Éditorial
(15 décembre 2011)
Les
mutualités de santé : une force
pour l’avenir au Sud? Pas seulement …
La plupart des pays d’Afrique centrale et de l’ouest ont mis à leur
agenda politique l’adoption d’une couverture universelle de santé pour leur
population. Cet évènement doit être salué, même si de nombreuses questions
se posent encore sur la faisabilité et surtout sur la pérennité des modèles
proposés.
Au Rwanda, la couverture universelle est une réalité. Au Bénin, la ministre
de la santé compte annoncer son introduction avant la fin de cette année. Au
Congo, un projet de loi est déposé dans ce sens au Parlement… Ces
initiatives sont soutenues par le Nord, au travers de programmes de
développement. Sous forme de subventions, ces appuis viennent compléter les
sommes allouées par les budgets nationaux pour tenter de donner un accès aux
soins de santé, à toute la population.
En Belgique, une plateforme appelée Masmut s’est constituée. Elle regroupe
l’ensemble des organismes assureurs (mutualités) mais aussi les ONG actives
dans les soins de santé, le réseau Be-cause health et les universités.
Ensemble, ils ont commis une plaquette qui sensibilise à l’importance des
mutualités de santé dans le développement de la couverture universelle des
soins de santé.
Pour l’efficacité du Nord
au bénéfice du Sud!
Les actions des ONG ont souvent énormément de mal à se coordonner. Les
acteurs éprouvent des difficultés à se mettre d’accord sur une stratégie de
travail, à partir des réalités locales. Des lignes de programme existent.
Mais trop souvent leur durée ne permet pas de consolider les avancées. Les
organismes internationaux imposent des stratégies, des modèles réfléchis
théoriquement plutôt que d’exiger, aux partenaires et à eux-mêmes, des
objectifs de bien-être pour les populations.
Au-delà de la couverture financière des soins de santé, c’est surtout
l’accès à la santé qui doit être amélioré dans les pays du Sud. Celui-ci
passe par la prévention, la sensibilisation mais aussi par l’action et
l’implication des citoyens. S’il faut poursuivre le rêve d’une couverture
universelle sur la planète entière, il faut accepter que des étapes soient
nécessaires pour y arriver et que ces différents paliers tiennent compte de
la réalité des pays.
Plus de 80% voire 95% de l’économie des pays en voie de développement est
informelle. Cela signifie qu’elle est basée sur de petites exploitations
agricoles, de petits commerces de village ou de rue, des expédients de
toutes sortes.
Moins de 5% de la population travaille avec un contrat sur lequel l’Etat
peut percevoir des cotisations et des impôts. Difficile, dans ce cadre, de
mettre en place une sécurité sociale qui tienne la route ; difficile de se
passer des apports des crédits et emprunts internationaux ou des mannes
célestes qui ne durent jamais et fragilisent à terme l’économie.
La construction d’un système d’accès à la santé et aux soins de santé doit
donc se construire sur une double base. Il faut, d’une part, une volonté
réelle et forte des Etats de construire pas à pas un système de sécurité
sociale basé sur l’impôt et les cotisations internes au pays. Il faut,
d’autre part, la volonté de la population et des prestataires de soins de
construire un système d’accès à la santé et aux soins de santé durable,
démocratique et de qualité. C’est là que les mutualités de santé ont toute
leur place. Dans son dernier rapport, l’Organisation mondiale de la santé
l’a enfin reconnu. En effet, la démocratie propres aux mutualités de santé
contient, dans son processus, différents ingrédients bien utiles.
Qualité des soins et garantie des prix
Le premier ingrédient est la faculté de faire “association”, de créer du
lien social à partir de la question de la santé d’un village, d’un quartier,
d’une entreprise ou d’une province, bref, à partir d’un lieu de vie. Les
mutualités de santé sont, en effet, l’équivalent de nos mutuelles à petite
échelle, constituées sur une base associative, avec une assemblée générale
et des conseils d’administration de bénévoles, élus parmi les membres.
Ensemble, ils réfléchissent aux conditions de l’amélioration de la santé par
l’hygiène de vie, par l’accès à l’éducation, par la solidarité, la création
de petites entreprises, la mise en place de cotisations et de
remboursements…
Le deuxième ingrédient essentiel est la faculté d’entrer en dialogue avec
les prestataires de soins. La réalité de l’accès aux soins de santé dans ces
pays du Sud dépasse parfois l’imagination. Les conditions dans lesquelles
sont prodigués les soins relèvent trop souvent de l’inacceptable. A quoi bon
cotiser alors dans une mutualité, si les soins ne sont pas accessibles ou
s’il faut continuer à payer des pots de vin ou des surplus d’honoraires pour
être soigné? La mutualité de santé a pour mission de garantir petit à petit
la sécurité tarifaire. Une convention est passée entre les prestataires de
soins et la mutualité pour assurer un prix aux patients affiliés, voire
permettre la gratuité et le paiement en tiers payant des factures de
l’hôpital ou du centre de santé. La mutualité, en garantissant aux
prestataires qu’ils seront payés, peut alors faire pression sur eux et sur
l’Etat pour améliorer la sécurité des soins, les conditions d’hygiène et la
qualité des prestations. On entre ainsi à petits pas dans le cercle vertueux
de la confiance en l’Etat, dans les prestataires et dans la force
démocratique de la solidarité.
Imaginez-vous vivre dans un Etat où vous ne sauriez jamais en allant chez le
médecin combien vous allez payer… Eh bien faisons bien attention! Nous
vivons, en Belgique, une situation qui se détériore. De moins en moins de
médecins signent la convention médico-mutualiste qui garantit les tarifs
pour le patient, sans supplément. En agissant de la sorte, ceux qui ne
signent pas contribuent dangereusement à la dérégulation du système. Ils le
fragilisent au point de le rendre moins fiable pour les bénéficiaires, mais
aussi pour les autres prestataires.
Nous sommes assis sur le bonheur de notre passé sans nous rendre compte
qu’en l’écrasant avec mépris, nous empêchons qu’il puisse se poursuivre.
Heureusement, ceux qui doivent, au Sud, se construire un lendemain meilleur
nous le rappellent : être capable de construire, d’entretenir et de
pérenniser un système de sécurité sociale aussi efficace que le nôtre
demande du courage politique et sociale. Que personne ne l’oublie!
|