Éditorial
(4 septembre 2008)
Une
rentrée
chargée de défis
Comme
il est de coutume à chaque rentrée, nous voulons formuler les priorités et
les enjeux politiques des prochains mois. Dans le secteur des soins de
santé, les défis à relever d’ici la fin de l’année 2008 sont
particulièrement nombreux et cruciaux.
La
situation socio-économique est préoccupante. L’envolée des prix de
l’alimentation et de l’énergie entame le pouvoir d’achat des citoyens. La
croissance économique se tasse. De grosses entreprises licencient. Les
questions socio-économiques doivent donc être au centre de l’action
gouvernementale.
D’ici la fin de l’année,
dans le domaine des soins de santé, le gouvernement sera aussi amené à
prendre des décisions qui auront des conséquences importantes pour la
politique de santé et pour les patients. Il faut répondre à des défis de
gestion, aborder des questions qui mettent en jeu des principes et des
valeurs, entamer des débats de fond pour l’avenir de la qualité de soins.
Des défis de gestion
Comme chaque année en
septembre, le Comité de l’assurance, le conseil général et le gouvernement
devront fixer le budget des soins de santé pour l’année prochaine.
Toutefois, la norme de croissance de ce budget n’est pas clairement fixée
dans la
Dans le domaine des soins de santé,
le gouvernement sera amené à prendre des décisions qui auront des
conséquences importantes pour la politique de santé et pour les
patients. |
déclaration gouvernementale.
Le débat sur le budget pour la défense d’une norme de croissance de 4,5%
sera donc vif, d’autant plus qu’il faudra tenir compte d’une importante
marge d’inflation. Sans budget suffisant, la conclusion d’accords tarifaires
avec les prestataires de soins sera plus compliquée.
L’accord médico-mutualiste
portant sur les honoraires médicaux s’achève en effet fin de cette année
2008. Et un nouvel accord, essentiel pour garantir la sécurité tarifaire des
patients, doit être conclu pour deux ans (2009-2010.
Un autre défi important dans
la gestion de l’assurance soins de santé est celui de la maîtrise du budget
des médicaments. En équilibre depuis 2005, les dépenses pharmaceutiques
s’emballent sous l’influence du prix élevé des nouveaux médicaments. Des
mesures de maîtrise des dépenses dans ce secteur seront donc nécessaires
sans pour autant augmenter la part à charge des patients. D’ici la fin de
l’année il faudra aussi mettre en œuvre des décisions en faveur des malades
chroniques et lancer le plan cancer.
Au-delà de ces défis de
gestion de l’assurance-maladie, le gouvernement devra aussi prendre position
sur des questions de principe qui peuvent mettre en cause nos valeurs.
Des questions de principes
Les principes qui régissent
notre système de santé vont également fortement influencer l’accès et la
qualité de soins, qui ne se réduisent pas à des questions de gestion ou à
des problèmes financiers.
Ainsi d’ici la fin du mois
de septembre le gouvernement devra répondre à la Commission Européenne sur
la mise en demeure de l’Etat belge mettant en cause le statut des mutualités
belges. L’enjeu est de taille. L’avenir même des mutualités et les valeurs
de solidarité qui sont à la base de notre système d’assurance sociale sont
en cause. Heureusement, un compromis est en voie d’élaboration avec les
assurances privées. Celui-ci doit être finalisé pour la fin du mois de
septembre. A défaut le gouvernement devra trancher, avec les risques d’une
déstabilisation de notre modèle d’assurance sociale.
Le gouvernement s’est aussi
engagé à mieux réguler les suppléments en milieu hospitalier, que ce soit en
chambre à deux lits, en chambre commune ou en chambre à un lit. Au vu de la
poursuite de certaines pratiques de suppléments en noir, cet engagement
devrait effectivement se traduire par des mesures concrètes. Trop de
patients hospitaliers sont perdus face à leur facture d’hôpital.
Enfin, pour assurer le bon
fonctionnement et le suivi du système d’assurance soins de santé, il est
indispensable de revoir et de réévaluer le rôle et la mission des
médecins-conseils. D’une fonction qui les réduit encore trop souvent à
contrôler et à sanctionner, les médecins-conseils doivent pouvoir évoluer
vers un rôle d’accompagnement, d’évaluation et de conseil. Ainsi les
mutualités pourront développer une approche moderne et innovante avec les
prestataires de soins. Il y a urgence si on veut assurer assez de vocations
pour cette mission essentielle.
Au-delà de ces questions de
principe et de valeurs, du temps devra aussi être dégagé pour lancer des
débats de fond, essentiels pour l’avenir.
Des débats de fond
Le vieillissement de la
population est en cours, mais le vrai choc va commencer à se faire sentir à
partir de… 2 010. C’est une certitude démographique qui entrainera
inévitablement plus de dépenses en pensions et en soins de santé. Comment
allons-nous le financer? De manière collective, solidaire ou de manière
privée, individuelle?
Pour l’instant il n’y a pas
de réponses, on reporte sans cesse le débat. Or ne pas répondre conduit
nécessairement à chercher des solutions dans le “chacun pour soi”.
Dans le domaine des soins,
le vieillissement modifie de manière importante les besoins: plus de soins
chroniques, moins de soins aigus. Il faudrait donc adapter progressivement
notre offre de soins pour répondre à ces besoins changeants, rationaliser
l’offre hospitalière et créer des structures de soins intermédiaires.
D’autres débats de fond sont
absolument essentiels autour de la démographie médicale, du nombre de
personnel soignant et infirmier, du soutien aux aidants naturels, des soins
informels et des grandes inégalités en terme de santé et d’espérance de vie
entre les différentes classes socio-économiques.
Pour que demain la qualité et
l’accessibilité à tous de notre système de soins de santé progresse
encore, nous devrons prendre des décisions de gestion, mettre en
œuvre des actions qui respectent nos valeurs et nos principes,
conduire des débats de fond. Il n’y a pas de temps à perdre, nous
demandons un vrai pilotage politique.
Jean Hermesse
Secrétaire général |
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