Éditorial
// Alda Greoli//Secrétaire nationale (18
novembre 2010)
Tout
cela construira
le Congo!
Depuis
longtemps, nous pensons que construire la solidarité ici, la sécurité
sociale de notre pays, nous engage aussi à prendre des responsabilités
partagées ailleurs dans le monde. Notre parcours, notre histoire, notre
expérience se doivent de permettre à d’autres de pouvoir se construire un
avenir meilleur.
La consolidation d’une
démocratie passe par la prise de responsabilités d’acteurs politiques
volontaires, mais elle se fonde également sur la participation des citoyens.
Elle se pérennise grâce à la rencontre de ces deux formes d’engagement.
Un des facteurs
importants qui agit pour la sécurité d’une population est son accès à des
soins de santé de qualité. Mesurons-nous notre chance d’avoir toujours la
possibilité de consulter un médecin généraliste près de chez nous, de nous
rendre à un hôpital qui n’est jamais très loin et de pouvoir bénéficier de
soins d’une qualité exceptionnelle au regard de la moyenne mondiale ?
Avons-nous un jour imaginé ce qui ce serait passé si nous avions dû
accoucher dans une maternité non équipée de l’eau courante, avec du matériel
non stérilisé, et en étant obligées d’apporter avec nous les médicaments,
les draps et la nourriture ? Et pourtant, ce sont là les conditions
«normales» d’accès aux soins des Congolais à quelques exceptions près. Les
exemples pourraient se multiplier à l’infini. Mais mon propos n’est pas de
vous conduire vers le misérabilisme, ni de verser dans la culpabilisation,
mais bien de témoigner des actions, de la (re)construction d’un pays.
Il est nécessaire de
rappeler qu’au Congo, 95% des emplois relèvent de l’économie informelle :
vendeurs de pain, de fruits, de cartes téléphoniques, de brols dans les
rues, agriculture de toute petite taille, petits boulots d’un jour au gré
des opportunités. Même dans l’économie formelle liée à l’administration, à
l’enseignement et à l’armée, la plupart du temps, les salaires ne sont pas
payés ou le sont avec beaucoup de retard. Cela oblige les personnes à
trouver un autre emploi pour se nourrir, les rendant peu présentes sur leur
lieu de travail “formel” durant les heures à prester. Prenons par exemple le
principal hôpital public de Kinshasa. 600 personnes sont censées y
travailler mais il y reste 14 lits, plus aucun matériel et les chambres
servent aujourd’hui de logements pour les employés non rémunérés…
Des mutuelles de santé dynamiques
Et pourtant, ce pays
grand comme 80 fois la Belgique se construit lentement ! Nous y rencontrons
à chaque mission des dizaines de personnes engagées pour ce projet, des
individus volontaires qui pensent et agissent avec un sens des
responsabilités et de l’avenir de leurs concitoyens, qui donnent envie de
poursuivre, en partenariat avec eux, le chemin qu’ils sont en train de
tracer contre vent et marée, malgré les tempêtes et les obstacles.
C’est dans le cadre de
ce partenariat que la Mutualité chrétienne participait, en ce début du mois
de novembre, à la deuxième Rencontre nationale des Mutuelles de santé de la
RDC (République démocratique du Congo).
L’enjeu était double. Le
premier est citoyen et associatif : qu’est-ce qu’une mutuelle de santé ? Un
regroupement de personnes qui décident de se mettre ensemble pour couvrir et
assurer le risque financier lié à la maladie. Ces mutuelles peuvent être
comparées à ce qu’étaient les caisses primaires de mutualité chez nous au
milieu du siècle passé. Elles sont basées sur des principes démocratiques et
fonctionnent avec une assemblée générale et un conseil d’administration.
Tout qui a participé aux (nombreuses) réunions d’instance l’a constaté: le
débat démocratique s’y vit fortement.
Ces mutuelles sont
souvent liées à des églises (rares institutions structurées dans ce pays).
Mais elles sont parfois organisées par des professions, des villages, avec
un soutien de plus en plus important des représentants politiques, des
acteurs de santé…
Un des problèmes
importants rencontrés par ces mutuelles n’est pas la capacité de paiement
des cotisations dans un pays d’une telle pauvreté, mais bien l’offre de
soins et sa qualité. En effet, pourquoi payer une cotisation si l’on ne peut
se faire soigner d’une manière “acceptable” en qualité et en coût ? Un des
enjeux fondamentaux est donc d’élever la qualité des soins au Congo.
De plus, ces expériences
sont trop souvent isolées (distances, difficultés de transports énormes et
inimaginables). L’enjeu du séminaire était de mettre ces mutuelles en
réseau, faire en sorte qu’elles se connaissent et travaillent davantage
ensemble à l’avenir. Les mutuelles de santé pourront, en partenariat, non
seulement se consolider, se renforcer l’une l’autre, construire de nouvelles
solidarités, partager leurs expériences, mais surtout atteindre la taille
critique qui pourra peser sur la volonté politique.
Et c’est là que se
trouve le second enjeu de ce séminaire : l’enjeu politique! Une loi est en
préparation au Congo afin d’encadrer les expériences de terrain. Cette loi
permettra de faire entrer le système mutualiste dans la réalité de la
construction d’une sécurité sociale dans ce pays. Cette loi doit aussi être
complétée par un arrêté qui reconnait le rôle des médecins conseils. En
effet, une fois les mutuelles reconnues, elles pèseront d’autant plus dans
le dialogue avec les prestataires afin d’augmenter la qualité de l’offre de
soins. Dans ce cadre, le médecin conseil peut jouer un rôle fondamental.
C’est à travers cet
enjeu politique que la Belgique retrouve sa part de responsabilité dans le
partenariat avec le Congo. Durant cette semaine de travail sur place, nous
avons eu l’occasion de rencontrer plusieurs ministres du gouvernement
congolais à Kinshasa. La coopération dans le secteur de la santé entre nos
deux pays est essentielle au moment où le Congo, et en particulier ses
citoyens, réalise des pas importants dans la construction d’un véritable
système mutualiste d’accès et de couverture des soins. L’enjeu de l’accès à
la santé est reconnu mondialement comme fondateur non seulement des
démocraties mais aussi des économies.
La
Belgique ne peut pas abandonner cet axe de coopération au moment où il porte
ses meilleurs fruits. Nous invitons avec force notre gouvernement belge à
revenir sur ce choix. Ce n’est pas quand la concrétisation de l’espoir naît
qu’on arrête une collaboration aussi essentielle pour l’avenir de 60
millions de Congolais!
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