Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (17 mars 2011)

// Alda Greoli//Secrétaire nationale

 

Les enjeux cachés
de la négociation

Plus personne ne s’aventurerait à pronostiquer le temps qui sera nécessaire pour arriver au terme des négociations politiques. Mais, au-delà de la manière dont l’Etat belge organisera demain son fonctionnement – sa “plomberie” pour reprendre une expression célèbre de Jean-Luc Dehaene –, sans doute faut-il se poser la question plus fondamentale encore: quel projet politique sera encore possible dans cette nouvelle Belgique?

Que le choix politique final soit celui de laisser les compétences au niveau fédéral ou de transférer certaines compétences ou parties de celles-ci dans les entités fédérées, la question sera de savoir quel rôle restera donné à l’Etat. Certains parlent déjà d’une nouvelle réforme fiscale. D’autres et les mêmes évoquent les revendications portées par les entreprises d’assurances commerciales, fragilisant la couverture des soins de santé assurée aujourd’hui par les cotisations sociales et mutuelles. D’autres encore défendent la sécurité sociale, mais avec quelle fonction pour le modèle associatif, quelle place laissée à la libre association dans un Etat ou une Région où le risque d’une trop grande supériorité numérique d’un  parti politique sera possible quel qu’il soit? Bref, derrières les négociations relatives à “de la plomberie” de l’Etat, derrière la reconnaissance de certaines revendications légitimes, c’est bien la vision de la fonction de gouvernance qui est au cœur de l’enjeu, trop souvent cachée!

Parmi les fondamentaux de l’organisation de l’Etat belge, la liberté d’association (qui a conduit, entre autres, à l’organisation des mutualités) et la concertation sociale constituent sans aucun doute, aujourd’hui encore, la base la plus stable. Que deviendront-elles dans un état réformé où certains espèrent voir diminuer le rôle de ces acteurs, qu’ils soient représentants des employeurs, des travailleurs ou des citoyens organisés en associations ou en mutuelles?

Dans un Etat belge réformé, quelle place sera encore garantie à cette concertation et à cette organisation de la société? Dans telle partie du pays, ne sera-t-on pas tenté ou obligé de se centrer sur des couvertures minimales laissant le reste au marché et à l’organisation de la couverture individuelle? Dans telle autre partie du pays, sur la base de la responsabilité de l’individu et de l’efficacité de l’économie de marché, ne sera-t-on pas tenté de diminuer les fonctions d’Etat pour les laisser organisées par le secteur privé marchand? Les accords forts autour de la sécurité sociale, qui sont entre autres liés aux nécessités de coalitions politiques et donc de compromis, ne seront-ils pas fragilisés dans des régions où la suprématie de certains partis pourrait les conduire à moins de sens du compromis (même social)? Ne sera-t-on pas tentés, dans certaines régions, de choisir ses partenaires de manière plus privilégiée sur le terrain, oubliant définitivement les apports de la diversité sociale et associative?

Ces risques seront sans doute amplifiés par l’Union européenne. En effet, depuis les années 80, on assiste à une restructuration lente mais obstinée des systèmes européens de sécurité sociale. La tendance est au retour des politiques minimalistes du 19ème siècle, avec évidemment des formes différentes. “La tendance plus ou moins prononcée dans tous les pays de l’Union est la constitution, avec le soutien actif de la Commission, d’un socle de protections garantissant des ressources et des couvertures minimales aux plus démunis, dans une logique d’assistance, constate la chercheuse à la Sorbonne, Noëlle Burgi, dans le Monde diplomatique de ce mois de mars 2011. Dans le même temps, le champ des garanties ‘classiques’ (chômage, maladie, vieillesse, …) tend à se contracter, ce qui encourage le recours à des dispositifs facultatifs (institutions de prévoyance, etc…) et le développement des marchés privés de l’épargne et de l’assurance”(1). C’est donc le système anglo-saxon de protection sociale qui est défendu et porté par les autorités européennes, apparemment toujours convaincues par les valeurs de la concurrence libéralisée et débridée. Si la concurrence a des vertus, les budgets des pays tels que les Etats-Unis en matière de sécurité sociale montrent que sa principale caractéristique en est le coût élevé pour l’individu et pour les finances de l’Etat.

Ce débat très important fait l’objet d’un supplément spécial du Monde Diplomatique en ce mois de mars. Les articles portent sur les enjeux européens de la commercialisation du secteur de l’assurance allant jusqu’à mettre à mal le système mutualiste français pour de strictes raisons de compétition, abandonnant ainsi les principes de solidarité, de participation citoyenne, de dialogue social et civil.

Jean Sammut, fondateur d’un cabinet conseil français en mutualité et économie sociale, écrit: “l’enjeu est collectif, car, quelle que soit la diversité des facteurs qui expliquent l’augmentation des coûts de la santé, leur maîtrise est inimaginable sans l’implication active de la population. La maîtrise centralisée a échoué, se heurtant aux corporatismes professionnels, et laisse se développer une médecine à plusieurs vitesses. Or, comme le rappelle Alain Supiot, les mutuelles, qui reposent sur les solidarités de proximité, sont les seules institutions susceptibles de tisser de vrais liens conventionnels avec les professionnels de santé. Et l’établissement de tels liens est indispensable si l’on veut développer la prévention, garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire”. La preuve de cette affirmation a été faite cette année encore dans notre pays, avec la signature de l’accord médico-mutualiste.

Quel plus beau plaidoyer peut-on imaginer pour la défense de notre système belge de sécurité sociale au sens large, et en particulier  notre système d’organisation de l’accès aux soins de santé de qualité!

Mesdames et messieurs les dirigeants de notre futur gouvernement, n’oubliez pas que ce pays a non seulement besoin de structures d’Etat stables, mais aussi d’une véritable sécurité sociale, de dialogue social et de liberté d’association pour vivre, car c’est cela qui l’a construit  avec vous!

(1) Supplément du Monde Diplomatique, mars 2011.

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

Editoriaux 2011

Editoriaux 2010

Editoriaux 2009

Editoriaux 2008

Editoriaux 2007

haut de page