Éditorial
(15 mai 2008)
La
Mutualité chrétienne demande à l’Europe
de reconnaître la spécificité des mutualités
La
Commission européenne demande à la Belgique de modifier la loi sur les
assurances complémentaires. La mutualité chrétienne lui demande de
reconnaître la spécificité des métiers.
Outre
leur rôle d’organisme assureur dans le cadre de l’assurance soins de santé
obligatoire, les mutualités belges proposent également une assurance
complémentaire. L’organisation d’un tel service est une obligation légale
(sauf pour la Caisse auxiliaire d’assurance maladie invalidité - CAAMI).
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le développer au travers de nombreux
articles et commentaires, la couverture en assurance soins de santé est
organisée de manière très solidaire dans notre pays. Cette solidarité est
garantie par la loi qui oblige les mutualités à respecter des principes
spécifiques: pas de discrimination, une couverture ou un service universel
et des règles pour assurer la protection des affiliés.
Ces
règles, nécessaires et indispensables, définissent un statut juridique
particulier pour les mutualités. Elles les mettent également dans une
position de non concurrence par rapport au marché de l’assurance car elles
n’ont pas les mêmes finalités.
Nous
ne faisons pas le même métier. Chacun doit trouver l’espace pour réaliser
son projet spécifique, social ou commercial. Il serait contraire aux bonnes
règles du marché que demain, sous le principe d’avoir souhaité gommé toute
différence, les organismes mutualistes en viennent à organiser des “produits
d’assurance”, type assurance automobile, vie ou pension… en pouvant
s’adresser à l’ensemble de la population alors qu’aujourd’hui nos services
complémentaires et facultatifs s’adressent uniquement à nos membres.
Si
ce système nous apparait naturel tellement il colle à l’histoire de la
Belgique, il n’en est pas moins singulier dans le paysage européen, ce qui
rend parfois sa compréhension fine difficile au-delà des frontières.
C’est
dans ce contexte que la Commission européenne a demandé le 6 mai dernier à
la Belgique de modifier sa réglementation nationale relative aux assurances
complémentaires des mutualités afin de mettre ces dernières en conformité
avec les directives communautaires en matière d’assurance. Cet avis motivé
de la Commission européenne constitue la seconde étape d’une procédure
d’infraction qui pourrait aboutir devant la Cour européenne de Justice.
Nous ne faisons
pas le même métier. Chacun doit trouver l’espace pour réaliser
sonprojet spécifique, social ou commercial. |
Le 12 décembre 2006, la
Commission européenne adressait à la Belgique une mise en demeure
considérant que la législation belge régissant les services complémentaires
des mutualités n’était pas conforme à l’application des première et
troisième directives européennes relatives aux assurances non-vie. La
Commission demandait donc au gouvernement belge d’adapter en conséquence la
législation sur les mutualités au droit européen sur les assurances.
Quelques mois plus tard,
la Belgique transmettait sa réponse à la Commission européenne. Elle y
rappelait que les mutualités sont à l’origine de la protection sociale
contre le risque de maladie et n’ont toujours eu pour finalité que de la
développer.
Aujourd’hui, la
Commission européenne s’inquiète en particulier de ce que les mutualités
“ne sont pas assujetties aux règles communautaires en matière de
solvabilité, de contrôle et de financement des assureurs”. Cette
situation pourrait, selon elle, “se traduire par des degrés différents de
protection des titulaires d’assurance et par des distorsions du marché”.
La Commission européenne
est donc particulièrement soucieuse des conditions et contraintes
financières en matière de solvabilité, de réserves et de contrôle. La
législation sur les mutualités comprend également des règles financières et
de contrôle pour protéger leurs membres. Elles sont adaptées au caractère
spécifique des services complémentaires des mutualités.
Par exemple, il n’existe
pas, au niveau des mutualités, de contrats individuels mais bien une
relation statutaire entre les membres et leur mutualité. Cela permet aux
mutualités de proposer des avantages et services basés sur le principe de la
solidarité pour lesquels les membres cotisent sans lien avec leur profil de
risque.
Ce constat étant fait,
il pourrait être envisageable de réfléchir, avec le gouvernement belge, dans
quelle mesure les règles d’application pour les assureurs et pour les
mutualités divergent ou doivent être remises en parallèle en tenant compte
de la spécificité des métiers et du fonctionnement des mutualités.
Pour permettre aux
mutualités de jouer leur rôle social, on pourrait envisager que, dans
certains cas, des règles différentes puissent coexister en fonction de
l’acceptation des mauvais risques, à savoir les malades chroniques, les
personnes invalides ou handicapées. On pourrait prévoir une échelle de
contraintes différentes selon le degré de solidarité présent dans des
assurances complémentaires mutuelles.
L’assurance
complémentaire et l’assurance obligatoire doivent être considérées comme
indissociables afin de couvrir le même risque social qu’il appartient à
l’autorité publique de définir. Les services complémentaires des mutualités
constituent un volet du système de protection sociale belge. Les assurances
complémentaires des mutualités s’adossent au régime général en vue de le
compléter, l’objectif final étant d’intégrer ces couvertures dans la
protection obligatoire. Le dernier exemple important est l’intégration des
“petits risques indépendants” dans l’assurance obligatoire après avoir été
organisé très longtemps par les assurances complémentaires et facultatives
des mutualités.
Il est indispensable que les différents acteurs de ce dossier,
l’Etat belge, les organismes d’assurances soins de santé et sociétés
d’assurances commerciales, travaillent ensemble à mieux faire
comprendre ce qui les rapproche: la protection du consommateur,
qu’il soit affilié ou client, et ce qui les différencie : leur rôle
dans l’organisation générale de notre société, la protection sociale
pour les mutualités et l’offre de produits d’assurances pour les
assureurs.
Alda Gréoli,
Secrétaire Nationale |
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