Éditorial
(17 septembre 2009)
Rigueur,
oui mais pas
sur le dos des patients!
La crise financière et, à sa suite, la crise économique ont brutalement et
profondément creusé le déficit de l’Etat et de la sécurité sociale. En
laissant filer ce déficit, les générations futures devront affecter une
partie croissante de leur pouvoir d’achat au remboursement de la dette et
des intétêts. En revenant rapidement à l’équilibre, on réduira cette charge
et on ouvrira des perspectives. Mais, vu l’ampleur du déficit, l’effort
devra être conséquent. Il n’est supportable que si tous y contribuent de
manière équitable et solidaire. Et quid pour le budget des soins de santé?
Depuis
2005, le budget des soins de santé peut augmenter de 4,5% par an au delà de
l’inflation. Depuis lors, l’assurance soins de santé obligatoire n’a plus
connu de déficit comme dans les années 90. Au contraire, un surplus a pu
être dégagé chaque année. Il a permis de mieux rembourser les soins, de
financer les nouvelles techniques et de valoriser les rémunérations du
personnel médical et soignant. Depuis 2007, on a même pu mettre une partie
de ce surplus de côté dans un fonds d’avenir afin de pouvoir faire face aux
coûts croissants liés au vieillissement. Aujourd’hui, ce fonds d’avenir
atteint déjà 900 millions d’euros. Mais, pour financer cette norme de
croissance annuelle de 4,5%, l’Etat doit compléter les cotisations de
sécurité sociale avec des moyens provenant de la TVA ou des impôts. Vu
l’ampleur du déficit public, de nombreuses voix s’élèvent pour réduire cette
norme. Estce possible sans alourdir la facture pour les patients ?
Une croissance modérée
des dépenses de santé est possible en 2010
Nous connaissons
depuis 2005 un petit surplus dans le budget des soins de santé, montrant que
les dépenses
Vu l’ampleur du déficit public, certains veulent réduire la norme de
croissance des soins de santé. |
augmentent à un
rythme moindre que 4,5%. Les premières estimations indiquent qu’en 2010
aussi nous aurions un
surplus (400
millions d’euros). On pourrait donc exceptionnellement et temporairement le
soustraire de la norme de croissance légale de 4,5% et ce, sans mesures
d’économie particulière dans le secteur de soins de santé. Quant à
l’affectation de ces 400 millions d’euros, c’est une question politique.
Soit ce montant est versé dans le Fonds d’avenir pour les soins de santé
comme les autres années, soit il vient en déduction du subside de l’Etat à
la sécurité sociale et réduit par là le déficit de l’Etat. Cette deuxième
voie, la contribution de l’assurance soins de santé à la réduction du
déficit de l’Etat, n’est acceptable qu’à la condition que tout le monde et
tous les secteurs contribuent à l’effort budgétaire de manière équitable.
En cas d’économies, pas question de faire payer les patients
Certains prônent
une croissance zéro pour le budget des soins de santé. Pour y arriver, ils
proposent de réduire tout simplement les remboursements et donc d’augmenter
le coût des soins à charge des patients. Immoral et inefficace ! Pour qu’une
telle mesure rapporte, il faut en effet diminuer les remboursements des
soins de première ligne, les prestations des médecins généralistes, les
consultations des médecins spécialistes, les médicaments... Ces réductions
de remboursement seront linéaires et toucheront tous les patients, quelques
soient leurs revenus. Les patients plus riches pourront payer ces
suppléments sans problème ou s’assurer via une assurance privée. Ils ne
seront pas touchés par une réduction des remboursements. Les patients à
revenu modeste auront plus de difficultés et risquent de reporter des soins
et finalement d’entraîner des coûts encore plus élevés par manque de
prévention. Ce ne sont pas les patients qui décident des soins nécessaires
pour le traitement. Ils décident d’aller voir un médecin ou non, ensuite
c’est le médecin qui prescrit les médicaments, les examens de radiologie ou
de biologie clinique, l’éventuelle hospitalisation. Bref, si des mesures
d’économie sont nécessaires, elles doivent d’abord s’orienter sur les
volumes et les prix des prestations, comme ceux des médicaments génériques.
Nous nous opposons à toute mesure d’économie augmentant le coût à charge des
patients, ce coût étant déjà un des plus élevés au sein de l’OCDE.
Au delà de l’impératif financier
La recherche de
l’équilibre financier est bien sûr prioritaire, mais la politique de santé
ne se résume pas à un exercice budgétaire. L’évolution des techniques
médicales, des besoins d’une population vieillissante, de la démographie du
personnel soignant, requiert des adaptations et des réorientations de notre
organisation et notre offre de soins. Les exigences qualitatives, techniques
et financières nécessitent encore plus de rapprochement entre les
institutions hospitalières. Les techniques médicales permettent de réduire
la nécessité des séjours en hôpital mais, alors, des structures de
convalescence et de revalidation appropriées sont indispensables. Les
maladies chroniques se multiplient et nécessitent une approche par des
équipes multidisciplinaires dans le cadre de trajets de soins alternant les
soins ambulatoires et institutionnels. Les médicaments innovants ont un
certain coût. Autant de constats qui nécessitent une politique de santé de
moyen terme. C’est en préparant cet avenir aujourd’hui que nous pourrons
aussi maitriser le budget des soins de santé.
Le redressement des finances publiques ne peut être relevé que si tout le
monde participe de manière équitable à l’effort. L’assurance soins de santé
peut aussi y contribuer mais pas sur le dos des patients! Et la politique de
santé ne peut pas se réduire à un exercice budgétaire, nous avons besoin
d’orientations à moyen et long termes.
Jean Hermesse
Secrétaire général
|