Éditorial
(18 juin 2009)
La gouvernance: enjeux et défis
Si
nous devions établir des statistiques de mots “à la mode” dans les discours
et les réflexions échangées depuis les élections, le mot gagnant serait
“gouvernance”. Les quatre partis démocratiques ont tous mis à l’agenda de
leurs concertations préalables et du début des négociations d’un Olivier
(PS-Ecolo-CDH) cet objectif ambitieux: la gouvernance! Il est habituel d’y
ajouter le qualificatif “bonne”.
Le débat porte sur les modes de gestion politique, sur le rapport à
l’Etat des partis politiques, des hommes et des femmes qui les incarnent.
Mais ces enjeux ne concernent pas seulement ce “petit monde”. Il est
indispensable d’ouvrir plus largement la question. En effet, les
responsables des institutions qu’elles soient publiques ou associatives avec
missions déléguées de services au public sont tout autant concernés. Leur
vision de leur rôle et de la manière de le remplir dans l’intérêt de
l’organisation sociale est elle aussi au cœur de cet enjeu. N’oublions
jamais que l’Etat n’est pas un concept désincarné, il est “l’ensemble de
nous-mêmes”.
Au-delà du cumul
Pour illustrer
les avancées faites dans les négociations, seule émerge l’interdiction de
tout cumul. Est-ce là vraiment la question? Bien-sûr, il y a des limites
importantes, physiques, d’horaire, de capacités organisationnelles dans
l’accumulation des mandats (rémunérés ou non) mais la question de fond porte
sur le rapport que l’on a à l’Etat. Suffirait-il d’interdire les cumuls pour
éteindre tous les conflits d’intérêts? Suffirait-il d’augmenter l’importance
numéraire du personnel politique pour rendre les pratiques éthiques? La
réponse est non. La capacité de régulation interne, les processus
d’évaluation en particulier externes, le contrôle objectif suivant des
critères prédéfinis ne sont-ils pas plus révélateurs d’un fonctionnement
sain, d’un rapport juste à l’Etat et à la fonction essentielle qu’est la
gouvernance politique?
Notre propos
n’est pas d’encourager ni de justifier les cumuls car la rotation et la
non-captation des mandats par quelques personnes est saine. Mais nous
voulons replacer la question au centre d’une problématique et d’un
enjeu plus large: le rapport à l’Etat, l’articulation des partis avec
l’Etat, la manière dont les hommes et les femmes politiques envisagent leur
place dans le système, dont ils servent l’Etat plutôt que de se servir de
lui. Il s’agirait de (re)trouver les conditions essentielles pour fortifier
la confiance dans le personnel politique et dans les décisions qui sont
prises.
Le Pacte associatif, fondateur d’une
gouvernance réfléchie
A plusieurs
reprises, nous nous sommes penchés dans ces colonnes sur le Pacte
associatif. Il est bon de rappeler que ce texte faisait partie intégrante
des déclarations gouvernementales de 2004 des Régions et Communauté, et
qu’il n’a abouti qu’en toute fin de législature sous la forme d’une
déclaration, certes très importante mais sans force contraignante.
Et pourtant,
quand on examine les règles édictées par ce texte, il est évident qu’il ne
s’agit rien de moins que d’une déclaration limpide des règles de bonne
gouvernance des gouvernements et des parlements vis-à-vis du secteur non
marchand.
Au premier rang
d’entres elles: le respect de la concertation sociale (employeurs –
représentants des travailleurs). Puis l’égalité de traitement sur la base
de règles prédéfinies et légales; et également des évaluations objectives de
la mise en œuvre par le secteur public et les associations des politiques
définies… Le Pacte associatif est aussi la clarification des rôles de
chacun, la différenciation des rôles entre opérateur et régulateur du
pouvoir exécutif.
Pour illustrer
cet aspect, en Flandre, il n’existe plus d’hôpitaux publics au sens où nous
l’entendons du côté francophone. Tous les hôpitaux sont gérés par des asbl à
participation publique ou strictement associative, ce qui permet au pouvoir
politique de jouer pleinement son rôle de définition des règles, des
objectifs, d’évaluateur en étant strictement à égale distance des pouvoirs
organisateurs des hôpitaux.
Bref, le Pacte
associatif est en soi un texte fondateur d’une véritable gouvernance
publique et politique.
Nous plaidons
donc fortement pour que ces questions soient à l’agenda des négociations et
des concertations en cours et que les engagements qui y sont liés soient
pris par tous les partenaires et par tous les partis qu’ils soient dans la
majorité ou dans l’opposition, et quel que soit le niveau de pouvoir
(fédéral, régional et communautaire, provincial ou communal). Nous plaidons
également fortement pour que ces règles soient appliquées dès le début de la
nouvelle législature.
Au niveau politique, associatif…
Ce rapport sain
à l’Etat ne s’éteint pas quand on quitte le monde politique, il s’applique
également à tous ceux et toutes celles qui servent des politiques de l’Etat,
les services publics et les institutions de services délégués (mutualités,
enseignement, hôpitaux, services non marchands du type soins à domicile…).
Il serait tout
à fait normal qu’en réponse aux engagements pris par les gouvernements et
les parlements, les associations et les institutions publiques s’engagent,
elles aussi, dans des processus de gouvernance et de “redevabilité” de
l’utilisation des deniers publics; qu’elles répondent pleinement des
résultats obtenus non seulement en termes financiers mais surtout en plus
value sociale.
A l’initiative
de la Fondation Roi Baudouin, une série de personnes issues du secteur non
marchand travaillent actuellement en profondeur sur les axes de gouvernance
des associations. Le résultat attendu pour la fin de l’année constituera une
réponse du secteur non marchand au Pacte Associatif des gouvernements. En y
travaillant entre pairs, le secteur associatif montre sa volonté de
poursuivre et de renforcer encore la définition des règles de bonnes
pratiques dans la construction non seulement du lien social mais aussi
socio-économique de notre pays. Mais le secteur affirme aussi qu’il entend
être contrôlé pour ce qu’il produit avec l’argent public et l’argent de
bénéficiaires.
Etre contrôlé
et évalué est un droit démocratique qui s’organise tant à l’interne des
associations par les conseils d’administrations et les assemblées générales,
qu’à l’externe par l’évaluation des pouvoirs publics et le degré de
satisfaction des bénéficiaires.
Le secteur
associatif et non marchand peut être fier de participer à ce processus de
maturation de la gouvernance qui semble être en marche. Espérons que tous,
politiques, associations mais aussi secteur marchand arriveront au bout du
processus sans se contenter de mesures superficielles qui cachent les enjeux
réels!
Alda Greoli
Secrétaire nationale
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