Éditorial
(4 février 2010)
Oser
prendre le temps !
Oser
investir à long terme !
Une femme de 25 ans qui
possède un diplôme de l’enseignement supérieur pense et ressent qu’elle peut
vivre encore 50 ans en bonne santé. Une femme de 25 ans peu diplômée ressent
et espère vivre encore 25 ans en bonne santé (1). La
moitié ! Cette différence nous révèle que l’organisation efficace des soins
de santé ne suffit pas. Il faut investir dans des secteurs qui permettent le
bien-être des personnes, la confiance dans leur santé et leur avenir.
Dans l’accès à
la santé, les soins de santé interviennent pour 20%. Ce sont le niveau
d’éducation, le logement, l’emploi, la prévention et la promotion de la
santé qui constituent les déterminants les plus importants pour être en
bonne santé, pour garder la confiance dans le lendemain, autre élément
fondamental du bien-être.
Penchons-nous
plus particulièrement sur les politiques de prévention et de promotion de la
santé. Elles font partie intégrante du projet et des objectifs des
mutualités. Mais font-elles partie aussi des priorités des politiques menées
et avec quels moyens ?
La prévention en
matière de santé se subdivise en trois grandes catégories. La première dite
primaire vise à réduire le risque d’apparition de la maladie (comme par
exemple, l’arrêt du tabagisme pour diminuer le risque d’un cancer). La
prévention secondaire tente de diminuer la gravité de la maladie (en
pratiquant par exemple une mammographie régulièrement pour détecter le
cancer du sein plus rapidement). La prévention tertiaire, quant à elle, a
pour objectif de prévenir la rechute. Les moyens et les investissements qui
sont faits dans ces trois types de prévention ne sont pas des politiques de
confort, de simples attentions, ce sont de véritables investissements
économiques. Illustration : 440.000 décès prématurés dus au tabagisme ont
été enregistrés aux Etats-Unis entre 1995 et 1999 ; le coût consécutif à la
diminution de productivité a été estimé à 81,9 milliards de dollars US par
an.
Lorsque les
décideurs politiques de notre pays, en cédant à certains lobbys, reculent la
date de mise en application de l’interdiction de fumer dans l’ensemble de l’horeca,
ils font aussi le choix d’une augmentation importante des dépenses en soins
de santé, d’une perte de bien-être dans la population, d’une perte de
rentabilité dans les entreprises…
Cette décision
fait, sur le moment, plaisir à certains secteurs et la séduction est
immédiate… Tenir le cap d’un projet politique de bien-être d’une population,
c’est prendre le risque de déplaire un peu dans l’immédiat pour être compris
plus tard, trop tard pour certains …
Le temps long de la
prévention
Le temps de
l’investissement en prévention, en promotion de la santé n’est pas en
conformité avec ce qui est devenu le temps du politique ! Les
investissements en promotion et prévention demandent la patience, le
détachement de la rentabilité immédiate. Les politiques nécessaires à
l’amélioration de l’état de santé d’une population sont non seulement utiles
à la population mais elles sont aussi rentables économiquement. Elles
constitueraient une politique de relance aussi importante que celles qui
sont réclamées en matière d’emploi ou d’investissement public dans les
entreprises. L’investissement dans les politiques de prévention et de
promotion de la santé permettrait une diminution des jours non prestés, des
congés de maladie, des facteurs de risque au travail… et une économie très
importante des dépenses en soins de santé.
Notre pays
investit beaucoup dans les soins de santé curatifs, mais il ne met que 0,1%
de son PIB dans les politiques de prévention ! Les Pays-Bas, la France,
l’Allemagne allouent entre 51 et 68 euros par habitant quand nous y
consacrons moins de 29 euros !
Mais ce n’est
pas seulement et uniquement une question d’euros sonnants et trébuchants.
C’est aussi et surtout une question de temps et de méthode.
L’exemple des soins
dentaires
Dans le domaine
des soins de santé préventifs, la santé dentaire est très illustrative. Les
soins pour les enfants et adolescents de moins de 18 ans sont gratuits. Si
nous prenons l’ensemble des affiliés de la Mutualité chrétienne de cette
catégorie d’âge, nous sommes obligés de constater que les jeunes ont un
accès à cette excellente mesure de manière totalement inégalitaire. En
effet, les familles de niveau de scolarité supérieur bénéficient de manière
bien plus importante de la mesure. Le ratio est de 164% entre ces familles
et celles dont le niveau de scolarité est inférieur. La mesure est bonne
mais les moyens pour la promouvoir sont mal ou trop peu mis en place. Ce
n’est donc pas la difficulté à payer la prestation qui explique la
différence de comportement, c’est l’accès à l’information combiné
certainement à des habitudes, à une culture qui expliquent cette différence.
Il est de
notre responsabilité en tant que mutualité de mettre en œuvre des actions,
des mesures permettant de réduire ce type d’inégalités et d’inventer des
collaborations avec des acteurs de terrain afin d’atteindre l’ensemble des
patients et de la population.
Il est de la
responsabilité des politiques d’oser l’investissement de longue durée,
d’admettre et de mettre en place des projets dont leurs successeurs
récolteront les fruits électoraux mais dont la population récoltera les
fruits dans et durant plusieurs législatures.
Il est de la
responsabilité de l’ensemble des acteurs socio-économiques (employeurs et
syndicats) de réclamer des politiques de prévention et de promotion de la
santé qui assurent à moyen et long terme une augmentation du bien-être de la
population, permettant d’augmenter la productivité et la stabilité d’emploi.
Les
caricatures de gauche et de droite sont dépassées quand il s’agit de miser
sur le long terme et le bien être !
Alda Greoli//Secrétaire nationale
(1) Source : Institut Scientifique de la Santé Publique
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