Éditorial
(6 mars 2008)
L’équilibre du budget 2008
ne rassure pas
Le
budget 2008 de l’Etat est enfin bouclé. Seul objectif: ne pas être en
déficit. Pas de programme ambitieux ni de réserve pour payer les coûts de
demain liés au au vieillissement. Pourtant l’assurance soins de santé
affiche des bonis depuis 2005. Mais où ont-ils disparu?
La
confection du budget de l’Etat est un exercice d’équilibriste entre dépenses
et recettes. Malgré la croissance, des taux d’intérêts encore modérés, de
nombreuses créations d’emplois et une dette publique diminuée, les comptes
de l’Etat sont encore dans le rouge pour 2008.
En fait, les recettes ne
suivent pas le rythme de cette bonne conjoncture car entre temps, le
Gouvernement a diminué l’impôt sur les sociétés et sur les personnes. Tant
mieux pour les hauts revenus et les actionnaires, mais pour les pensionnés,
les invalides, les malades chroniques, il n’y a plus assez de moyens.
Pourtant en soins de santé il y a des bonis. Alors?
De 2005 à 2007, le budget des soins de santé est dans le vert
Incroyable! Alors que
plusieurs pays européens sont confrontés à des déficits en assurance soins
de santé, en Belgique nous réalisons un surplus depuis 2005: + 148 millions
d’euros en 2005, + 737 millions d’euros en 2006 et +/- 600 millions d’euros
(au moins) en 2007. Un boni est encore prévu en 2008.
Bien sûr, avec une norme
de croissance de 4,5% par an, le budget des soins de santé disposait d’une
bonne marge mais les acteurs, mutualités, prestataires de soins,
gouvernement l’ont géré de manière raisonnable. Des choix et priorités ont
été faits dans la longue liste des besoins, la part des médicaments
génériques et moins chers a crû de manière importante, les places en maisons
de repos et de soins ont augmenté, certaines prestations ont été
revalorisées (avec retard il est vrai).
Cette gestion
raisonnable a permis de terminer trois années consécutives avec un surplus
et de manière cumulée de 2005 à 2007. Cela représente plus de 1,5 milliard
d’euros!
Pourtant le Fonds pour
l’avenir des soins de santé, créé fin 2006 afin de participer au plus tôt
dès 2012 aux remboursements nécessaires pour adapter le système des soins de
santé au vieillissement de la population, ne comporte que 309 millions
d’euros.
Un budget 2008 très flou
Il n’y a pas de plan ambitieux pour
faire face aux besoins et aux coûts du vieillissement
de
la population. |
Le budget de l’assurance
soins de santé 2008 a été fixé en octobre 2007. Dans ce budget, ont été
prévues, pour un total de 340 millions d’euros, des mesures nouvelles, des
revalorisations, de nouvelles prestations, une extension des forfaits
malades chroniques, une meilleure couverture des implants et appareils
auditifs, une prise en charge du coût de l’accord social en maisons de
repos, …
Un budget complémentaire
de 380 millions d’euros avait été gelé en attendant l’avènement d’un
nouveau gouvernement. De plus, vu le retard dans la constitution du
gouvernement, de nombreuses mesures prévues n’ont pas encore été exécutées
ou le seront avec retard. Ces retards vont encore gonfler le solde positif
initial de 380 millions d’euros.
Et que reste-t-il de ce
budget complémentaire après le conclave budgétaire?
En partie réservé pour
un futur plan cancer, en partie pour financer le paquet des mesures sociales
de 300 millions d’euros, en partie pour réduire le financement alternatif de
l’Etat. Autrement dit, le boni de l’assurance a servi à équilibrer le budget
de l’Etat. Est-ce bien normal lorsque l’on constate que grâce à la technique
dite des “intérêts notionnels”, les entreprises ont pu réduire les impôts
payés à l’Etat de 2,4 milliards d’euros?
Un choix politique peu rassurant
Toutes les analyses
convergent, tous les bureaux d’étude le prédisent, nous devons absolument,
comme dans tous les pays européens, nous créer des moyens pour faire face
aux coûts inéluctables du vieillissement. Des bonis doivent être dégagés et
affectés à la création de mesures indispensables pour pouvoir revaloriser
les pensions et financer les soins de santé.
Comment allons-nous
financer les investissements nécessaires dans des structures de soins de
revalidation, de soins résidentiels? Comment éviter que, par manque de
moyens pour attirer du personnel médical et soignant suffisant, la rareté
n’entraîne une hausse de suppléments?
Ces questions demandent
une réponse structurée, pensée dans un plan pluriannuel.
Une politique des soins
aux personnes âgées est une politique à moyen et long terme. Elle ne
s’improvise pas d’année en année.
Or depuis 2005 les bonis
en assurance soins de santé ne sont pas mis suffisamment en réserve. Ils
servent en partie à équilibrer les comptes annuels de la sécurité sociale.
Il n’y a pas de plan ambitieux pour faire face aux besoins et aux coûts du
vieillissement de la population. L’avenir non préparé inquiète. Cela
favorise la loi de la débrouille, le chacun pour soi.
Depuis 2005 les
bonis de l’assurance soins de santé servent principalement à
équilibrer les comptes de l’Etat et de la Sécurité Sociale. En 2008,
aussi malgré un budget santé en boni, la nécessaire réserve pour
faire face au vieillissement de la population ne sera de nouveau pas
alimentée. Mais les impôts des sociétés et des personnes, eux
diminuent. Le budget 2008 n’est pas rassurant.
Jean Hermesse
Secrétaire Général |
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