Éditorial
(21 février 2008))
Aider
“ceux qui aident”
Parmi
les nombreux dossiers que devront aborder, dans les prochains mois, les
gouvernements et en particulier les ministres des Affaires sociales tant au
niveau fédéral que des régions, il y aura celui de la problématique des
“Aidants proches” ou des “Aidants naturels”.
Cette
question ne fera peut-être pas “la Une” des journaux et pourtant, elle
interroge de façon essentielle notre société.
La
population vieillit. De plus en plus d’aînés atteignent des âges vénérables.
Si cela est une bonne nouvelle, d’autant qu’elle s’accompagne d’une
amélioration de l’état de santé pendant la durée de la vie, et si nous nous
devons d’être particulièrement attentifs aux besoins de ces personnes, nous
nous devons dans le même temps d’être à l’écoute de ceux et de celles qui
leur consacrent du temps. Il ne suffit pas de dire “il est normal que les
proches aident et soient disponibles”.
La problématique des
“aidants naturels” concerne donc celles et ceux qui apportent leur aide au
moins une fois par semaine, en dehors de leur profession, à une ou à des
personne(s) à l’autonomie limitée, de leur famille ou de leur entourage, à
domicile ou en maison de repos. Elle rencontre donc également la
problématique de ceux et celles qui s’occupent d’enfants ou d’adultes en
perte d’autonomie importante.
Généralement, on ne
devient pas “aidant proche” du jour au lendemain. Il s’agit d’un long
chemin, celui de l’aggravation lente de la perte d’autonomie de la personne
aidée. De l’aide occasionnelle pour faire les courses, un peu de rangement,
apporter un soutien moral léger… on passe à une aide et une présence qui
peuvent devenir quotidiennes pour les repas, la toilette, les déplacements,
souvent couplés à un soutien moral de plus en plus important et imposant.
Entre don, devoir et anxiété
Une enquête menée par la
Plate forme “Aidants proches”, qui regroupe actuellement l’UCP, Mouvement
social des Aînés, la CSC-PPCA (les pensionnés prépensionnés et chômeurs âgés
de la CSC), la FASD (la fédération des aides et soins à domicile), PSD (Permanance
soins à domicile), la Croix Rouge et la Mutualité chrétienne au travers de
nos services sociaux, illustre les spécificités des besoins liés à cette
réalité, mais également les ressentis (1).
Les aidants peuvent se sentir piégés, en devenant notamment le seul
et unique repère de la personne aidée. |
On peut en dégager
quelques grandes tendances qui éclairent les interpellations portées dans ce
débat de société.
L’aide comme acte
d’amour, comme source d’anxiété et comme obligation morale, ce sont autant
de représentations qui reflètent la réalité complexe vécue par les aidants.
Si l’analyse statistique a notamment permis d’établir objectivement le
profil général des aidants, les entretiens collectifs ont permis d’approcher
cette réalité tantôt crue, tantôt empreinte de tendresse.
Les aidants n’ont pas
toujours su “prendre la mesure” de ce qui les attendait. Ils peuvent se
sentir piégés, en devenant notamment le seul et unique repère de la personne
aidée. Au fil du temps, les aidants rencontrent diverses difficultés à
apporter cette aide. Outre la difficulté physique, la plupart des aidants
négligent leur vie sociale, culturelle et familiale. Ainsi, ne pas s’oublier
peut relever du défi pour l’aidant !
Si l’aide peut avoir des
répercussions importantes sur le travail, et donc sur les revenus de la
personne aidante, le besoin principal qui ressort de l’enquête est celui de
trouver un soutien réel, une écoute, un lieu et des temps de répit.
L’isolement auquel sont très souvent confrontées ces personnes les enferme
dans une dépendance réciproque qui, il faut oser l’affirmer, peut parfois
devenir malsaine et psychologiquement très difficile à vivre.
Pour une juste reconnaissance
du rôle des aidants proches
Parmi les pistes
avancées pour une juste reconnaissance du rôle essentiel que remplissent ces
personnes dans notre société, existe celle du statut d’aidant proche. Une
forme de statut social qui va jusqu’à imaginer des formes de rémunérations
possibles, de contrat, … Cette piste est elle-même fondée sur le fait que la
contractualisation de l’aide faciliterait la prise de distance psychologique
de l’intervenant et de l’aidé, clarifiant le rapport entre les personnes
concernées.
Et c’est là que
l’interpellation de notre représentation de la société est interrogée, voire
bousculée.
Il est évident que pour
permettre des temps de répit, il faut des lieux d’accueil de journée ou de
courts séjours, dans des conditions optimales à la maison, en maison de
repos ou de convalescence, afin qu’aidés comme aidants puissent trouver les
garanties de confiance qui apaisent et permettent un réel répit.
Il est nécessaire
également de renforcer l’offre et l’accès aux soins à domicile afin que les
personnes âgées ou celles en perte d’autonomie importante puissent rester
chez elles dans les meilleures conditions possibles.
Il est aussi utile de
réfléchir à des possibilités de congés, à de courtes périodes d’arrêt de
travail pour permettre à cet accompagnement de se réaliser dans le respect
de chacun.
Mais nous devons être
particulièrement attentifs à ne pas permettre une dérive des relations
humaines qui mènerait, par la marchandisation, par la contre partie d’une
rémunération, à un appauvrissement réel des relations humaines entre
proches.
Cela peut paraître une
question théorique. Et pourtant, elle ne l’est pas.
La question de la
marchandisation des relations entre proches est également posée par le BAP
(budget d’aide personnalisée) destiné aux personnes handicapées. Celui-ci,
en vigueur en Flandre et à l’étude en Wallonie, permet par l’octroi d’une
allocation d’indemniser - y compris des proches - pour des services donnés à
la personne aidée.
Devons-nous mettre en place des mécanismes qui permettent cette monétisation
des relations humaines ou devons-nous plutôt organiser les lieux d’écoute ou
de répit, aménager les temps d’arrêt de travail, apporter un réel soutien
par l’organisation de l’offre de services, collective et individuelle, afin
que ces relations entre proches soient plus riches encore des valeurs
humaines qu’elles portent?
En fin
de compte que souhaitons-nous tisser comme société au fil de l’aide?
Alda
Gréoli
Secrétaire nationale
(1) L'UCP a
publié dans son magazine "Balises" (2007-N°22) un large compte-rendu de
cette enquête : "Spécial Aidants proches". Pour obtenir un exemplaire
tél au 02/246.46.76 (Elisabeth Hubert) ou par courrier à UCP, 579, chaussée
de Haecht BP 40 - 1031 Bruxelles. Sur le site Internet de l'UCP :
www.ucp.mc.be (Rubrique publications).
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