Éditorial
(1er septembre 2011)
// Jean Hermesse//Secrétaire général
Un cap
et des horizons
Depuis le début de l’année, on sent la nervosité et les tensions
monter; que ce soit sur le terrain du climat, des marchés financiers, de
l’économie, de l’environnement, des bourses ou des populations. L’inquiétude
et l’incertitude quant à l’avenir se communiquent. La perte de confiance se
marque par un taux d’épargne élevé. Où va-t-on? Nous avons besoin d’un cap
et d’horizons.
L’année 2011 restera certainement dans toutes les mémoires : des
catastrophes naturelles meurtrières, une crise financière mondiale, des
Etats au bord de la faillite, une famine d’une ampleur sans précédent, le
soulèvement de populations et le renversement de dictateurs, des émeutes et
des mouvements de contestation, d’indignation et … une crise gouvernementale
qui n’en finit pas. Face à tous ces évènements il y a de quoi être
déboussolé. Les analystes et les politiques nous disent qu’il faut agir, que
le temps presse, on nous annonce des scénarios catastrophe. Mais quels
remèdes, pour quelle guérison? N’est-ce pas le moment de mettre en question
la course à la croissance et à la compétition? De prendre des orientations
pour un autre modèle de développement, d’abord humain.
Le remède classique :
plus de croissance, de quoi?
Notre modèle de développement basé sur la croissance, le marché et la
compétition augmente les inégalités partout. Il pousse à l’exploitation sans
vergogne de la nature et des hommes. D’un côté quelques “happy few”, de
l’autre des pauvres, des opprimés, des exclus qui s’indignent et se
mobilisent. Car les catastrophes naturelles et les crises économiques
atteignent les hommes et les femmes d’une manière inégale. Et lorsque la
croissance ralentit, les écarts s’aggravent encore; il n’y a jamais eu
autant de milliardaires et les bénéfices des multinationales ont encore
augmenté, la pauvreté s’est étendue.
Pour en sortir, on nous dit qu’il faut relancer la croissance, donc la
consommation, donc le pouvoir d’achat. Il faudrait ainsi moins taxer et
faire des économies dans les dépenses sociales, alors… le bonheur serait au
bout du chemin! La formule paraît simple. Pourtant, elle a déjà été
appliquée à plusieurs reprises. Et, à chaque fois, avec le même résultat :
des inégalités sociales accrues et un risque de catastrophes écologiques
majeurs qui se rapproche. Est-ce donc la seule voie de développement ?
Un projet de société avec des valeurs
De nombreuses études montrent que le bonheur et le développement humain de
nos sociétés occidentales n’augmentent plus avec la richesse matérielle, que
du contraire d’ailleurs dans certaines pays. La croissance ne serait donc
pas “la solution” pour notre prospérité! La qualité de vie dépend de bien
d’autres facteurs: l’environnement, la sécurité, la convivialité, les liens
sociaux, la protection sociale… Tous ces éléments plus immatériels ne
dépendent pas de la richesse en avoirs, mais de choix de société guidés par
des valeurs telles que la solidarité, la redistribution des richesses, le
partage du travail, la cohésion sociale, le respect de l’environnement et de
la nature, l’intégration sociale. Une société qui se développe sur la base
de ces valeurs ne va pas forcément croître en avoirs mais certainement en
“être”. Elle doit offrir à chacun des horizons permettant l’épanouissement
de projets personnels.
Plaidoyer pour
un projet politique ambitieux
Nous souhaitons tous que les partis politiques en viennent à s’entendre pour
trouver un compromis communautaire et élaborer un programme socio-économique
pour le pays. Mais régler des problèmes institutionnels et réduire le
déficit de l’Etat ne forment pas vraiment un projet de société emballant. Au
contraire, certains transferts de compétences, entre autres dans le domaine
de la santé, vont entraîner de tels casse-têtes à résoudre qu’ils nous
éloigneront des besoins des patients, qu’ils mobiliseront toute l’énergie,
toute la créativité au détriment des enjeux et défis en soins de santé.
Au-delà du communautaire et du budgétaire, nous avons besoin d’un projet
politique ambitieux avec un cap et des valeurs. Un projet qui inspire et
ouvre des perspectives en termes de protection sociale, de services et
structures collectifs, de tissu social, de développement durable,
d’intégration sociale. Alors, nous pouvons avoir confiance dans l’avenir et,
forts de ces valeurs, nous pouvons traverser le temps et les intempéries.
La réforme institutionnelle et les mesures d’économie ne vont pas
nous faire rêver. Certes elles s’imposent, mais, pour traverser crises et
incertitudes, nous plaidons pour un projet politique ambitieux basé sur des
valeurs et centré sur le développement humain. La qualité de vie et la santé
en sortiront gagnantes.
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