Éditorial
(3 mars 2011)
// Jean Hermesse//Secrétaire général
La force
tranquille
de la
protection sociale
Hausse des bénéfices des
entreprises, épidémie de grippe, valeurs boursières remuantes, crises
financières et bulles immobilières, fusions et fermetures d’entreprises,
évolutions démographiques et instabilité politique… La mer est agitée et
pourtant un paquebot au long cours, la protection sociale, poursuit sa
route. Elle offre sécurité et stabilité à tous.
Il est frappant de
constater à quel point les médias portent de l’attention aux prouesses des
entreprises, des banques, à leurs résultats financiers ou spéculatifs ou
encore aux gains insolents des stars du sport, du business ou du monde du
cinéma. Pourtant, loin de cet étalage du petit monde des happy few, la
société réussit à s’organiser pour assurer - à tous - un horizon stable et
sûr. Cet exploit est le fruit de notre système de protection sociale,
complexe mais efficace, allouant chaque année plus de 90 milliards d’euros
en prestations sociales. De récentes brochures publiées par le SPF Sécurité
Sociale retracent toute la “richesse” de ce système.
Quelques
chiffres
La sécurité sociale est
financée par la solidarité de manière obligatoire et en fonction des revenus
du travail. Tous, un jour ou l’autre, nous en bénéficions: en cas de
maladie, de chômage, d’invalidité, au travers des allocations familiales,
après un accident du travail… La maladie, l’avancée en âge, la perte de
revenu s’appréhendent avec, au moins, cette garantie. Et nous sommes
nombreux à en bénéficier : 2,5 millions d’enfants, 2 millions de retraités,
890.000 bénéficiaires d’une allocation de chômage, 264.000 invalides,
296.000 handicapés, 1.400.000 personnes hospitalisées par an… Ces
prestations sont garanties quelle que soit la situation économique du pays ;
elles permettent de traverser les crises et les aléas de la vie. Au total,
cela représente plus de 90 milliards d’euros de prestations sociales - soit
26,8% du PIB, un niveau de dépenses légèrement supérieur à la moyenne
européenne.
En
évolution constante
En outre, la protection
sociale permet d’accompagner les changements économiques, démographiques et
sociétaux. Ainsi, en période de crise, des mesures telles que le chômage
économique temporaire viennent en renfort pour éviter des licenciements et
la perte d’expertise et de connaissance. D’autres exemples ? La réduction de
certaines cotisations sociales, pour essayer de favoriser l’emploi des
jeunes et des travailleurs peu qualifiés. Le crédit-temps, les congés pour
soins palliatifs ou assistance médicale, l’extension du congé de maternité :
autant de nouvelles prestations permettant aux personnes de s’intégrer,
d’améliorer leur bien-être, de profiter d’un meilleur équilibre entre la vie
professionnelle, la formation et le service aux autres. De même, l’assurance
soins de santé obligatoire est constamment adaptée pour intégrer et
rembourser de nouveaux traitements, médicaments ou examens de diagnostic.
Certaines prestations
sociales sont aussi revalorisées afin de maintenir le pouvoir d’achat des
personnes, de faire face à l’évolution du coût de la vie et à celle des
salaires. On peut citer la revalorisation de toutes les pensions et
indemnités, le relèvement des minima, les adaptations au bien-être,
l’élargissement des possibilités de cumul entre les revenus d’une activité
professionnelle et ceux d’une pension ou d’une indemnité.
La protection sociale
s’adapte ainsi constamment aux évolutions des techniques et des besoins de
la société. Par la solidarité, elle organise une certaine redistribution des
richesses ; elle offre des services et des possibilités d’épanouissement
personnel; elle permet la cohésion sociale et contribue au développement
humain de la population belge.
Levier
pour le développement humain
Face aux défis posés par
le vieillissement, le déficit des finances publiques, la concurrence
internationale, notre système de protection sociale devra cependant être
encore adapté. Certains entendent par là : diminuer la protection sociale.
Ce serait une erreur. Il faut, au contraire, la renforcer et l’adapter pour
en faire un levier de développement humain.
Ainsi devrait-il en être
par exemple du mécanisme de prépension : il devrait permettre l’aménagement
des fins de carrière et l’augmentation du taux d’activité des travailleurs
âgés mais selon un temps de travail adapté. D’autres idées ? Renforcer la
solidarité du financement de la sécurité sociale en amenant la contribution
des sources de revenus mobiliers et immobiliers. Ou encore renforcer le
premier pilier que constituent l’assurance soins de santé obligatoire, les
pensions légales, les indemnités d’invalidité, les allocations familiales,
en réduisant le traitement fiscal avantageux accordé aux assurances groupe
offertes aux travailleurs salariés et les assurances privées individuelles.
Attention, ces
renforcements doivent aussi être accompagnés de politiques actives pour
réduire les coûts de la mobilité, limiter les suppléments d’honoraires
médicaux, réguler le prix en maisons de repos, restreindre les coûts
scolaires, soutenir les réseaux de soins informels… Car, à quoi servent de
meilleures indemnités ou remboursements, si parallèlement les coûts des
soins ou de la vie ne font que croître ?
Crise économique,
mondialisation, instabilité politique… Notre système de protection sociale
continue à nous protéger contre les aléas de la vie. Sa force tranquille
nous rassure. Investir dans la protection sociale, c’est l’investissement le
plus rentable qui soit en développement humain.
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