Éditorial
(21 octobre 2010)
// Alda Greoli//Secrétaire nationale
Aidants proches mais si isolés!
L’actualité
a mis en lumière de manière violente les difficultés à être un aidant
proche, à prendre en charge une personne privée de son discernement. Ce
drame de la vie nécessite que nous prenions le temps de nous y arrêter.
“Il tue son père victime
d’Alzheimer”, relatait-on dans les médias du 12 octobre dernier. Malgré la
violence des faits, la presse et les politiques ne se sont pas précipités en
déclarations tapageuses. Ces derniers ne se sont pas rués vers des prises de
loi trop rapides, une mise en place de commission d’enquête parallèle et
autres moyens politiques et tape-à-l’œil. Ils se sont abstenus de nous faire
croire que tout se résout d’un coup de baguette magique… et que cette fois,
ils l’avaient compris, il n’y aurait “plus jamais cela” !
La question posée par ce
drame nécessite pourtant que nous examinions ce que la société, et en
particulier les mutualités et les associations, mettent en place pour y
répondre; que nous nous demandions pourquoi, les personnes concernées ne
s’autorisent pas ou pas suffisamment à recourir à leurs services.
Au fil du temps, l’isolement s’installe
Partons d’une situation
courante : un couple vieillit. Petit à petit, monsieur oublie l’une ou
l’autre chose et puis, de plus importantes. Il perd de son autonomie. Il
devient plus irritable. Madame prend peu à peu les choses en main. Elle
l’évoque avec leurs enfants mais n’a pas envie de les inquiéter trop. Elle
est elle-même de plus en plus fatiguée mais elle se sent responsable du
bien-être de son conjoint. Alors, elle n’ose plus le laisser seul, elle
s’isole du monde extérieur… Et on verra se développer entre eux une nouvelle
relation de dépendance et d’obligation morale. Jusqu’à ce que monsieur soit
vraiment dépendant et, qu’épuisée, madame appelle à l’aide, mais qui ?
Comment ? Pourquoi ? Et comment gérer cette forme de culpabilité liée à
l’impuissance ?
Cette histoire trop
banale n’a d’autre but que d’illustrer une forme d’enchainement dans tous
les sens du terme, qui est souvent la trame que tisse la situation des
aidants proches. Partant de la place naturelle du conjoint, de l’enfant, du
parent d’un malade, d’une personne vieillissante, la place souhaitée de
soutien et d’aidant, on aboutit à une forme d’interdépendance trop liée,
isolante et emprisonnante.
Et pourtant, il n’est
pas question de remplacer cette relation familiale, forte, essentielle par
des relations strictement professionnelles. Il n’est pas question de
répondre par la séparation, par la mise en institution directe et
définitive. Même s’il est important d’en accepter la perspective éventuelle.
L’enjeu, le défi sont de répondre aux questions suivantes : comment
permettre aux aidants proches de trouver un équilibre de vie, de déposer
leurs difficultés, d’oser se faire aider sans s’en sentir coupables, en
sachant fondamentalement que c’est cela qui est juste et bien ?
Oser dire ses limites
Les réponses existent
mais sont sous exploitées, mal connues, mal osées. Une plate-forme de
recherche, d’échange à laquelle participe, entre autres, la Mutualité
chrétienne et l’UCP, mouvement social des aînés, et qui regroupe différentes
associations d’aidants proches, a réalisé des études et analysé les besoins
des personnes concernées. Car l’enjeu est bien celui-là : faire se
rencontrer les personnes concernées avec les solutions proposées, leur
permettre de sortir de leur isolement.
Certains proposent de
mettre en place un statut de l’aidant proche, statut social ou fiscal… Et
certainement, il y a matière à réfléchir encore, à proposer de nouvelles
pistes de soutien, tout en gardant à l’esprit que les possibilités de
réponses sont déjà nombreuses : les aides et soins à domicile comme les ASD,
les groupes de parole, des asbl comme le Baluchon (1), les
asbl d’aménagement du domicile comme Solival Wallonie Bruxelles, les courts
séjours en maison de repos ou en maison de repos et de soins, les séjours de
répit, les séjours d’Altéo (mouvement social des personnes malades, valides
et handicapées)….
Pour ce qui nous
concerne, nous pensons que la question est bien d’oser parler de sa
situation, de se sentir en droit de dire les limites de son engagement
malgré son amour, son respect et sa volonté, d’être autorisé à déposer ses
peurs et son découragement. Bien-sûr un congé reconnu comme celui organisé
pour l’accompagnement de la fin de vie serait un plus. Mais c’est avoir la
possibilité de faire appel à une garde malade, à l’asbl Baluchon ou à l’ASD
qui aurait encore plus de sens. Bien sûr une petite réduction fiscale ou une
légère indemnisation aurait son intérêt mais c’est l’aménagement de son
domicile, l’appel à une aide familiale, prendre un café avec d’autres
personnes concernées par les mêmes difficultés qui allègeraient le
quotidien.
Il est important de
permettre à la cellule familiale de rester forte face à ces situations
douloureuses et parfois longuement pénibles. Mais, pour cela, il faut oser
dire et accepter les limites de chacun. Persévérer jusqu’à craquer n’est pas
un sacrifice utile ni une bonne manière d’aider mais, pour laisser s’ouvrir
le champ des possibles réponses, il faut alors que la société ne colle pas
une étiquette de “mauvais conjoint”, de “fils égoïste”, ou de “fille
ingrate” mais bien qu’elle ouvre les portes des réponses que nous
organisons.
Nous
vous invitons, si vous êtes concernés ou si vous connaissez des personnes
concernées, à leur donner l’information, à les inciter à passer par la
permanence de la Mutualité pour en parler et chercher des solutions avec
nous. Nous sommes à votre écoute, parce que nous pensons qu’ensemble nous
pouvons avancer vers un accompagnement de qualité, pour vous et pour vos
proches
(1) Baluchon Alzheimer Belgique asbl est un service de
soutien et d'accompagnement à domicile des familles dont un des proches est
atteint de la maladie d'Alzheimer:
www.baluchon-alzheimer.be
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