Éditorial
(15 février 2009)
Le coût
des médicaments
peut diminuer
La
facture du médicament pèse lourd tant dans le budget des ménages que dans le
budget de la sécurité sociale. Quelques mesures d’économie ont été proposées
en 2008 mais on pourrait aller beaucoup plus loin. En menant une politique
plus audacieuse et volontariste sur les prix, les prescriptions et les
volumes des médicaments, on pourrait sérieusement aider les malades
chroniques et les finances publiques.
En
2007, la facture totale des médicaments consommés en Belgique s’élevait à
521 euros par habitant. De cette facture annuelle, les patients ont payé de
leur poche 193 euros en médicaments non remboursés et tickets modérateurs.
Le solde, soit 328 euros, a été remboursé par l’assurance soins de santé
obligatoire. Ce niveau de dépenses par habitant nous classe dans le peloton
de tête des pays gros consommateurs de médicaments. A titre de comparaison,
aux Pays-Bas, la dépense totale a été de 309 euros par habitant et en plus
de cette facture globale, les patients n’ont payé que 90 euros de leur
poche.
On pourrait encore citer
d’autres pays tels que le Danemark, l’Angleterre…
La comparaison avec
d’autres pays atteignant un même niveau d’espérance de vie qu’en Belgique
montre ainsi que notre facture pharmaceutique pourrait diminuer de façon
très importante.
Les prix de nombreux médicaments peuvent être franchement
diminués
De nombreux médicaments
couramment utilisés pour soigner le cholestérol (le Zocor, la Pravasine),
l’estomac (le Losec, le Pantozol), l’ostéoporose (le Fosamax),
l’hypertension (le Zestril, l’Amlor), les dépressions (le Seroxat, le
Cipramil), etc. ne sont plus protégés par le brevet et peuvent donc être
fabriqués et commercialisés par d’autres entreprises pharmaceutiques.
L’arrivée d’entreprises concurrentes pour la production de médicaments sous
la forme de génériques entraîne alors une baisse de prix. Nous avons ainsi
connu quelques diminutions spectaculaires des prix d’origine. Par exemple le
Zocor est passé de 185 euros en 2002 à 31 euros en 2008. Mais l’expérience
du système d’appel d’offres de la Nouvelle-Zélande et récemment des Pays-Bas
indique que les prix de ces médicaments “anciens” peuvent encore nettement
baisser. La facture pour l’assurance soins de santé obligatoire serait
allégée et ces médicaments pourraient devenir totalement gratuits pour les
patients. Les montants sont spectaculaires! Aux Pays-Bas, la baisse de prix
des “anciens” médicaments a entraîné une économie de 750 millions d’euros en
un an! Si on pratiquait les mêmes prix en Belgique, l’économie serait de 402
millions d’euros, dont plus de 100 millions d’euros pour les patients!
Les Belges qui font
exécuter certaines de leurs prescriptions de médicaments dans une pharmacie
hollandaise peuvent l’attester: l’économie est spectaculaire, surtout pour
les malades chroniques.
La différence de prix
est aussi spectaculaire pour des médicaments non remboursés tels que le
paracétamol ou l’ibuprofen.
Les médecins peuvent
prescrire moins et moins cher
Nous travaillons très activement à l’élaboration d’une nouvelle
structure de la rémunération du pharmacien. |
Depuis de nombreuses
années, nous effectuons différentes études sur la façon dont les médecins
prescrivent les médicaments à nos membres. Ces études de plus en plus
précises et significatives montrent que certains médecins ont une pratique
atypique : ils prescrivent beaucoup plus de médicaments et des médicaments
plus coûteux. On constate de grands écarts de pratique de prescription pour
les antibiotiques, les antidépresseurs ou les médicaments prescrits en
maisons de repos. C’est pourquoi, dans l’Accord médico-mutualiste 2009-2010,
nous avons obtenu que les médecins s’engagent à augmenter les parts des
médicaments moins chers dans leurs prescription, de manière à réaliser une
économie qui devra atteindre au moins 42,5 millions d’euros. L’Accord
recommande également aux médecins de prescrire plus souvent en DCI,
c’est-à-dire en mentionnant le nom de la molécule en non pas le nom
commercial d’une spécialité pharmaceutique, en laissant ainsi la
responsabilité au pharmacien de délivrer le médicament le moins cher
contenant cette molécule. Aujourd’hui, seulement 2 à 3 % des médicaments
vendus sont prescrits en DCI.
Les pharmaciens peuvent aussi participer à la réduction des
coûts
Aujourd’hui, le travail
des pharmaciens est principalement rétribué via un pourcentage prélevé sur
le prix du médicament. Si le prix du médicament baisse, leur rémunération
diminue. Il y a donc peu d’incitants à fournir le médicament moins cher.
C’est pourquoi nous participons à la mise en place d’un nouveau système de
rémunération prévoyant un honoraire de délivrance par boîte, indépendant du
prix du médicament, comme aux Pays-Bas. Nous souhaitons également qu’une
partie de la nouvelle rémunération puisse être liée aux efforts déployés par
le pharmacien pour recommander et fournir les médicaments les moins chers
lorsqu’une prescription leur est présentée sous la forme DCI. L’enquête
récente menée par Test-Achats montre qu’actuellement seulement 12% des
pharmaciens délivrent le médicament le moins cher. Nous travaillons donc
très activement à l’élaboration de cette nouvelle structure de la
rémunération du pharmacien afin qu’elle soit mise en place dès le 1er
janvier 2010.
En Belgique, les
médicaments pèsent lourd dans le portefeuille des patients, des malades
chroniques et dans le budget de la sécurité sociale. En agissant sur les
prix, les prescriptions et les volumes, on peut très nettement baisser cette
facture. Que les politiques, les médecins et les pharmaciens prennent leurs
responsabilités. C’est la crise, chaque euro compte!
Jean Hermesse
Secrétaire général
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