Éditorial
(20 septembre 2007)
Il y a
urgence,
les vrais enjeux attendent!
Voici plus de
100 jours que le débat communautaire mobilise l’attention et les esprits
d’une grande partie des média et de la classe politique! Le débat offre
cependant peu ou pas de perspectives face aux défis de société de plus en
plus pressants: les coûts du vieillissement, les inégalités croissantes,
l’emploi, la mobilité, le logement, le développement durable. L’agenda
politique devrait plutôt mettre ces enjeux au centre des débats. C’est
urgent et vital!
En regard des centaines de lignes,
d’idées et de points de vue émis autour des questions communautaires, ceux
exprimés autour des défis et des choix de sociétés paraissent bien
dérisoires. A peine quelques lignes sur le déficit budgétaire, sur le coût
du vieillissement, le coût salarial, le défi énergétique.
Pourtant le vieillissement de
notre population va s’accélérer de manière significative à partir de 2010.
Si nous ne prévoyons pas aujourd’hui les politiques et les moyens pour
rassurer tout le monde, la loi de la débrouille et du chacun pour soi
primera.
Les défis de société
prioritaires ne sont pas communautaires
Alors que la proportion des
plus de 65 ans est plus au moins stable jusqu’en 2010 (17% e la population),
leur nombre va augmenter rapidement les années suivantes pour atteindre
24,3% en 2030, soit 2,6 millions de personnes. Cette croissance va
nécessairement entraîner plus de dépenses en pensions et en soins de santé.
En soi, ce n’est pas inquiétant. Dans le passé, ces dépenses ont cru aussi
de manière importante chez nous et dans tous les pays voisins. Ainsi en
1970, les dépenses de santé des pays occidentaux (OCDE) s’élevaient à
seulement 5% du PNB, en 1990 à 7% et elles représentent 9% aujourd’hui. La
vraie question est le financement de ces dépenses : seront-elles financées
par la solidarité ou directement par les patients?
Pour garder les forces vives en Belgique, rester
attractifs
pour les investisseurs étrangers, nous avons
besoin de stabilité politique et de perspectives à moyen et long
terme. |
Des moyens collectifs
supplémentaires seront en effet nécessaires pour améliorer le pouvoir
d’achat des pensionnés (les pensions en Belgique sont parmi les plus basses
d’Europe), pour réduire les coûts de la santé et de la dépendance à charge
des patients (parmi les plus élevés d’Europe), pour créer une offre
suffisante de soins résidentiels pour des personnes âgées, pour investir
dans un programme de mobilité, de développement durable, de logements
accessibles… Mais où trouver ces moyens?
Les moyens existent. Ils sont
malheureusement encore trop mobilisés par le financement des intérêts de la
dette publique, plus de 12 milliards d’euros en 2006! En réduisant la dette,
on payera moins d’intérêts et on pourra ainsi libérer les marges nécessaires
pour, entre autres, faire face aux défis du vieillissement. Pour cela, il
faut que le budget de l’Etat soit en équilibre, voire dégage même un
surplus.
Les réponses politiques
ne sont pas neutres
Compte tenu des prévisions
économiques et sans nouvelle mesure, le budget de l’Etat serait en déficit
en 2008. Atteindre l’équilibre budgétaire sera donc déjà une prouesse. Mais
si en plus le prochain gouvernement veut aussi réduire les impôts ou
certaines cotisations sociales sans prévoir de nouvelles recettes sur les
revenus mobiliers et immobiliers, il n’y aura plus de marge pour répondre
valablement aux défis du vieillissement. Au contraire, il faudra économiser
dans les dépenses de sécurité sociale, les pensions, les soins de santé. Ce
serait un comble, la sécurité sociale, essentielle pour relever les défis du
vieillissement, financerait la réforme fiscale!
Il nous reste peu de temps pour
dégager les marges nécessaires en vue d’une réponse collective et rassurante
aux défis posés par le vieillissement. Quelle sera la priorité
socio-économique du futur gouvernement? Il faudra choisir; une nouvelle
réforme fiscale privilégiant le court terme ou une politique budgétaire
prudente offrant une perspective rassurante à long terme pour tous.
La communautarisation n’est
pas une solution aux défis de société
Par rapport aux enjeux de
société tels que le vieillissement et le financement collectif, la
communautarisation offre-t-elle de nouvelles perspectives, plus de
croissance, plus d’emplois, une gestion plus efficace…? Dans de nombreux
domaines, communautariser est synonyme de complexité, de coûts
administratifs supplémentaires, est source d’instabilité permanente, conduit
à une perte d’échange d’expériences, réduit le champ des pratiques et limite
le marché potentiel.
Dans les soins de santé, étant
donné que les facteurs déterminants de la croissance des dépenses sont le
coût du personnel soignant et médical et le coût des innovations médicales,
la communautarisation ne permettra pas une meilleure maîtrise des dépenses
mais risque de conduire à des problèmes d’accès aux soins, à un système
kafkaïen pour les médecins et les patients et à une réduction de la qualité.
Pour garder les forces vives en
Belgique, rester attractifs pour les investisseurs étrangers, nous avons
besoin de stabilité politique et de perspectives à moyen et long terme.
L’attrait d’un pays ne se réduit pas uniquement à la pression fiscale. C’est
la qualité de vie formée par l’enseignement, la santé, la culture, le
pouvoir d’achat, la sécurité qui rend un pays plus attractif. Et sur cet
indicateur de qualité de vie, la Belgique se défend bien: elle occupe la 12ème
place au niveau mondial! (1)
Le débat communautaire
mobilise trop de temps et d’énergie. Face aux défis posés par le
vieillissement rapide de la population, nous avons d’abord besoin d’une
politique sociale audacieuse! Des moyens collectifs supplémentaires seront
nécessaires. Toute nouvelle réforme fiscale se ferait sur le dos des
patients et des pensionnés.
Jean
Hermesse
Secrétaire
Général
(1) in
"Pocket Word in Figures", 2007 - Ed. The Economist.
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