Éditorial
(18 mars 2010)
Consommons-nous trop de soins?
Dans les comparaisons des
systèmes de santé, la Belgique occupe toujours le haut du podium quant à son
accès. Pas de file d’attente, pas de longue distance à parcourir pour être
soigné. Par contre, en termes d’indicateurs de santé, les scores sont moins
bons. Notre offre de soins est vaste, nous produisons beaucoup d’actes, nous
consommons beaucoup de médicaments, mais est-ce toujours nécessaire ? Trop
peut aussi rendre malade.
Les Belges sont
dans l’ensemble assez satisfaits de leur système de soins, surtout en termes
d’accessibilité et de rapidité. Certes la proximité des soignants, des lieux
de soins et l’inexistence de files d’attente donnent un sentiment rassurant.
Mais la qualité des soins ne se résume pas à la rapidité et à la quantité
des actes réalisés. Parfois même, trop de soins finissent par nuire à la
santé. Et au vu des croissances et des écarts de soins consommés, on peut se
demander si nous n’avons pas dépassé le volume optimal des soins, dans
certains secteurs.
Notre volume d’actes
augmente sans cesse
Le budget de
l’assurance soins de santé est sous contrôle. Il n’y a pas de dérapage. Les
dépenses augmentent constamment…, parallèlement au volume d’actes. Cette
augmentation des quantités pose, cependant, question. Alors que la
population n’augmente pas, et que le vieillissement est lent, on assiste à
des hausses spectaculaires et continues du nombre de médicaments consommés:
les statines (médicaments contre le cholestérol), les inhibiteurs de la
sécrétion gastrique (maladie du “brûlant”), les antidiabétiques, les
antipsychotiques… Le constat est le même pour les examens en imagerie
médicale, RX, scanners…; les interventions chirurgicales, les analyses de
biologie clinique, les admissions à l’hôpital (classique et de jour).
On constate
encore et toujours des écarts importants de consommation par habitant entre
les arrondissements, les provinces, par patient, entre les maisons de repos,
les hôpitaux, entre les profils de prescriptions des médecins. Et cela fait
des années que ces écarts sont mis en évidence, qu'ils interpellent et
attendent une réponse ou une action politique… Car, enfin, comment justifier
des écarts de 30% à 50%, est-ce que ces actes sont tous bien utiles ?
Trop de soins coûtent cher
et risquent de rendre malade
La question de
l’utilité des actes n’est pas qu’économique. Tout acte médical comporte
aussi un certain risque. Les médicaments ont souvent des effets secondaires.
L’hôpital est parfois source d’infections (nosocomiales notamment). Les
résultats de certains examens ne sont pas toujours clairs et induisent des
interventions et des risques inutiles. Trop d’examens de radiologie
augmentent l’exposition au risque des rayons ionisants. Ainsi, en Belgique,
on consomme tellement de radiographies que l’exposition à ces rayons nocifs
est deux à quatre fois plus importante que dans les pays limitrophes. Et, au
sein même de la Belgique, certaines provinces dépassent largement la moyenne
déjà très élevée.
Comment inciter aux soins
opportuns ?
La médecine est
un art et ne se résume pas à un livre de cuisine avec de bonnes et moins
bonnes recettes. Chaque patient est unique, il n’y a pas de patient “moyen”.
D’autre part, il ne faut pas tomber d’une certaine surconsommation à un
risque de sous-consommation aussi néfaste. Mais face à l’ampleur des
croissances en volumes et des écarts de consommation, des mécanismes doivent
être mis en place pour réduire les dangers de la surconsommation. C’est une
question de qualité de soins et de santé publique… dont il faut se saisir.
D'autant qu'il existe des solutions. Elles peuvent être de trois types.
On peut tout
d’abord diffuser auprès de médecins des recommandations de bonne pratique,
les résultats de conférences de consensus. Les techniques, les médicaments,
les connaissances évoluent tellement qu’une mise à jour régulière s’impose.
La diffusion de ces informations n’assurera toutefois pas nécessairement un
changement des pratiques médicales.
C'est pourquoi,
une deuxième piste s'impose: on peut identifier les profils anormaux de
prescription d’examens de radiologie, d’analyses de biologie clinique ou de
médicaments. Ces prescripteurs devraient fournir des explications
complémentaires sur leur pratique et le cas échéant, recevoir la visite de
pairs.
Enfin on peut
aussi modifier les techniques de financement en intégrant certains actes et
médicaments dans des forfaits calculés en fonction des pathologies. Le mode
de financement des hôpitaux, basé sur le nombre et la gravité des
admissions, incite à la multiplication des hospitalisations accompagnées
d’actes invasifs. Il devrait aussi être adapté pour éviter l’inflation des
activités.
Le volume des
soins, radiographies, analyses, médicaments, interventions, hospitalisations
augmente d’année en année alors que la population n’augmente pas et vieillit
lentement ! Cette croissance est-elle bien utile ? Trop d’actes comporte
aussi des risques de santé. A quand une plus grande responsabilisation des
prestataires de soins ?
// Jean Hermesse Secrétaire général
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