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Éditorial (1er avril 2010)

 

Prendre le temps de
se construire une opinion

Trop souvent mal connue et confondue avec la formation permanente, l’éducation permanente a montré, ces derniers jours encore, combien elle est importante et nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.

D’après la définition du décret de 2003, l'éducation permanente tend à développer le sens critique des individus et elle participe à leur émancipation. Elle est un outil participatif bien connu des associations socioculturelles belges. Elle permet à la fois de débattre, de confronter les opinions et de construire une parole collective utile autant à l’individu qu’à l’avancée sociale.

Du point vue décrétal, ce sont les publics défavorisés qui sont principalement visés; des groupes composés de personnes, avec ou sans emploi, qui sont porteuses au maximum d'un diplôme de l'enseignement secondaire ou de personnes en situation de précarité sociale ou de grande pauvreté, mais aussi des associations telles qu’Alteo ou l’UCP. Il est essentiel que des moyens publics soient mis en œuvre pour soutenir ces actions qui permettent la prise de parole construite des plus fragilisés par eux-mêmes.

Ce qui est intéressant quand on élargit la méthode d’animation, de décision, de jugement et d’action à l’ensemble de la société, c’est de voir que cette méthode fait malheureusement trop défaut dans une série de questions fondamentales, qu’elles soient éthiques, politiques ou d’organisation sociale en général.

Dans la vie de tous les jours, il serait illusoire de croire que les principes à mettre en œuvre dans ce cadre ne sont pas valables pour tous les publics, utiles à toutes les couches socio-économiques.

Regardons dans le rétroviseur de ces derniers jours. Que peut-on y voir ?

Des débats, combats et sentences rapides, argumentés par des clichés sur le voile et sur l’avortement - pour ne reprendre que la semaine qui s’achève. Mais il suffirait de remonter encore de quelques jours ou de quelques mois, et nous constaterions les mêmes procédés sur la crise économique, les difficultés des banques, etc.

Reprenons l’illustration de la question du port du voile ou de tout signe d’appartenance religieuse, philosophique ou politique. Il est vraiment intéressant de regarder de plus près comment se sont forgées les opinions, comment se sont remplies les pages de journaux ou les minutes de télé ou de radio et comment, à l’inverse, un mouvement d'éducation permanente comme Vie Féminine a construit une position. Elle est certes plus complexe à expliquer, mais elle s’est bâtie sur la parole de centaines de femmes concernées, de tous âges, de toutes conditions. Elles ont débattu pendant des mois, elles ont interrogé des spécialistes, elles ont organisé des colloques, rencontré des porteurs de drapeaux des différentes positions tranchées. Et puis elles ont défini une position et l’ont argumentée.

Elles ont été citoyennes non parce qu’elles ont scandé des slogans simplistes dans la rue mais parce qu’elles ont pris le temps de la réflexion, de la confrontation, de la construction d'une parole collective! Elles ne se sont pas contentées de quelques témoignages, de prises de positions politiques qui visent plus la recherche de parts de marchés électoraux que le débat profond. Devant ce type de question, il ne s’agit pas d’être conservateur ou progressiste, de gauche ou de droite mais de construire une position qui respecte les individus et fonde une société.

Et il s’agit encore moins de justifier sa position par la neutralité de l’Etat. En effet, de quoi parle-t-on ? Si on part des individus, ce n’est pas la neutralité qui construit les êtres, c’est la capacité à être soi, à se construire une personnalité, mais aussi à accueillir l’autre dans sa différence. Si on part de l’Etat, la neutralité de celui-ci n’est pas la somme de la neutralité des individus qui le composent. Elle se construit à partir de compromis entre des personnes qui ont des convictions. Les hommes et les femmes politiques ne sont pas neutres et leurs paroles sont des signes ostentatoires de leurs opinions religieuses, culturelles, philosophiques... Mais l’Etat est neutre !

Ce qui précède comme constats sur le voile pourrait tout autant être repris à propos des manifestations et contre manifestations sur l’avortement. Des slogans, des idées simplistes, l’interdiction de nuancer le débat, de nuancer une position. On est "pour" ou on est “contre” ! On est progressiste, antifasciste, respectueux de la vision d’une liberté individuelle, ou on est conservateur, fondamentaliste, respectueux d’une autre liberté de la même femme … Bref, pour ou contre et surtout pas au milieu. Car, là, on prend les slogans de tout le monde comme des crachats au visage!

Bien sûr, cette construction lente et parfois lourde qui est celle de l’éducation permanente n’est pas toujours en phase avec le temps de l’actualité, de l’urgence de l’image. Elle met à l'épreuve la capacité de dire “cela s’est passé aujourd’hui. Maintenant, nous allons construire une réponse”, alors que nous fonctionnons comme si, dans l’instant, il fallait avoir la vérité, la solution, changer les lois, répondre aux opinions momentanées. Et bien souvent, quelques années plus tard, le sujet revient sur la table, le temps est passé; il rend les choses plus claires, plus saines, plus matures; on mesure alors l’ampleur de l’écart entre les mesures prises et celles qui auraient été prises si l’analyse avait été structurée et sereine.

L’éducation permanente prend le même temps que la promotion à la santé, celui du respect de chacun pour intégrer une réflexion, se forger une opinion, construire une réponse personnelle et collective. Elle respecte le temps nécessaire à l’adaptation des comportements… Mais une fois ancrée, cette construction-là ne tangue plus au gré des simplismes et des clichés. Elle ouvre à la réelle démocratie participative. Non pas celle des grands rassemblements, des slogans et des manifestations d’un jour, mais la démocratie qui fait que chacun sait pourquoi il est porteur de ses opinions. A partir de cette force de conviction ouverte peuvent s’ouvrir le débat et le dialogue avec les autres.

Je vous invite tous et toutes à y réfléchir en regardant le journal ce soir et puis à partager votre analyse avec d’autres pour, peu à peu, construire une parole et une action communes.

//Alda Greoli//Secrétaire nationale


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