Éditorial
(1er
décembre 2011)
// Jean Hermesse//Secrétaire général
Le recours des assureurs privés est rejeté
Depuis que la Mutualité chrétienne a lancé l’Hospi Solidaire en l’an
2000, les assureurs privés regroupés au sein d’Assuralia l’ont attaquée en
justice par trois fois. Le dernier recours introduit par Assuralia en 2010
devant la Cour Constitutionnelle vient d’être rejeté dans sa totalité. Le
statut des mutualités en sort renforcé. Une reconnaissance du fait que la
solidarité est efficace pour assurer les factures d’hospitalisation.
Las assureurs privés s’acharnent: plainte en l’an 2000 devant le Tribunal de
Commerce, plainte à la Commission européenne en 2006, recours devant la Cour
Constitutionnelle en 2010. Ils tentent à chaque fois de limiter les
activités des mutualités, d’attaquer leur statut, voire de les supprimer
afin d’occuper tout le champ des assurances complémentaires de santé avec la
logique de marché et de profit. La Cour d’appel de Bruxelles a jugé, en
2003, la plainte introduite par les assureurs privés non fondée. En 2008,
les mutualités et les assurances privées tombent d’accord sur un compromis
traduit en loi en 2010. A peine conclu, les assurances privées regroupées au
sein d’Assuralia introduisent un nouveau recours en annulation devant la
Cour Constitutionnelle. L’arrêt qu’elle a
rendu ce 24 novembre est clair: aucun grief n’a été retenu et le
caractère spécifique des mutualités est mis en évidence et reconnu. Pourquoi
tant d’acharnement de la part des assureurs privés?
Le recours et la logique d’Assuralia
Le marché des assureurs privés est directement lié à l’efficacité du système
d’assurance sociale et solidaire. Si l’assurance soins de santé obligatoire
couvre mieux les coûts des soins, la facture des patients diminue et la
nécessité du recours à une assurance complémentaire se réduit également. Si
les mutualités étendent leurs services et couverture sur la base du principe
de la solidarité, le marché se rétrécit pour les assureurs privés. Ils
s’estiment dès lors lésés ; et pour éviter le rétrécissement de leur marché,
ils veulent réduire le champ d’activité des mutualités, voire tout
simplement les supprimer. Les assureurs privés critiquent les mutualités
parce qu’elles organisent la solidarité, parce que l’affiliation est
obligatoire, parce qu’elles bénéficient d’un autre cadre légal et
réglementaire. Les mutualités sont dans leur chemin et leur succès empêche
le développement du chiffre d’affaires des assurances privées. Tout
développement de la protection sociale sur le principe de la solidarité est
considéré par les assurances commerciales comme une concurrence déloyale
tandis que, pour la population, l’élargissement de la protection sociale est
considéré comme un progrès social.
L’intérêt général poursuivi
par les mutualités est reconnu
Après un examen minutieux de la nouvelle législation, la Cour
Constitutionnelle conclut que les services offerts par les mutualités
présentent un degré de solidarité suffisant pour établir – sur la base de la
jurisprudence européenne – que ces activités ne sont pas de nature
économique. La Cour souligne que les mutualités sont les héritières de
mécanismes de solidarité historiques auxquels 99% de la population fait
appel. Les mutualités ont une mission étroitement liée au régime légal de
sécurité sociale, poursuivent une mission sociale et cela, sans but
lucratif. Leur activité est soumise à un contrôle étatique.
D’après la Cour, les services proposés par les mutualités dans un esprit
d’assistance mutuelle, de prévoyance et de solidarité
servent l’intérêt général, le caractère obligatoire des cotisations
étant la condition nécessaire pour réaliser la solidarité. La Cour souligne
le choix du législateur de maintenir un système permettant le maintien de
mécanismes de solidarité. Le champ d’activité des mutualités est spécifique,
limité aux soins de santé et à leurs membres. La Cour souligne que le lien
entre la société mutualiste et ses membres n’est pas défini par des contrats
d’assurance individuels mais dans des statuts.
Enfin, la Cour conclut que le régime critiqué par les assurances privées a
été instauré pour répondre à des raisons impérieuses d’intérêt général, à
savoir la promotion de la santé publique et du bien-être des personnes.
Etre social, c’est plus efficace
que le marché
Grâce aux mutualités fondées sur les principes de solidarité, de
participation, d’absence de but lucratif, nous avons pu construire un des
systèmes de protection sociale les plus performants et les plus appréciés au
monde. Il serait désastreux que nos systèmes de protection sociale
généralisée et solidaire soient progressivement remplacés par des assurances
commerciales.
Les expériences étrangères le prouvent: là où les assurances commerciales
jouent un rôle important, le coût total des soins de santé est moins bien
maitrisé, l’espérance de vie est moindre, les inégalités en santé
s’accroissent, les frais d’administration sont très élevés et une médecine à
plusieurs vitesses s’installe.
Au regard de tous ces aspects, les systèmes organisés à partir des
mécanismes de solidarité avec des opérateurs sans but lucratif sont plus
performants. Dans le domaine de la santé et des soins de santé, un modèle
inspiré par la logique sociale se révèle plus efficace que le marché.
Les pratiques d’exclusion des mauvais risques, de sélection des bons
risques, d’augmentation des primes ne plaident pas en faveur des assurances
privées. En poursuivant les mutualités en justice, elles s’attaquent au
principe même de la solidarité, fondement de notre protection sociale. Et
ce, à des fins purement commerciales et mercantiles. Le dernier arrêt de la
Cour Constitutionnelle rendu ce 24 novembre remet les pendules à l’heure: il
n’y a pas de concurrence déloyale. L’intérêt général, la santé publique, le
bien-être physique, psychique et social des personnes priment sur les
intérêts commerciaux. C’est un arrêt historique. Le nouveau cadre légal des
mutualités est confirmé.
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