Éditorial
(16 juin 2011)
// Alda Greoli//Secrétaire nationale
13 juin, déjà un an de prison
dans nos images!
13
juin au calendrier, on peut le constater: voici un an que nous avons voté!
Un an que la Belgique est emprisonnée dans des représentations
caricaturales, un an d’enfermement de nos politiciens en d’éternelles
réunions bilatérales, multilatérales, un an de textes fermés, de slogans
faciles, d’images qui enferment les réalités…
Enfermée, c’est bien
l’impression que donne la situation politique de la Belgique. Pourquoi nous
sommes-nous laissés à ce point emprisonner dans une image carcérale?
Pourquoi un projet politique et social qui doit avoir pour vocation d’ouvrir
sur l’avenir, de renforcer un projet de société, de proposer à une
population un vivre-ensemble réaliste, est-il devenu, aujourd’hui, une
simple bagarre d’images faciles, de caricatures grotesques?
La question peut
paraître impertinente et pourtant… Au fil des semaines, des mois sans
gouvernement, on constate que le temps ne sert plus qu’à expliquer pourquoi
nous sommes sans solution et non pas comment nous pourrions en trouver une!
Les besoins sont pourtant cruciaux pour l’avenir que la population belge –
dans sa grande majorité – souhaite voir poursuivre ensemble. Quelques
exemples de ces chantiers essentiels laissés à l’abandon: le déficit des
finances publiques, les mesures pour la réforme et la pérennisation des
pensions, la prise en compte, de manière suffisante, dans les soins de santé
du vieillissement de la population ou encore des coûts qui restent à charge
du patient, la solidité de notre économie et l’accompagnement du dynamisme
des entreprises marchandes et non marchandes, le taux d’emplois et en
particulier celui des jeunes non qualifiés… Bref, la table est pleine de
bonne raisons de sortir des images, des caricatures, des slogans, … alors
débarrassons-là des messages à l’emporte-pièce.
Pourquoi une société
démocratique dans ses principes se laisse-t-elle guider par son image ou par
celles de ses représentants politiques? Pourquoi est-il devenu à ce point
impossible de se projeter au-delà du court terme, de dépasser les raccourcis
véhiculés par des petites phrases slogans? Pourquoi faut-il que l’existence
sur la scène politique tienne à trois minutes d’interview ou au fait de se
situer en bonne place sur les brèves d’un site internet?
Il serait simple de
faire ici aussi des analyses caricaturales et de renvoyer à la
responsabilité des médias, à leur course aux images, aux phrases chocs… Il
serait trop facile de réduire l’analyse à l’obsession des sondages, aux
fantômes d’élections prochaines… Même si cela fait partie des constats
tristes et nécessaires. Attardons-nous davantage sur un autre pan de
l’analyse. Celle qui nous renvoie aussi chacun à nos propres enfermements, à
nos besoins très contemporains de nous sentir uniques.
D’un
enfermement à l’autre
Quand un matin, on se
réveille atteint d’une maladie invalidante, victime d’un accident grave, le
travail nécessaire de la nouvelle acceptation de soi est premier, essentiel.
Il prend du temps, implique respect, repli et puis ouverture de soi à soi.
Il est nécessaire de trouver le chemin de l’acceptation de sa nouvelle
réalité. Ce n’est qu’une fois ce chemin parcouru – et il est pavé de
difficultés – que l’on peut s’ouvrir aux autres, se reconstruire seul et à
plusieurs, se forger un nouvel avenir. Ouvrir les fenêtres sur la vie quand
on se réveille enfermé dans la cellule de la maladie ou la résidence
surveillée du handicap ne se fait pas avec des slogans, ne se construit pas
avec des simplismes.
Sortir
des carcans
La Belgique et ses
Régions, ne se sont-elles pas réveillées victimes de bouleversements
qu’elles n’avaient pas vu venir ou pas voulu voir venir?
On a parfois
l’impression que nous assistons à une querelle de médecins qui n’arrivent
pas à se mettre d’accord sur l’hôpital qui doit prendre en charge leur
patient, sur le médicament et sa posologie. Surtout, on finit par avoir la
conviction qu’on s’attache à guérir du rhume institutionnel, le patient qui
souffre d’un risque d’infection grave de son système économique et social…
Comment dépasser les
limites de cet enfermement auquel le système politique semble s’être vu
condamner depuis un an ou depuis plus d’un an déjà? Car il est vrai
également qu’il serait erroné de résumer le blocage politique à la dernière
année et aux seules élections de juin 2010. Le processus lent de réduction
de la fenêtre des libertés politiques et de projet est entamé depuis plus
longtemps et surtout depuis que l’image de quelques-uns l’emporte sur le
projet d’Etat.
Pour poursuivre dans le
parallèle des textes, des images sur l’enfermement qui nous permettent de
dépasser nos propres représentations et nos propres enfermements, j’aurais
envie de conseiller à chacun et en particulier à ceux qui sont victimes de
ces séjours en cellules forcées de la politique, la lecture de l’ouvrage du
Cefoc “Se former en prison, l’impossible défi?” (1).
Loin des clichés sur le
monde carcéral vu depuis l’œil du détenu ou celui du gardien, ce livre,
malgré son titre, nous ouvre les horizons de la réflexion sur le dépassement
de toutes nos prisons. Il nous oblige à réfléchir sur l’acceptation des
limites mais aussi au fait qu’une fois acceptées, elles peuvent enfin être
dépassées. Cette lecture nous donne également à penser aux moyens que notre
société met en place pour accepter la vie avec des personnes différentes,
aux mesures prises ou non pour permettre l’insertion, la réinsertion ou la
cohabitation de la différence.
Jusqu’à présent, dans notre pays, les coalitions politiques étaient toujours
parvenues à ce que les différences permettent à la fois le projet et la
cohérence mais aussi l’imagination et l’innovation. Revenons à cette belle
qualité de la Belgique : oser la force et l’imagination de la différence
mais dans le sérieux et le courage de la gestion d’un projet de société!
(1) “Se former en prison, l’impossible défi?” sous la
coordination de Pierre Pierson, éd. Cefoc (Centre de formation Cardijn),
déc. 2010.
|