainement les explications. Les jugements confirmaient la légitimité d’un
système mis en place et renforcé par plus de cent ans de concertation entre
les employeurs et les syndicats, plus de cent ans d’implication des citoyens
dans les conseils d’administration et les assemblées générales des
mutualités… Cependant, la fédération qui représente les intérêts des
assureurs commerciaux (Assuralia) n’a pas voulu s’arrêter là. Après avoir
déposé une requête, sa plainte a été relayée au niveau de la Commission
européenne. Cette dernière a enjoint la Belgique de modifier le cadre légal
des mutualités (la loi de 1990). Ce fut fait dans une nouvelle loi, en avril
2010.
Le gouvernement fédéral avait chargé les mutualités et
les assureurs de trouver un accord pour répondre aux injonctions de
l’Europe. Un compromis a été signé. Equilibré et juste, il renforce le
devoir et les obligations des mutualités dans leurs missions solidaires pour
l’intérêt du membre. Et par ailleurs, il oblige les assureurs commerciaux à
plus d’éthique sociale. Cet accord définit également une série de critères
de différenciation (voir les détails en page 2).
Effet au 1er janvier 2012
Ne s’estimant toutefois pas satisfaites, les
entreprises d’assurances ont introduit un recours en annulation contre
certains articles de cette loi, en particulier les articles qui précisent
dans quelles conditions les mutualités peuvent organiser des services de
l’assurance complémentaire. Ce recours en annulation a été rejeté par la
Cour constitutionnelle, dans un arrêt particulièrement bien motivé. La Cour
confirme, à nouveau, que les mutualités peuvent organiser, sur une base
solidaire, des services qui ne sont pas des assurances, c’est-à-dire qui ne
poursuivent pas de but lucratif et ne distribuent pas de dividende. La loi
d’avril 2010 est d’ailleurs très claire: nos services complémentaires et
mouvements socio- éducatifs sont des “services d’intérêt général”, ce qui
les met à l’abri des règles européennes de la concurrence et qui, surtout,
protège nos membres des conditions inéquitables des assurances
hospitalisation commerciales. Nous nous sommes vu imposer des changements et
des différenciations entre nos services d’intérêt général et nos assurances
facultatives (par exemple nos hopis+ 100 et +200). Nous avons dû également
strictement appliquer l’obligation faite à tous les membres de payer leur
assurance complémentaire, la rendre individuelle et égale pour tous les
membres. Cela implique que, dans un ménage, il y a autant de cotisations
qu’il n’y a de titulaires (gratuit pour les enfants et les personnes à
charge). Les cotisations individuelles ont ainsi pu être diminuées.
Nous voulons continuer à être le rempart qui
résiste à faire de la santé des citoyens un marché sur lequel les assureurs
entendent spéculer et s’enrichir. Nous osons espérer que les assureurs
commerciaux accepteront enfin cet état de fait. Les membres des mutualités
ne sont pas et ne seront jamais des marchandises financières !
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