Éditorial
(15 septembre 2011)
// Alda Greoli//Secrétaire nationale
Sauvegarder le bien-être de
la population belge, merci Sire!
Ce
12 septembre, le Roi a demandé
aux négociateurs fédéraux de se dépêcher à trouver
un accord sur la réforme institutionnelle. Il voudrait les voir s’engager au
plus vite dans la négociation des dossiers socio-économiques. Sauvegarder le
bien-être et la qualité de vie des citoyens est la priorité.
Le Forum économique mondial vient d’indiquer dans son rapport annuel que la
Belgique se situe au 15ème rang de la compétitivité mondiale : le
pays gagne quatre places et devance ainsi la Norvège et la France. Tout en
haut du podium, on retrouve la Suisse. Les bons résultats de la Suisse dans
les domaines de l’innovation, des capacités technologiques, de l’efficacité
de son marché du travail… explique cette “pool position”. Singapour a pour
sa part atteint la deuxième marche du classement. Un cran de plus par
rapport à 2010. Les institutions de ce petit pays d’Asie seraient “les
meilleures du monde”, en raison de l’absence de corruption et de
l’efficience du gouvernement. Et cela, d’après les critères de ce classement
mondial.
Quels critères permettent à la Belgique d’y gagner quatre places? Nous
restons sans gouvernement fédéral depuis plus d’un an. Des mesures
importantes de sauvegarde des conditions économiques et financières ne sont
pas prises. Quelle serait notre place si les politiques prenaient leurs
responsabilités? Apparemment, ce qui nous permet de gagner du terrain malgré
les conditions non-optimales, ce sont des facteurs essentiels de l’économie,
trop souvent oubliés dans les débats et dans les analyses. Le premier
d’entre eux – et le plus important – tient à l’accessibilité et à la qualité
de nos soins de santé. Un autre facteur déterminant résiderait dans la
qualité de l’enseignement fondamental et de l’enseignement supérieur.
Assurément, pour l’état d’esprit d’un pays et en particulier la sérénité des
familles, la certitude de la qualité de l’enseignement et la confiance dans
ses acteurs sont fondamentales. Les dernières années ont montré à suffisance
qu’il était facile de mettre des milliers de personnes en état de panique,
en fragilisant les mécanismes d’inscription avant de les consolider à
nouveau.
Attardons-nous sur le premier des critères qui nous permet d’être “un bon
élève” et mettons-le en relation avec la demande royale de sauvegarde du
bien-être et de la qualité de vie de la population belge. En quoi l’accès à
des soins de santé de qualité, avec une couverture importante des coûts
(bien que toujours améliorable en particulier pour les malades chroniques),
est-il un facteur déterminant de la compétitivité?
Imaginez ce que serait votre existence - quelle que soit votre occupation
professionnelle, votre âge, votre type de contrat ou de statut de
travailleur, d’aidant ou de demandeur d’emploi - si tous les matins vous
deviez vous demander: pourrai-je payer mes soins de santé? Trouver un
docteur? Faire face à cette assurance hospitalisation au coût exorbitant –
comme certaines compagnies commerciales vous les proposent déjà–? Cette
angoisse, la plupart des populations mondiales la vivent et même, de plus en
plus, les populations européennes qui nous entourent.
Ainsi, le démantèlement de l’assurance obligatoire en France conduit la
population de ce pays à devoir s’acquitter de plus de 200 euros par mois
d’assurance complémentaire pour être bien couverte. Au Pays-Bas, les
Néerlandais voient augmenter fortement le budget qu’ils doivent consacrer
aux soins de santé. Cette fragilisation des systèmes conduit la population à
nourrir de l’inquiétude pour sa santé et, surtout, pour ses soins. Elle a
des répercussions sur l’état d’esprit avec lequel chacun aborde ces
problèmes. Elle a des effets non négligeables sur la motivation, la capacité
de travail, le stress. Et donc, en cascade, sur la capacité contributive à
la rentabilité générale des entreprises et à la bonne santé économique du
pays.
Si le système de santé belge est d’une telle qualité, sans doute le doit-il
en grande partie aux acteurs qui le composent actuellement. Prestataires de
soins, administrations, organismes assureurs, sont conscients du rôle
essentiel qu’ils jouent et de leur devoir - malgré des intérêts
corporatistes - d’améliorer encore et toujours l’accessibilité et la qualité
des soins. Toutes les décisions politiques qui conduiraient à une
fragilisation du système, à en diminuer la cohérence ou la force se
révèleraient dommageables non seulement pour l’économie du pays mais aussi,
et d’abord, pour la santé globale de la population. Si, pour assouvir des
symboliques de transferts budgétaires importants entre Régions, on devait en
arriver à fragiliser la cohérence du système, tout le monde serait
rapidement perdant. Au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest du pays. Il faut
retenir des expériences de nos voisins les plus proches – et plus encore de
la caricature que constituent parfois les Etats-Unis dans ce domaine – que
fragiliser un système tel que celui des soins de santé, c’est toujours
laisser la place aux lois du marché non régulé.
L’ensemble des acteurs de la santé (représentants des prestataires,
organismes assureurs, INAMI, politiques) doivent poursuivre leur attitude
volontariste dans la consolidation du lien entre l’assurance obligatoire et
les assurances complémentaires des mutualités. Cela reste le moyen le moins
onéreux pour tous et le plus efficace. Tout ce qui fragiliserait la
cohérence de cette construction conduirait à plus de concurrence entre les
organismes assureurs et ouvrirait la voie au marché des assurances
commerciales. Or, les pensionnés, les chômeurs, les accidentés, les malades…
bref potentiellement chacun d’entre nous sait que ces dernières n’ont pas
pour vocation de renforcer l’accès aux soins de santé, mais bien l’accès de
leurs actionnaires financiers aux dividendes.
Osons formuler un vœu : que les décideurs responsables de notre pays
gardent à l’esprit que la qualité de vie et le bien-être de la population
doivent être les seuls indicateurs des bonnes orientations d’une réforme de
l’Etat et d’un projet socio-économique d’avenir. Loin devant les symboliques
des chiffres des transferts entre Régions.
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