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Éditorial (5 juin 2008)

 

 

L’innovation,

à tout prix?

Le coût des nouveaux médicaments contre le cancer et les maladies rares augmente de manière exponentielle. Et selon les spécialistes, ce n’est que le début. Les prix de ces nouveaux médicaments sont-ils justifiés? Est-ce supportable pour l’assurance maladie? Ou devons-nous renoncer au remboursement d’autres besoins importants mais plus fréquents au risque de déséquilibrer le financement solidaire des soins de santé?

La question du prix élevé des nouveaux médicaments n’est pas neuve, mais leur ampleur prend aujourd’hui des proportions démesurées. Elle inquiète les gestionnaires de l’assurance maladie et interpelle les médecins responsables de leur prescription. Et selon les experts, on n’en est qu’au début. Les projections de dépenses conduiraient l’assurance maladie à la faillite. De telles prévisions et conséquences inquiétantes doivent nous inciter à évaluer les prix et les pratiques imposés par les firmes pharmaceutiques.

 

Le coût des médicaments

orphelins est exorbitant

Après deux années de stabilisation, les dépenses pharmaceutiques ont à nouveau connu une forte croissance: + 6 % en 2007. Cette forte croissance est surtout imputable aux prix exorbitants de nouveaux médicaments contre le cancer et les maladies rares. Ces médicaments pour les maladies rares sont appelés des médicaments “orphelins” parce qu’ils ne touchent que peu de malades, moins de un patient par 2.000 habitants. Le marché en nombre de patients pour chacun de ces nouveaux médicaments est donc très limité et le prix demandé par les firmes pharmaceutiques est exponentiel. Plusieurs dépassent les 100.000 euros par patient par an. Trois médicaments atteignent 300.000 euros par patient par an. Un nouveau médicament pour une maladie congénitale génétique rare, atteignant 10 patients par an en Belgique, vient d’être proposé pour remboursement avec un prix de 600.000 euros par patient par an, soit 6 millions d’euros par an pour ces 10 patients!

On estime qu’il y aurait au total 6.000 maladies orphelines représentant au minimum 100.000 patients en Belgique . Sur base des prix pratiqués ainsi par l’industrie pharmaceutique pour ces médicaments orphelins, et en supposant qu’on puisse en soigner ne fusse qu’un dixième des malades concernés, on atteindrait rapidement un coût total de 3 milliards d’euros par an!

 

Comment justifier

des prix aussi élevés?

Pour expliquer les prix très élevés des nouveaux médicaments, l’industrie pharmaceutique invoque le coût énorme de la recherche et le fait que ces médicaments sont tellement ciblés qu’ils ne concernent qu’un très petit nombre de patients. Comme ces médicaments sont le plus souvent importés nous ne disposons généralement d’aucune information sur la composition réelle des prix fixés unilatéralement  par les firmes, dont le coût réel de la recherche, qui pourrait expliquer les raisons du coût élevé de ces médicaments.

A défaut d’information sur les coûts précis de ces nouveaux médicaments, les résultats financiers publiés par les grands groupes pharmaceutiques donnent quelques indications. Le magazine Fortune classant les plus grandes entreprises à l’échelle mondiale évalue le coût de la recherche par industrie pharmaceutique à 11% du chiffre d’affaire et le coût de la publicité et du marketing à 26%! Les profits oscillent entre 15 et 20%. Alors qu’est-ce qui coûte cher dans les prix des médicaments? La transparence des coûts des médicaments orphelins devrait être totale lorsque on réclame des prix aussi élevés.

Un prix élevé est aussi invoqué sur base du petit nombre de patients concernés par les nouveaux médicaments. Mais la compassion justifie-t-elle des prix aussi élevés? Si par la suite, les indications sont élargies et que l’on multiplie par 5 le nombre éventuel des personnes concernées, il serait normal de diviser le prix du médicament par 5 ou 3, mais là encore rien ne bouge. L’octroi des prix élevés devrait donc être conditionné à un contrat coût-volume induisant une diminution du coût proportionnelle à l’augmentation du volume des ventes.

 

Où trouver le financement?

En diminuant les dépenses ailleurs?

Pour financer cette croissance prévisible et exponentielle des dépenses pharmaceutiques, plusieurs solutions sont possibles.

On peut augmenter de manière importante le budget des soins de santé. Cela impliquera un choix au sein de la sécurité sociale et rendra plus difficile la revalorisation indispensable des indemnités d’invalidité ou encore l’extension de l’Aide aux Personnes Agées dont le coût ne dépasse pas 200 millions d’euros.

On peut aussi financer la croissance du budget des médicaments en réduisant l’intervention de l’assurance maladie dans d’autres secteurs de soins. On financerait ainsi le coût exorbitant des médicaments orphelins pour quelques-uns par une hausse de tickets modérateurs répartis sur un plus grand nombre de patients.

Mais il existe une troisième voie, la réduction des prix des médicaments non innovants vendus par l’industrie pharmaceutique. Trop de nouveaux médicaments sont en fait peu innovants et obtiennent pourtant de nouveaux prix non justifiables  par leur innovation. En diminuant les prix de ces médicaments et en ayant une politique volontariste dans un très large recours à un vrai système d’appels d’offre dès que cela s’avère médicalement possible, on pourrait retrouver  à l’intérieur du budget des médicaments les moyens nécessaires pour financer les vrais médicaments innovants.

Le financement des médicaments dont les prix ont ainsi dépassé toute limite du raisonnable, comme notamment les médicaments orphelins, risque de mettre notre système d’assurance maladie en grande difficulté. Il faut prendre conscience des enjeux de société qu’ils provoquent et mettre cette question au centre d’un débat politique vital pour le maintien de l’accès aux soins essentiels.

Les coûts exponentiels des médicaments orphelins risquent de mettre notre système d’assurance maladie en péril. Afin de bien en mesurer les conséquences nous demandons qu’un débat politique  ouvert et transparent soit organisé sur ces choix de remboursement à de tels prix.

 Jean Hermesse

Secrétaire Général

 


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