Éditorial
(1er octobre 2009)
Rendre
du sens …
à la contribution fiscale!
L’ensemble des
gouvernements, fédéral, communautaires et régionaux, réalisent actuellement
l’exercice difficile de doter le pays d’un budget pour l’année 2010 et de
tracer les lignes des années suivantes. Ce travail nous concerne tous.
La
Mutualité chrétienne soutient une position constructive, raisonnable et qui
renforce encore, pour les patients et les citoyens, l’assurance d’être mieux
couverts par l’assurance soins de santé, tout en ouvrant la porte à de
possibles réductions du budget. Faire des économies sans que les patients
pauvres ou riches, jeunes ou vieux, femmes ou hommes … ne soient lésés,
c’est l’unique voie si nous voulons défendre un système d’assurance
équitable. La solidarité n’est pas la négation des intérêts individuels mais
leur juste conjugaison. Dans la redistribution des moyens de l’Etat comme
dans la contribution à ses ressources, chacun doit y trouver “ses avantages”
afin que tous nous puissions “faire société”. “Oser l’efficacité de l’Etat
(et de ses services délégués ou non)!” devrait être l’axe majeur de nos
gouvernants et de leur gouvernance! Car un des enjeux prioritaires,
aujourd’hui, est bien celui de (re)légitimer les contributions que la
société, dans son ensemble, est disposée à mettre en commun pour bâtir un
autre modèle de développement, social et durable.
Mais si l’impôt
est aujourd’hui tellement décrié, c’est sans doute parce qu’il est d’abord
perçu comme injuste. Certains jouent avec la corde sensible de la non
confiance dans le système, et une part grandissante de la population estime
qu’elle ferait mieux avec cet argent elle-même. C’est avec de tels discours
que sont légitimées les “assurances” hospitalisation privées, les pensions
du troisième pilier… Il est donc urgent de mettre en place les conditions
d’une véritable justice fiscale, qui réconcilie les citoyens avec les
prélèvements collectifs et l’action publique.
Plusieurs pistes s’offrent à nous
• Alléger la fiscalité sur les revenus du travail
En ce qui
concerne les revenus du travail, tout le monde s’accorde aujourd’hui à
considérer que ceux-ci font l’objet d’une fiscalité trop lourde. Quand on
parle des “charges” sur le travail, on globalise à la fois le précompte
professionnel et les cotisations sociales.
Rappelons d’abord
que ces dernières sont un salaire différé et solidaire, qui permet de
financer les pensions, les allocations de chômage, de maladie, d’invalidité,
etc. Mais il est vrai que c’est sur elles que repose l’essentiel du
financement de la sécurité sociale. Un financement plus équilibré et plus
équitable de notre système de protection sociale devrait être mis en œuvre,
par exemple, par l’instauration d’une cotisation perçue sur l’ensemble des
revenus, y compris ceux du capital. Cela permettrait d’alléger les
cotisations sur le travail.
Quant à l’impôt
sur le travail proprement dit, il faudrait remettre en chantier sa
progressivité: relever le niveau minimum à partir duquel on paye un impôt
(en 2009, 6.150 euros bruts par an), et réinstaurer les taux d’imposition de
52,5 et 55% sur les tranches de revenus les plus élevés.
• La fiscalité des revenus financiers et immobiliers
Le détenteur
d’actions perçoit des dividendes et des intérêts soumis à un précompte
mobilier de 15 ou 25%, qu’il ne doit pas mentionner dans sa déclaration
fiscale...
Un propriétaire
qui perçoit des revenus pour ses immeubles mis en location est imposé sur un
revenu cadastral théorique. Il n’a plus été révisé depuis des années, et est
donc, souvent, bien inférieur aux loyers réels perçus.
Quant aux
plus-values, qu’elles concernent des titres ou des immeubles, elles sont
tout simplement exonérées. On estime à 70 milliards d’euros, rien que pour
les sociétés, le montant de plus-values fiscalement exonéré pour la période
de 1991 à 2005.
• La lutte contre la fraude fiscale et certaines formes
d’ingénierie fiscale
Dans leurs
déclarations politiques, tous les partis s’entendent sur la nécessité de
mener une action plus vigoureuse à cet égard. Mais dans les faits…Des agents
du fisc le dénoncent régulièrement, la politique menée n’a pas consisté, ces
dernières années, à obtenir les moyens humains et techniques pour s’attaquer
sérieusement à cette fraude, ni pour traquer l’ingénierie fiscale,
parfaitement légale, mais éthiquement condamnable.
• Les déductions fiscales ou des cadeaux fiscaux
Cela concerne
avant tout les entreprises, notamment les banques, qui ont pu compter sur
l’aide de l’Etat ces derniers temps, avec les intérêts notionnels dont le
coût initial avait été estimé à 500 millions d’euros et qui se chiffrent en
2008 à 3,3 milliards d’euros! Pour les personnes physiques comme pour les
entreprises, ces déductions sont d’autant plus inéquitables qu’elles
profitent majoritairement à une très petite minorité. Une contribution plus
juste, ce sont des règles simples, non contournables et qui permettent un
réel contrôle.
• Dans l’impôt communal
S’il est calculé
sur la base de l’impôt des personnes physiques, le taux de l’additionnel est
toutefois variable selon les communes. Et il est toujours plus élevé dans
les communes dont les habitants ont un faible revenu moyen, alors que les
besoins sociaux y sont plus importants. Les gouvernements régionaux
pourraient utiliser leur marge de manœuvre fiscale au travers des
additionnels régionaux et ainsi rééquilibrer les efforts entre les communes.
Cela ouvrirait la voie à des politiques qui nous engagent dans le
développement durable, en investissant dans le logement et le transport
public, dans l’isolation énergétique, dans les services aux personnes.
• Fausses bonnes idées en matière de TVA
Ces derniers
temps, le secteur Horeca a multiplié études et appels à réduire la TVA
perçue dans les restaurants. Présentant cette mesure comme la solution pour
venir en aide au secteur et pour l’encourager à créer de l’emploi, tout en
l’incitant à abandonner le travail au noir. L’expérience française en cette
matière semble l’exemple à ne pas suivre: l’emploi espéré n’est pas là, et
le coût pour le budget de l’Etat est énorme. Pour la Belgique, l’institut
Itinera chiffre le coût total d’une telle réforme à 1,4 milliard d’euros,
soit le triple de l’estimation.
Toutes ces pistes démontrent une chose: il est possible et indispensable de
faire une nouvelle réforme fiscale. Une réforme qui fasse contribuer
l’ensemble des citoyens et des entreprises de notre pays à une société plus
juste et plus humaine. Simplement une société meilleure, dans laquelle
chacun contribue en fonction de ses moyens, pour pouvoir construire
collectivement une qualité de vie et un avenir pour toutes et tous.
Alda Greoli
Secrétaire nationale
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