Éditorial
(15 mars 2007)
La
concertation sociale:
un modèle à renforcer et à consolider
La course à la Présidence est animée en France. L’analyse du contenu des
débats est souvent éclairante et nous instruit sur nos propres réalités
belges.
A ce propos, il est apparu, dernièrement, parmi les propositions de certains
candidats, le souhait de voir s’instaurer, en France, un modèle de
concertation sociale entre les syndicats et les employeurs. Cette innovation
demande le renforcement de l’affiliation syndicale et de la représentativité
des acteurs, c'est-à-dire tant des employeurs que des syndicats.
Vue de Belgique, cette proposition peut paraître étonnante.
Et pourtant, même si la concertation nous semble naturelle, presque
génétiquement attachée à notre pays, à y regarder de plus près, le débat
garde chez nous, aussi, toute sa pertinence.
Une belle maturité
de la concertation paritaire…
La Mutualité chrétienne vient de fêter son centième anniversaire. A cette
occasion, elle a réaffirmé au travers d’une Charte les valeurs et principes
qui fondent son action. Le cinquième des douze principes affirmés dans cette
Charte (1) conforte et confirme notre attachement à la concertation
paritaire entre les mutualités et les prestataires de soins. Cette
affirmation est loin d’être sans importance.
Il s’agit, en effet, d’établir des accords, entre partenaires responsables,
dans le respect des intérêts mutuels, à savoir la qualité des soins, la
sécurité tarifaire pour le patient, et des honoraires corrects pour les
prestataires. C’est de cette manière, entre autres, que nous entendons
défendre les intérêts des nos membres. Cette négociation s’effectue, si
possible, dans un cadre budgétaire défini par le gouvernement.
Ignorer
un partenaire indispensable
à une table
de négociation,
c’est aller à l’encontre des règles naturelles
de la concertation sociale.
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Parallèlement, la concertation sociale «classique» n’est pas moins
importante à nos yeux car dans de nombreux domaines de la santé (hôpital,
soins à domicile, aides à la personne…), la mutualité est organisatrice de
services, et à ce titre à la fois représentante des usagers- patients de ces
services et employeurs.
La concertation sociale organisée entre les employeurs et les représentants
des travailleurs, nait quasiment en même temps que le pays «Belgique».
Cependant, elle mettra presque un siècle et demi avec des hauts et des bas,
pour arriver au modèle de concertation tel que nous le connaissons
aujourd’hui dans l’accord interprofessionnel (AIP).
Le dernier accord conclu il y a quelques semaines a montré que le processus
était arrivé à une belle maturité.
Partenaires sociaux et gouvernement fédéral se sont respectés dans le rôle
assigné à chacun : le gouvernement avait établi un cadre large, et puis il
est resté en retrait; les partenaires sociaux ont travaillé à donner un
contenu à ce cadre et ont trouvé un accord respectueux de chacun, tenant
compte des contraintes économiques du moment et des légitimes aspirations
des travailleurs; et puis, le gouvernement a avalisé cet accord en y mettant
le petit coup de pouce financier qui permettait de le finaliser.
Le processus et ses acteurs ont fait la preuve de leur maturité.
…avec des nuances
dans le non-marchand
En Communauté française et en Région wallonne, ou au niveau fédéral, dans
l’accord non marchand, nous ne pouvons pas faire le même constat ou, en tout
cas, faut-il le nuancer.
Pour les secteurs de la Communauté française, hormis le secteur de
l’enseignement, l’accord non-marchand s’est fait en respectant les mêmes
règles de la concertation.
En Région wallonne comme au niveau fédéral, les partenaires représentant des
employeurs ont été longtemps ignorés avant d’être invités à la table de
négociation. Dans les deux cas, le ou la ministre responsable des accords du
non marchand avait préalablement conclu un accord avec les seuls
représentants syndicaux.
Il est souvent avancé que les secteurs du non marchand sont des secteurs
subventionnés et qu’à ce titre, le ministre responsable est le payeur qui
doit donc organiser l’accord.
Il est indispensable de faire remarquer que certains budgets couvrant les
salaires des secteurs non marchands ne sont pas plus subventionnés que
certains secteurs marchands, que cette subvention n’atteint pas parfois 40%
de la masse salariale. Que les subsides sont loin de couvrir la totalité des
budgets de ces secteurs et que les concertations sociales ne recouvrent pas
simplement des niveaux de salaires, mais aussi des améliorations des
conditions de travail, des avancées en terme de qualité des services
offerts, des priorités intersectorielles et sectorielles définies entre
employeurs et travailleurs au bénéfice des usagers et des travailleurs.
Ignorer un des partenaires indispensables à la table, c’est faire fi de la
représentation des usagers que constituent, entre autres, les organisateurs
des services.
Nous tenons à réaffirmer en tant qu’organisateur de services et partenaire
responsable de la négociation, notre attachement à une concertation sociale
structurée suivant les principes remis en lumière par le dernier accord
inter-professionnel fédéral.
Le respect de ces règles est certainement un des garants indispensables à la
défense à court, moyen et long termes des travailleurs et des usagers de nos
secteurs.
Alda Gréoli
Secrétaire nationale
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(1) La concertation, c'est la garantie d'accords respectés
En tant que partenaire responsable, la Mutualité chrétienne tente – dans le
cadre du budget fixé par les pouvoirs publics – d’établir des accords dans
le respect des intérêts mutuels, à savoir la qualité des soins, la sécurité
tarifaire pour le patient et des honoraires corrects pour les prestataires.
C'est de cette manière qu'elle entend défendre les intérêts de ses membres.
Les pouvoirs publics doivent laisser fonctionner cette concertation
paritaire qui a fait ses preuves, et n’intervenir qu’en dernière instance,
après avoir vérifié que toutes les chances de réussite de la concertation
sont épuisées. (Extrait de la Charte de la Mutualité chrétienne )
Texte complet :
www.enmarche.be/Mutualité_chrétienne/charte_solidarite.pdf
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