Éditorial
(4 mars 2010)
Un pacte de courage !
« Nouveau
pacte social », « Stratégie Belgique 2020 » : deux vices-premières ministres
ont lancé un appel. Simple slogan ou prise de conscience fondamentale ? Je
veux faire le pari qu’il s’agit d’un appel conscient et volontariste basé,
entre autres, sur l’analyse lumineuse de Réginald Savage(1)
et ses propos sur la sauvegarde de la sécurité sociale(2).
Car elles ont raison sur le constat et la nécessaire alliance de l’ensemble
des acteurs. Mais veulent-elles assumer (avec le reste du gouvernement) le
travail d’austérité que nécessite leur juste appel ?
On a toujours
dit que nous avons le meilleur système de sécurité sociale au monde ! Nous
avons lutté pour un tel système ; nous avons trouvé un accord historique à
la sortie de la guerre 40-45 ; nous avons aménagé notre organisation
politique, la concertation sociale, les organes de gestion de la couverture
des soins de santé, des pensions… pour permettre la durabilité de cet
accord.
Sur les quinze
dernières années, nous n’avons pas pu mettre en œuvre les décisions
budgétaires visant à dégager des surplus pour couvrir les besoins liés au
vieillissement de la population. Et la crise n’a fait qu’accroitre l’écart
entre les besoins et les mesures prises pour les rencontrer. Nous n’avons
pas pu contraindre les entités fédérées à réduire le déficit des finances de
l’Etat. Nous occultons que certaines visions de l’ « Etat Belgique » ont
intérêt au pourrissement des finances de l’Etat fédéral. Qu’un jour, parce
qu’il sera exsangue, il sera proclamé que nous devons avoir moins d’Etat
fédéral et envisager plus de pouvoir aux régions - avec les conséquences
sociales que nous avons souvent mises en évidence dans ce journal. Entre
temps, la prise de parts de marché des entreprises privées en matière de
santé, de pensions, de services aux personnes âgées… n’aura fait que
progresser avec moins de cohésion sociale à la clé, plus de fragilisation de
la population.
Pour que la
réponse au défi de la pérennisation de notre système de sécurité social soit
possible, plusieurs ingrédients sont indispensables: la confiance de la
population, le courage des décideurs politiques, la prise de responsabilité
des institutions et des partenaires sociaux.
Nous avons
souvent pris l’exemple des assurances hospitalisation. Il illustre les
effets socio-économiques positifs que pourraient avoir à la fois
l’information des patients, la décision d’interdire les suppléments dans les
chambres à deux lits, l’accord social (employeurs-syndicats) de refus de
couvertures collectives par des assurances hospitalisation commerciales.
Confiance dans le système de soins, économies pour le budget de l’Etat et
économie de « charges sociales » (plusieurs centaines de millions d’euros
non versés par les employeurs en assurances hospitalisations) : voilà quel
serait le bilan !
L’exemple des pensions
Autre domaine
aux conséquences explosives dans le système de sécurité sociale belge : les
pensions. Vous aurez lu, en page 6 du journal, l’article qui explique la
mise à l’agenda politique et social du livre vert relatif à cette question.
Reprenons nos
ingrédients et tentons de mettre notre grain de sel dans la sauvegarde notre
système de sécurité sociale et son renforcement.
> La confiance de la population
L’impression et
la conviction que le système n’est pas durable gagnent du terrain dans la
population. Il est exact que pour que le système soit durable, il faut
prendre des mesures qui ne sont pas toutes sympathiques et vendables
facilement à la population. Le taux de remplacement des pensions
(c’est-à-dire le rapport entre le dernier salaire et le montant de la
pension) est trop faible et justifie aux yeux d’une part importante de la
population la nécessité d’une pension complémentaire.
Deux pistes :
soit on diminue encore ce taux de remplacement, on allège les charges
sociales, on demande que chacun se débrouille par l’intermédiaire des
mécanismes alternatifs d’épargne pensions (2ème et 3ème piliers); soit on
augmente ce taux de remplacement. On met fin à la réduction des charges
sociales patronales (dont personne n’a jamais prouvé sérieusement qu’elles
généraient le moindre emploi), on taxe de manière plus importante les
deuxième et troisième piliers au profit du renforcement du premier. Et on
démontre objectivement à la population que cela est plus rentable pour tous.
Chacun sait aujourd’hui que les fonds de pension privés sont loin d’être
plus sûrs que les cotisations versées à l’Etat !
En 2007, les
employeurs ont payé plus de 338 millions d’euros de cotisations à des
pensions complémentaires privées… Ces mêmes montants auraient pu être
mobilisés autrement pour renforcer le premier pilier !
> Le courage des décideurs politiques
Les décideurs
des régions et communautés auront-ils le courage de dire qu’ils se doivent
de contribuer à la sauvegarde du système d’un Etat fédéral fort et, par
conséquent, qu’ils garantissent - entre autres - la sécurité sociale ? Les
ministres viendront-ils avec des mesures de justes répartitions de moyens,
mettant fin à certaines politiques de réduction des « charges sociales » ?
Nous les invitons vraiment à oser cette prise courageuse de responsabilité,
mais ils ne devront pas rester seuls …
> La prise des responsabilités des acteurs et
partenaires sociaux
Les décideurs
politiques ne pourront prendre des décisions réellement courageuses que si,
autour d’eux, ils ont trouvé l’espace de dialogue social et de concertation
avec les acteurs socio-économiques mais aussi institutionnels qui le
permettent vraiment. Les politiques passent, la plupart des acteurs sociaux
restent et assument longtemps. Ils ne peuvent se permettre, eux non plus,
une vision à court terme et repliée sur leur pré-carré.
Le débat autour
du « livre vert » sur les pensions sera un moment essentiel pour jauger de
la réelle volonté de sauvegarder et de renforcer le système de sécurité
sociale belge et le rôle de l’Etat dans ce cadre. Rendez-vous est pris !
(1) Conseiller général des finances au service
d’études du SPF Finances
(2)
Voir les deux articles de Réginald Savage dans « Démocratie », la revue du
MOC, dans l’édition du 15 janvier dernier. Infos :
www.revue-democratie.be
(rubrique politique belge)
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