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Éditorial (16 avril 2009)

 

Titres-services sociaux:
il ne suffit pas d’une bonne idée...

Il y a quelques années, le gouvernement fédéral avait mis en place un dispositif de titres-services. Celui-ci a atteint  ses objectifs : sortir du travail au noir des milliers de travailleurs - en particulier des travailleuses  (aides ménagères) - en leur offrant un contrat de travail et des conditions barémiques acceptables (1), mais aussi permettre de rencontrer un besoin non couvert auprès des utilisateurs.

Ce dispositif coûte cher à l’Etat. En quelques années, les dépenses ont quintuplé. Le coût pour la collectivité se fait également sentir via la déductibilité fiscale. Sous l’ancienne législature, le gouvernement a cherché à limiter la croissance du budget nécessaire.  Plutôt que de supprimer la diminution des rentrées fiscales liée à la déductibilité, il a choisi de réduire son subside à l’heure prestée d’1 euro.  Rappelons que le coût des heures prestées n’est pas couvert par le chèque payé par l’utilisateur. Le subside de l’Etat vient compléter ce coût horaire et ce complément est essentiel à la viabilité du système.

Les titres-services (TS) sont accessibles au travers d’entreprises agréées qui relèvent soit du secteur marchand (sociétés d’intérim, etc.) soit du secteur non marchand (asbl, etc.). Aujourd’hui, la plus grande majorité des sociétés commerciales organisent les prestations liées aux titres-services par une rotation très rapide du personnel. Cela a pour effet de renvoyer les gens au chômage.  Une autre conséquence est que plusieurs aides ménagères, sans formation spécifique ni encadrement, se rendront successivement au domicile du même usager. Malgré ces pratiques critiquables, ces sociétés font librement du bénéfice, ce qui rémunère les actionnaires.

La réduction du subside évoquée ci-dessus met en péril la survie des asbl qui organisent le service. En effet, la réduction de l’intervention des pouvoirs publics pénalise les associations qui pérennisent les emplois, car elles ne sont plus capables de couvrir les augmentations légitimes de salaire liées à l’ancienneté. Elles éprouvent également des difficultés à libérer les moyens pour permettre la formation de leurs équipes. Enfin, elles n’ont plus les marges financières nécessaires pour permettre un encadrement des travailleuses. Ces entreprises remplissent pourtant pleinement un rôle social. Elles veillent notamment à la consolidation de l’emploi créé.

Il est urgent que le gouvernement actuel fasse l’évaluation de la mesure de restriction prise par le gouvernement précédent. Nous pensons que cette mesure ne permet pas de rencontrer l’objectif social, ni celui de la qualité de service.   

S’appuyant sur la réussite relative de ce dispositif, le gouvernement actuel réfléchit  à l’élargissement des titres-services au travers de “titres-services sociaux”. Nous voulons attirer son attention sur le fait que ce qui a bien marché et a été une bonne idée peut devenir une très mauvaise piste, lorsqu’on mélange le principe de l’aide ménagère avec celui de l’aide familiale ou de l’aide sociale.

Le projet des titres-services sociaux a été déposé initialement pour répondre à la “discrimination” envers le public qui n’a pas accès à la déductibilité fiscale et qui, dès lors, doit payer le prix “brut” pour un chèque TS (soit 7,50 euros à ce jour) au lieu du prix “net” (soit 5,25 euros à ce jour). Osons le dire: la bonne piste aurait été de réfléchir à cette discrimination par la réduction - voire la suppression - de la déductibilité fiscale. Ce projet de TS sociaux a évolué vers un public ciblé: il ne s’agit plus des personnes qui ne paient pas d’impôts,  mais des personnes en grande dépendance, des personnes âgées handicapées (APA) et des familles monoparentales. Si nous sommes favorables à des mesures d’aide spécifiques pour les personnes fragilisées, nous craignons néanmoins les dérives de l’introduction de ces TS sociaux sur la qualité du service fourni. Les entreprises du Non Marchand, dès le départ, ont tiré la sonnette d’alarme sur le risque de concurrence inutile qu’induit le projet de titres-services sociaux, du fait que ce public est déjà ciblé par les services d’aide aux familles et aux personnes âgées (agréés et subventionnés par les Régions).

Souvent, la “porte d’entrée” d’une demande, dans un service d’aide aux familles et aux personnes âgées, est en effet celle de l’entretien du ménage. Les personnes en légère perte d’autonomie ou vivant des situations personnelles et/ou familiales difficiles font fréquemment appel à ces services pour déléguer, dans un premier temps, les tâches ménagères à autrui. Ces situations requièrent l’intervention d’une aide ménagère dite “sociale”. Au fil du temps, et au fur et à mesure que s’installe la confiance entre les trois partenaires (le service, l’aide ménagère “sociale” et le bénéficiaire), les prestations peuvent évoluer vers des tâches d’aide à la vie journalière requérant l’intervention d’une aide familiale. Cette transition vers le service Aide Familiale se fait sans difficulté lorsqu’elle est préparée, encadrée et suivie par un travailleur social formé à cela. C’est l’attrait du travail mené au sein des centres intégrés, comme les centres ASD ou CSD, ou les centres de CPAS.

Ces situations sont possibles parce qu’elles se déroulent dans le cadre de services faisant preuve de rigueur dans le suivi des bénéficiaires et attentifs aux limites professionnelles à ne pas dépasser. Par contre, la garantie que ce “schéma d’action” soit respecté par toutes les entreprises agréées TS n’est pas du tout assurée à l’heure actuelle!

 

Si le gouvernement devait poursuivre dans le sens de cette “fausse bonne” idée, il devrait:

Baliser les entreprises qui peuvent proposer des titres-services sociaux par des critères objectifs et facilement évaluables.

Fournir une information de qualité aux publics cibles des titres-services sociaux.

Réfléchir au prix des chèques TS (sociaux ou non), en lien avec le prix des prestations d’aide à la vie journalière.

Coordonner les politiques menées par les différents niveaux de pouvoir en tenant compte des objectifs poursuivis par chacun: les moyens nouveaux doivent renforcer les politiques sociales, et non pas créer le dumping social et la mise en concurrence entre les services à profit social et les services privés commerciaux.

Privilégier les structures à profit social existantes pour répondre aux besoins sociétaux (vieillissement de la population, personnes et familles fragilisées socialement, etc.).

Soutenir les métiers de l’aide en valorisant les filières de formation et la qualité du travail des professionnels.

Alda Greoli

Secrétaire nationale

 

(1) On peut toutefois regretter que tous les opérateurs ne respectent pas des conditions collectives adéquates.

 


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