Éditorial
(19 avril 2007)
Le projet associatif
ici et là-bas:
un atout pour la solidarité
et le développement
La période
des vacances de Pâques est traditionnellement le moment où les militants et
les permanents du MOC (le Mouvement Ouvrier Chrétien) se retrouvent pour la
Semaine Sociale Wallonie-Bruxelles.
Quelques
jours de réflexions, de témoignages, de rencontres sont l’occasion de
prendre du recul, de réfléchir et d’analyser notre action et notre
engagement dans la vie sociale au travers de thèmes sociaux, économiques et
politiques. Cette année, la Semaine Sociale était consacrée à la
mondialisation et à son cortège de conséquences, bonnes et moins bonnes,
voire franchement mauvaises pour les populations et les gens d’ici et de
là-bas.
Le sujet pourrait paraître connu.
Viennent directement à la bouche les maux et les mots “délocalisation“, les
malheurs et les difficultés de l’immigration économique, les défis des pays
en voie de développement, les questions sur nos comportements de
consommateurs, les questions fondamentales aussi sur les raisons d’un
système économique et sur ses logiques internes … Et pourtant, ces deux
jours nous ont démontré à quel point rien n’est “fatalité”, à quel point
notre action et nos choix ici peuvent participer à de réels changements pour
un mieux être ici et là-bas et vice versa.
Je souhaiterais m’arrêter sur
deux moments: un extrait du discours final du président du MOC, Thierry
Jacques et la présentation par l’ONG Solidarité Mondiale d’une vidéo témoin
de leurs actions pour un meilleur accès aux soins de santé et aux
médicaments. Ces deux temps sont particulièrement illustratifs.
“Chicken connection”
Dans son discours final, Thierry
Jacques nous disait: “Sous le nom révélateur de “Chicken connection”, Denis
Horman expliquait dans La Libre Belgique comment l'Europe et l'OMC
participaient à la destruction de toute une économie agricole, en République
Démocratique du Congo: en quelques dix années, la RDC a vu sa dépendance
alimentaire croître dans des proportions alarmantes, à tel point que ce
pays, qui jouissait, avant 1990, d'une relative autosuffisance alimentaire,
avec des dizaines de milliers d'hectares de production vivrière, s'est
trouvé en 2003 dans une situation telle qu'il a importé plus de 90% de sa
consommation de poulets et de blé. Cela en raison d'une concurrence
défavorable à la production locale, due aux subventions publiques offertes
notamment par l'Europe (qui peut par exemple exporter à bas prix des
découpes de poulets congelés, et surtout des bas morceaux qui n'ont plus de
valeur marchande dans nos pays, et qui sont vendus à très bas prix sur le
marché de Kinshasa), et à la suppression des tarifs douaniers suite à
l'adhésion de la RDC à l'OMC. Le résultat en est la disparition de fermes à
Kinshasa et dans le Bas Congo, et la perte de nombreux emplois directs et
indirects. Cette disparition de pans entiers de l'économie locale accroît la
pauvreté et la précarité, et s'accompagne d'une foule de risques graves pour
la santé des populations, en raison de l'état douteux voire carrément avarié
de nombreux produits importés. Et on voit bien ici que cela n'est pas la
conséquence d'une malgouvernance interne au Congo mais bien de l'effet de
réglementations et de pratiques dont nous sommes responsables en tant qu'
Européens, et auxquelles le Gouvernement belge est associé au nom de la
libéralisation des échanges commerciaux.”
Le modèle associatif et
participatif
A l’opposé, l’ONG Solidarité
Mondiale lutte depuis plusieurs années pour un meilleur accès aux soins de
santé et en particulier aux médicaments. Ici, elle mène une action de
sensibilisation et de lobbying politique, publique. La Mutualité chrétienne
et d’autres partenaires la soutiennent dans ces actions. Là-bas, elle se
retrouve comme partenaire d’actions associatives locales et la mutualité
chrétienne agit également à ses côtés.
Des reportages ont montré que,
si toutes les expériences ne peuvent se transposer d’un pays à l’autre, si
tous les modèles ne sont pas valables partout, il existe par contre un type
d’actions qui est une vraie réussite là-bas comme ici: l’action collective
et citoyenne au travers du modèle associatif et participatif.
Nous avons pu voir comment au
Bangladesh comme en Afrique, l’organisation au travers d’associations de
citoyens permet une réponse concrète et durable aux besoins des populations
locales. C’est au travers de micro mutualités que des citoyens s’organisent
pour que chacun, dans quelques villages ou régions, puisse avoir un accès
réel aux soins de santé de qualité.
On constate, très souvent, que
la sortie de la pauvreté et le développement économique de certaines régions
du globe n’empêchent pas une dualisation plus grande de la société. Des
produits nationaux et des taux de croissance exceptionnels ne signifient pas
automatiquement un mieux-être des populations. C’est en Chine que le nombre
de milliardaires a le plus augmenté en 2006. Les taux de croissance y sont
vertigineux… mais les populations continuent à y survivre avec des salaires
de misère et dans des conditions de travail inacceptables. L’accès à
l’enseignement et à la santé est pratiquement inexistant.
Les projets présentés par
Solidarité Mondiale démontrent la possibilité d’un autre développement, plus
lent sans doute, mais plus durable. Celui du développement par la création
de solidarités proches s’appuyant sur les associations et les populations
locales.
Pendant que nous devons, dans
notre pays, en Europe et dans le monde, constater l’avancement “du marché”
dans la rencontre des besoins essentiels: enseignement, santé, …ces
réussites solidaires et associatives réaffirment depuis là-bas que nous ne
nous trompons pas quand nous nous défendons un modèle social de solidarité
et d’équité ici et là-bas.
Merci à Solidarité Mondiale et
au MOC de nous avoir rappelé l’importance des solidarités proches, et de
notre engagement dans les actions des associations de citoyens.
C’était une belle semaine
sociale!
Alda Greoli
Secrétaire
nationale
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