Éditorial
(20 mai 2010)
Pour une politique de santé engagée!
Les nuages s’amoncellent à l’horizon : l’économie, les finances publiques,
la monnaie européenne, l’emploi, l’avenir des pensions, l’entente
communautaire… L’inquiétude grandit. Pourtant la Belgique figure parmi les
nations les plus riches au monde et a beaucoup de potentiel. Nous pouvons
évoluer vers une société plus humaine et plus juste, à condition de
bénéficier de stabilité et d’une vision à long terme. C’est pourquoi, la
Mutualité chrétienne propose aux partis d’adopter une politique de santé
dynamique et prospective.
Notre système de soins
de santé est de qualité, ouvert à tous, sans file d’attente et avec un coût
global modéré. Ces bons résultats ne sont pas liés au hasard. Ils sont le
fruit de choix sociaux pour un financement solidaire et un budget suffisant.
Ils sont la conséquence de l’engagement des acteurs sociaux et des
mutualités pour le bien-être de tous. Ils émanent du partenariat avec les
prestataires de soins. Mais le système est sous pression et doit être adapté
en permanence à l’évolution de la médecine et des besoins d’une population
vieillissante. Les difficultés en matière d’accès aux soins et les
inégalités sociales constatées par rapport à la santé montrent aussi que des
mesures politiques correctrices sont nécessaires.
Une bonne santé pour tous
Les inégalités sociales
en matière de santé sont grandes au sein de la population belge. L’écart en
termes d’espérance de vie entre les riches et les pauvres est conséquent; il
a tendance à se creuser. Nous plaidons dès lors pour la mise en œuvre d’une
politique globale de santé qui intègre tous ses déterminants : le logement,
l’environnement, l’emploi, l’enseignement, la cohésion sociale, les
habitudes de vie… Seule une approche transversale coordonnée entre les
niveaux fédéral et communautaire peut, à terme, réduire ces inégalités. Nous
proposons aussi que le prochain gouvernement publie un indicateur de
bien-être reflétant le résultat des différentes politiques en termes
d’apport de santé plutôt qu’en termes monétaires.
Un financement stable et solidaire
Grâce à une norme de
croissance suffisante, nous avons pu couvrir de nouveaux besoins en santé,
éviter des économies diminuant la couverture des soins et assurer
l’équilibre financier. Le maintien de cette norme élevée, alors que la
croissance économique est faible, déséquilibre les comptes de la sécurité
sociale. La norme de croissance actuelle ne peut cependant pas être revue au
détriment du patient. Nous sommes conscients de la nécessité d’une gestion
rigoureuse du budget de l’assurance soins de santé et sommes prêts à y
participer de manière responsable. Cela implique entre autres que les
innovations médicales soient retenues après une évaluation objective sur la
base de critères d’efficience.
Améliorer l’accès aux soins
27% du coût global des
soins de santé est à charge des patients. C’est trop, beaucoup trop. On peut
réduire cette charge et donc améliorer l’accès aux soins en remboursant
mieux, mais aussi en régulant les prix et les suppléments autorisés. Nous
proposons une action forte sur les coûts hospitaliers, des médicaments, du
matériel médical et des soins dentaires.
Ainsi, par exemple, les
coûts à charge des patients hospitalisés en chambre commune et à deux lits
(78% des admissions) peuvent être maîtrisés de telle sorte que la facture ne
dépasse jamais 200 euros par admission. Cela implique une action politique
sur les suppléments d’honoraires (interdiction légale), sur le coût
admissible du matériel médical et sur les médicaments non remboursés (à
mutualiser). On pourrait garantir à tous les Belges sans exclusion une
excellente assurance hospitalisation (en chambre commune et à deux lits)
comprise dans l'assurance soins de santé obligatoire. Les assurances
d’hospitalisation privées, onéreuses, deviennent alors superflues.
Quant au coût des
médicaments, il peut être diminué en appliquant le système d’appel d’offre
auprès des firmes pharmaceutiques pour en réduire le prix. Ce même système
pourrait être appliqué pour le matériel médical coûteux tel que les implants
et les pacemakers.
L’accès aux soins passe
aussi par un revenu suffisant. La situation financière des personnes en
incapacité de travail et invalides reste préoccupante. Son amélioration est
pour nous une priorité ! Elle coûterait +/-13 millions d’euros: bien peu de
choses au regard de la réduction de la TVA pour les restaurants (225
millions d’euros).
Une organisation de soins moderne
L’évolution des
techniques médicales et des besoins des soins chroniques de notre population
vieillissante nécessite l’adaptation constante de notre offre de soins.
L'organisation des soins
et le mode de financement des hôpitaux incitent à la multiplication des
actes et des prescriptions, à une course stressante entre établissements car
toute réduction d’activités se traduit automatiquement par une perte de
moyens financiers. Le niveau de consommation en médicaments et en examens de
radiologie est même inquiétant. Cette inflation d’actes a bien sûr des
conséquences sur le travail du personnel soignant et médical. Il y a donc
lieu de revoir la technique de financement des hôpitaux et des activités
médicales afin de diminuer l’incitation à la production d’actes.
Comparativement à
d’autres pays, notre offre hospitalière en lits aigus et en soins médicaux
lourds est abondante alors que notre offre d’accueil et de soins pour les
personnes âgées dépendantes est insuffisante. Une réorientation progressive
et planifiée de l’offre hospitalière est indispensable.
Par ailleurs, la
collaboration entre la première et la deuxième ligne devrait être améliorée
pour l’organisation des gardes médicales et des urgences.
Enfin, la Mutualité
chrétienne revendique un renforcement de l’offre des soins de santé mentale
par la réalisation des circuits et réseaux de soins. Nous soutenons le
remboursement de la psychothérapie.
La
Belgique, comme beaucoup d’autres pays européens, va entrer dans une
nécessaire période d’austérité. Chaque secteur devra y contribuer, y compris
celui de la santé. Nous refuserons cependant toute mesure à charge des
patients mais nous sommes prêts à collaborer à la recherche d’une politique
de santé dynamique avec une vision à long terme.
// Jean Hermesse//Secrétaire général
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