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Éditorial (3 septembre 2009)

 

 

 

Ici, l’herbe est plus verte, Mister President

Parmi les sujets qui ont meublé les conversations et les journaux de l’été, la tentative de réforme de la couverture des soins de santé aux Etats-Unis tient certainement une belle place. Elle fait écho à notre organisation des soins de santé, si appréciable, nous l’oublions parfois.

Certains se contentent de regarder, jauger et juger, au travers de ce dossier, le champion mondial toutes catégories de la popularité politique: Barak Obama. Mais, si les compétitions sportives ont leur charme, ce dossier est bien plus fondamental pour 47 millions d’Américains. Les sondages sur la popularité du  nouveau président américain devraient, dans un monde politique idéal, n’avoir que peu d’importance et d’intérêt… Le fait de savoir s’il va mettre un genou par terre est l’arbre qui cache la forêt de tous ceux et celles qui ont les deux genoux au sol parce qu’ils ne peuvent se soigner, parce qu’ils se lèvent le matin sans savoir si le soir, ils auront encore une assurance de soins de santé dont le coût grève pourtant leur budget chaque mois ou celui de leur employeur.

Mais pourquoi est-il si difficile, aux Etats-Unis, de faire avancer l’idée d’un système de couverture de soins de santé basé sur une organisation solidaire, avec des cotisations du type “cotisations sociales” ou apparentées?

Les Américains seraient-ils moins solidaires ou généreux que les Belges? La réponse est évidemment négative. Il suffit pour s’en convaincre d’observer, dans l’ensemble des pays anglo-saxons, l’investissement personnel et collectif dans les œuvres de charité, dans l’associatif, dans le soutien à des causes sociales… Leur tradition de solidarité participative est bien vivante.   

 

Un autre rapport à l’Etat

Il existe donc une autre explication à cette opposition presque génétique. C’est le rapport à l’Etat, à ses fonctions, à ce que le peuple accepte de lui déléguer comme missions. L’appréciation américaine des relations à l’Etat est fondamentalement différente de ce que nous avons nous-mêmes construit au fil du temps et que nous avons trop tendance à oublier, à moins défendre, peut-être parce que nous oublions que tout cela n’est pas si naturel.

Pour une grande partie de la population américaine, il est impensable de ne pas “s’en sortir par soi-même”. L’intervention de l’Etat apparaît comme une preuve que l’individu n’a pas pris ses responsabilités, n’a pas pris en charge sa destinée. Le rôle de l’Etat est donc subsidiaire et réduit. Il n’adviendra qu’après l’intervention de l’individu lui-même, qu’après encore la solidarité “librement consentie” au travers des associations. Ces dernières ne sont d’ailleurs pas liées par un contrat de missions avec les gouvernements, elles sont rarement subsidiées… Ce sont les dons individuels ou des entreprises qui les font vivre et se développer.

Le système de soins de santé actuellement en vigueur aux Etats-Unis est l’un des plus chers du monde. Son rapport coût/qualité n’est pas optimal. En effet, la participation individuelle aux coûts est très importante, mais l’efficacité du système compte parmi les plus faibles. Par rapport aux pays développés, l’espérance de vie y est basse. C’est donc moins la peur d’un coût économique trop important qu’une conception des rôles de chacun dans la société qui refroidit la population américaine.

Ce dossier important pour les Etats-Unis est aussi l’occasion de regarder dans notre propre jardin. Nous nous vantons si souvent d’avoir “le meilleur système de couverture au monde”, mais encore …

Notre conception de l’Etat est historiquement éloignée de celle des pays anglo-saxons. En effet, nous avons délégué au service public et aux associations toute une série de missions au fil du temps. Nous les avons largement subventionnées collectivement au travers de cotisations, d’impôts ou d’affectation des revenus de l’Etat. Ces missions couvrent tant les soins de santé, que l’aide aux personnes fragilisées ou le missions d’enseignement, les services tels que l’accueil des enfants (crèches…), les institutions pour personnes handicapées, les maisons de repos, etc. Nous les avons organisées tant au travers de services publics directement créés pour cela que d’associations liées par un contrat avec l’Etat qui les subventionne en partie.

 

Défendre notre système

Mais ne nous leurrons pas, il ne suffit pas d’ânonner que nous avons le “meilleur système au monde” et de tenter de donner des leçons à ces Américains qui ne comprennent rien à rien. Les temps ne sont pas si paisibles pour ce beau système.

L’Europe nous regarde de près parce que nous faisons tache dans un paysage où l’ensemble de nos voisins européens ont tous réduit la couverture des soins de santé organisée collectivement, renvoyant une bonne partie de la couverture assurantielle sur le marché commercial et à la débrouille de chaque individu. L’ouverture des frontières pour les patients (qui peut avoir des aspects positifs) sera sans doute une nouvelle occasion, pour certains, de prétendre que la Belgique est vraiment trop particulière dans le paysage de l’accès aux soins de santé.

Nous vivons une crise de modèle économique et financier importante. Notre pays est confronté directement à une crise financière auquel le gouvernement doit faire face. La lecture des observateurs, tout au long de cet été, nous apprend que les discours semblent aller dans le même sens : diminuer le coût du travail et, pour ce faire, alléger les cotisations sociales, réduire la norme de croissance du budget des soins de santé… Bref, la solution passerait par moins de rentrées pour l’Etat, donc moins de moyens d’actions publiques (déléguées ou non) pour plus de souplesse du marché de l’emploi…

Avant d’entamer les dialogues, concertations et débats sur le budget, c’est d’abord à la responsabilité collective qu’il faudrait faire appel. Dans le jardin des soins de santé, il reste sans aucun doute des ronces à éradiquer: les abus, les suppléments d’honoraires qui conduisent à des souscriptions d’assurances privées chères pour les employeurs ou les individus…

Il est essentiel que chacun prenne conscience que, si l’on veut garder un beau jardin et une herbe plus verte que celle de nos voisins, nous devons tous être responsables de l’utilisation de cet espace. La qualité de notre système de soins de santé nous concerne tous. Qu’on se le dise!

Alda Greoli

Secrétaire nationale


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