Éditorial
(17 février 2011)
Formons
une “société humaine”…
Cette
année 2011 a été déclarée “année européenne du volontariat”. Dans les
différents pays qui composent l’Union européenne, le concept de volontariat
ne recouvre pas toujours les mêmes réalités. En Belgique, il s’apparente
plus généralement au bénévolat. Cela se traduit par le don de temps
gratuitement pour les autres, pour une cause, dans le cadre d’une
association. Mais plus fondamentalement, ce lien créé, cet espace de temps,
cet investissement personnel offert disent quelque chose d’essentiel de
l’état d’une société.
Que faut-il pour que des
hommes et des femmes forment “société humaine”? L’acte gratuit engendre les
relations sociales, l’amitié, l’amour… Imaginez un instant vivre dans un
groupe humain où toutes les relations sociales seraient monétisées ou
contractualisées, y compris au sein de la famille. Nous ne vivrions plus au
sein d’une société mais dans une entreprise, sous contrat; nous ferions un
travail et non une société humaine. Si la gratuité disparaissait totalement,
la société cesserait tout simplement d’exister. En effet, l’acte gratuit est
fondateur de notre humanité et le lien qu’il crée est fondement d’une
société. Encourager le volontariat, c’est produire de la société humaine !
Entrepreneurs “à titre gratuit”
Quand on pense
“volontariat”, on voit directement des centaines ou des milliers de
personnes qui s’occupent des mouvements de jeunesse, des clubs sportifs ou
des bénévoles qui donnent du temps dans un hôpital. Mais, il a fallu aussi
imaginer ces services, gérer ces mouvements de jeunesse, ces soins à
domicile ou à l’hôpital, créer ces clubs sportifs et trouver les moyens de
les faire vivre.
Permettez-moi de
souligner que si ces associations existent, si ces services sont rendus,
c’est parce que des hommes et des femmes s’investissent, ont des idées
d’entrepreneurs “à titre gratuit”. Ce n’est possible que parce que des
centaines de milliers de volontaires sont actifs dans la gestion, dans les
pouvoirs organisateurs, et permettent à des centaines de milliers d’emplois
d’exister, à des hommes et des femmes de trouver un sens à leur travail et à
autant de bénévoles de s’investir dans les activités.
L’idée
d’un “congé citoyenneté”
Il est essentiel de
permettre l’engagement des personnes dans une association. Un investissement
qui est non seulement producteur de solidarité, de citoyenneté, mais qui est
aussi rentable pour l’ensemble de la société et même pour les entreprises.
Une piste est le “congé citoyenneté”, en accordant notamment quelques jours
de congé supplémentaires en cas d’engagement dans une activité volontaire
que ce soit dans la gestion ou dans l’action. Au sein de la Mutualité
chrétienne, le personnel bénéficie par exemple de cinq jours de congé pour
accompagner un séjour de personnes handicapées. Les employés qui ont pu
vivre cette expérience ont compris non seulement en profondeur le vécu des
personnes handicapées, mais ils ont aussi saisi les valeurs qui fondent la
Mutualité chrétienne. C’est tout bénéfice pour eux, pour les personnes
handicapées et pour la société en général.
Liberté
d’investissement
Encore faut-il que tous
les membres de la société puissent avoir accès au volontariat, que les
conditions de ce lien tissé soient mises en place par l’environnement
politique, social et légal.
Depuis 2005, la Belgique
s’est dotée d’une loi sur le volontariat. Ce faisant, elle a protégé ceux
qui s’investissent, a donné des droits et obligations aux bénévoles et aux
associations. Mais ce qui fait l’identité de l’investissement bénévole,
c’est aussi le fait que ce soit un investissement sans contrainte, gratuit
et qui ne relie pas le bénévole et l’association par un contrat. Cadrer,
priver le bénévole de cette liberté, c’est réduire sa possibilité
d’engagement. Or la législation actuelle en matière de prépension, de
chômage ou relative au statut de réfugié limite largement les possibilités
d’action gratuite de nos concitoyens.
Pour les prépensionnés
les restrictions sont peu importantes mais elles existent. Par contre pour
les chômeurs ou les réfugiés, elles sont très lourdes. La raison principale
invoquée est le fait que le chômeur doit rester disponible pour une
proposition, un emploi. Si le principe peut se comprendre, il ne prend
malheureusement pas en compte toute une série de facteurs très intéressants
liés au bénévolat. La personne qui recherche un emploi est, par son
engagement volontaire, insérée dans un circuit social, dans des activités
relationnelles, sociales et/ou culturelles, qui lui donnent tout un éventail
de contacts susceptibles d’être fructueux pour son insertion
professionnelle. Plus fondamentalement, le plaisir, la reconnaissance, le
sens trouvés dans l’activité rendent à la personne fierté et satisfaction,
éléments essentiels à son bien-être et à la poursuite de son projet
personnel.
Lever les freins à la
possibilité de s’inscrire dans une action volontaire serait sans aucun doute
une plus value à la politique d’insertion sociale et de lutte contre le
chômage.
Terminons par une touche d’espérance et de motivation supplémentaire: les
statistiques montrent qu’une personne active dans une association possède
cinq années d’espérance de vie en bonne santé en plus. N’est-ce pas là une
autre excellente raison? Le volontariat produit de la santé gratuitement!
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