Éditorial
(17 janvier 2008)
Est-il
normal
qu’une mutualité
fasse de
la publicité ?
Au
moment du lancement de notre campagne sur l’Hospi Solidaire, cette question
peut paraître étonnante. Et pourtant, la réponse nécessite quelques
réflexions.
Quel est le rôle
d’un organisme mutualiste?
Bien sûr et en premier
lieu, le rôle d’un organisme mutualiste est de rembourser aux affiliés leurs
dépenses de soins de santé prises en charge par la solidarité au travers de
l’assurance obligatoire. Cette obligation, toutes les mutualités la
remplissent avec la même efficacité.
Mais le rôle des
mutuelles ne s’arrête pas à cela. Nous avons à représenter nos membres dans
la défense de leurs intérêts, dans la consolidation d’un système qui leur
assure la meilleure couverture. Nous avons surtout à garantir l’accès aux
soins de santé à tous quelque soit l’état de santé, de richesse économique
ou de position sociale. Et là, quelques différences d’approches se font
jour.
Le gouvernement
intérimaire a considéré comme prioritaire le renforcement du pouvoir d’achat
des citoyens. De nombreux reportages récents, dans les permanences de CPAS
mais aussi auprès d’autres services sociaux, montrent que parmi les
difficultés sociales et économiques, l’accès aux soins de santé reste la
plus citée, et surtout vécue par une catégorie de plus en plus importante de
la population.
De nombreux mécanismes
existent cependant afin de permettre ou de faciliter l’accès aux soins.
Mais, trop souvent, la population n’en a malheureusement pas connaissance et
n’ose pas franchir certaines portes.
Notre rôle et notre
responsabilité sociale est donc également d’informer, de soutenir ou
d’accompagner les personnes en vue d’obtenir cet accès aux soins. Dans le
cadre de cette responsabilité collective, il est donc essentiel que les
mutualités communiquent et informent.
La mise en place
d’une assurance complémentaire
Les organismes
assureurs, gestionnaires de l’assurance obligatoire, ont également comme
obligation de mettre en place au moins un service couvert par une cotisation
complémentaire. Cette complémentaire a pour objectif de couvrir des frais de
santé ou des services non encore couverts par l’assurance obligatoire.
Nous sommes de plus en plus souvent confrontés à la difficile
frontière entre les pratiques marchandes et la défense
de l’intérêt
général. |
Nous avons l’obligation
de les organiser dans le cadre d’une réelle solidarité, c’est-à-dire sans
aucune discrimination basée sur l’état de santé ou de pouvoir économique.
L’organisation de ces
services est également l’occasion de mettre en évidence les différences de
philosophie et d’approche que nous avons entre organismes assureurs. La
campagne qui débute sur l’assurance Hospi Solidaire en est une réelle
illustration.
A l’intérieur de ce
journal, vous aurez pu lire sur quelle philosophie cette
couverture est organisée: solidarité, accès pour tous, attention
particulière aux enfants, sans examen médical… Dans le même temps où nous
développons et consolidons cette couverture, nous luttons contre les
suppléments d’honoraires en chambre commune ou à deux lits et nous avons
obtenu une meilleure intervention pour le remboursements des implants. Il
est donc essentiel que nos affiliés et la population dans son ensemble
soient informés du fait que toutes les mutualités ne s’appuient pas sur le
même projet de société.
La mise en évidence de
certains avantages est souvent l’occasion de l’illustrer.
La loi du marché ne peut assurer des soins accessibles à tous
Mais ne nous voilons pas
la face. Nous sommes de plus en plus souvent confrontés à la difficile
frontière entre les pratiques marchandes et la défense de l’intérêt général.
Il se développe aujourd’hui un quasi-marché des mutualités.
Mais cela ne se limite
pas aux mutualités. La santé semble un sujet particulièrement “vendable” et
rentable. La publicité nous vante désormais la nécessité d’acheter des tas
de produits censés améliorer notre santé. Le moindre yaourt ou jus de fruits
n’est plus promu en fonction de son goût mais au travers de sa “plus value”
santé, parce que la santé fait vendre… ou, plutôt, acheter!
Le comptoir des
pharmaciens, leurs vitrines nous “offrent” l’éventail complet, à grand
renfort publicitaire, du maintien en bonne santé par des compléments
alimentaires, des vitamines. Les assureurs privés et commerciaux qui
cherchent à optimaliser leurs profits se servent également des assurances
santé, et en particulier l’hospitalisation, pour attirer une clientèle
nouvelle d’entreprises ou de particuliers. Pour ce faire, ils n’hésitent pas
à se servir d’arguments laissant croire que les personnes sont mal couvertes
par l’assurance obligatoire, qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait, et
qu’il vaut mieux y penser aujourd’hui pour ne pas avoir à y penser demain!
Face à cette
“concurrence” qui conduit à organiser un marché de la santé, il est
essentiel que les mutualités restent visibles, puissent affirmer haut et
fort que la santé, l’accès à des soins de qualité nécessitent de suivre des
règles de déontologie et des principes de solidarité. Et cela ne pourra pas
être régulé par la main invisible du marché: la loi de l’offre et de la
demande ne suffit pas à garantir un service de qualité, un service
accessible à tous.
Il est essentiel
que notre communication porte en étendard la défense de nos membres
et du projet que nous développons. Communiquer et informer, nous
disons OUI!
Mais entrer dans
le jeu du commerce non équitable (de la santé): ce sera NON!
Nous espérons
que l’ensemble des mutualités resteront du même côté de la frontière
solidaire, dans l’intérêt de toute la population belge!
Alda Greoli
Secrétaire nationale |
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