Éditorial
(17 avril 2008)
Assurer
l’autonomie des personnes dépendantes:
une responsabilité de l’Etat fédéral
Au
premier avril dernier, un arrêt de la Cour européenne de justice ramenait
l’assurance autonomie au devant de l’actualité belge. L’objectif d’une telle
couverture est d’aider les personnes à faire face aux frais qui ne sont pas
des dépenses de soins de santé mais qui sont inhérents à la perte
d’autonomie.
Rappelons
d’abord l’essentiel: une telle assurance est une nécessité pour bon nombre
de seniors ou de personnes handicapées en situation de dépendance partout en
Belgique, au sud comme au nord du pays. En statuant dans ce dossier, la
Cour européenne de justice donne des arguments supplémentaires à ceux qui,
comme la Mutualité chrétienne ou l’UCP (le mouvement social des aînés),
pensent que ce dossier devrait être traité au niveau fédéral.
Pour la Cour européenne
de justice, la réglementation flamande est de nature restrictive à la libre
circulation. Les travailleurs migrants “exerçant ou envisageant d'exercer
une activité salariée ou non salariée dans l'une de ces deux régions
(Bruxelles ou Wallonie, ndlr), pourraient être dissuadés de faire usage de
leur liberté de circuler et de quitter leur État membre d'origine pour
séjourner en Belgique, du fait que leur installation dans certaines parties
du territoire belge comporterait la perte de la possibilité de bénéficier de
prestations auxquelles, autrement, ils auraient pu prétendre”.
L’avis de la Cour semble
ramener le débat dans le champ des droits des citoyens liés au droit du
travail, et partant de là, à la Sécurité sociale. Cet aspect n’est pas sans
importance. Mais notre propos n’est pas de combattre une initiative prise au
Nord de notre pays mais plutôt de voir ce qu’il y a lieu de faire pour
l’ensemble de notre population.
La question est plutôt
celle-ci: l’Etat fédéral dispose-t-il des outils et des moyens pour
organiser une couverture des besoins de tous ses citoyens?
“Nous avons une proposition qui n’est pas budgétairement neutre mais
qui répond aux besoins de la population” |
La revendication d’une
meilleure prise en compte des besoins des personnes, liés à leur état de
dépendance n’est pas neuve. Il s’agit de la mise en place d’un système qui,
rattaché à une Sécurité sociale forte et solidaire, permette à chacun, se
trouvant en situation de perte d’autonomie, de bénéficier des ressources
pour pouvoir y remédier.
De quelles interventions
parlons-nous? Il s’agit des aides à domicile, des interventions dans les
frais de déplacements, des frais de garde à domicile,… La nature de ces
aides implique naturellement une articulation avec le pouvoir régional. Le
soutien légitime à apporter aux bénéficiaires en termes de revenus doit
certes venir de la Sécurité sociale, mais par contre l’organisation de ces
services doit venir des Communautés et Régions.
Dans
les facteurs qui nous obligent à réfléchir ces politiques, il faut en
prendre plusieurs en considération.
Le nombre de personnes
devant recourir à des aides afin de préserver leur autonomie ira bien sûr en
augmentant dans les années à venir. Mais, il ne s’agit pas seulement de
faire face à l’augmentation du nombre d’aînés, liée au vieillissement de la
population. En plus de l’impact purement numérique de l’évolution
démographique, des conséquences humaines et sociales ne doivent pas être
occultées pour les personnes concernées évidemment, mais aussi pour les
aidants des personnes dépendantes dont nous avons déjà eu l’occasion de
mettre en évidence les besoins en termes de soutien, de période de répit, de
coordination des aides,… (1)
Dans
nos revendications, lors des dernières élections fédérales de juin 2007,
nous proposions une solution.
Il existe actuellement
un système résiduaire, l’allocation d’Aide aux Personnes Âgées (APA), dont
l’accès est limité aux personnes combinant à la fois une perte d’autonomie
médicalement avérée et des ressources réduites. Les limites sont aujourd’hui
de 10.609,19 euros par an et de 13.257,08 euros par an, selon les
situations de ménage. Nous demandions de supprimer la prise en compte des
ressources pour l’octroi de cette aide, l’intégrant ainsi dans notre système
de Sécurité sociale.
Cette revendication a
bien entendu un coût qu’il est possible d’estimer. En mai 2007, il y avait
125.429 bénéficiaires de l’APA pour un budget annuel estimé à 392,3 millions
d’euros. Sur base de la répartition par âge et par catégorie de handicap
reconnu dans le système de l’APA, un élargissement aux non-bénéficiaires
actuels conduirait, selon nos estimations (basées sur les pensions légales),
à reconnaître près de 65.000 personnes de plus. Ce qui, du fait des
différents niveaux d’aide possibles, conduirait à une augmentation du budget
de près de 250 millions d’euros.
Il existe également
différentes interventions organisées sous forme de forfaits: forfaits
malades chroniques, forfaits incontinence,… Une réflexion sur une
simplification de ces interventions, un certain regroupement des moyens avec
ceux de l’APA, pourraient conduire à la mise en place d’une intervention
globale de la Sécurité sociale au profit des personnes dépendantes.
Nous sommes donc conscients que la proposition que nous réitérons
ici n’est pas neutre budgétairement. Cependant, elle répond à des
besoins avérés de la population, elle ne porte pas préjudice à
l’autonomie des entités fédérées dans l’organisation des services;
et finalement, elle est la garantie d’une réelle solidarité car sans
une intervention solidaire comment ces besoins seront-ils rencontrés
demain?
Alda Greoli
Secrétaire nationale |
(1) Voir En Marche Editorial du 21 février 2008 “Aider ceux
qui aident”.
http://www.enmarche.be/Actualite/Editos/Editos_2008/Aider_ceux_qui_aident.htm
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