Quel
avenir pour
les
personnes âgées?
La presse, la
publicité, les assurances pension, les groupes immobiliers, les actions
boursières l’attestent: le marché de la vieillesse est en plein boum. Il est
même très lucratif. En même temps le nombre de pauvres parmi les personnes
âgées est le plus élevé, plus de 22%!
Les
inégalités au grand âge vont donc en croissant. Pour assurer à chaque
personne âgée, malade ou en bonne santé, une retraite de qualité, il faut
une politique globale volontariste et cohérente.
Les
prévisions démographiques sont précises: la population belge vieillit, le
nombre de personnes âgées (plus de 65 ans) croît lentement mais sûrement:
1,8 millions en 2010, 2,6 millions en 2030. Les besoins en soins chroniques,
soins à domicile, en maison de repos, en gériatrie, en revalidation, en
soins palliatifs vont croître parallèlement. L’augmentation de ces besoins
en soins professionnels sera encore multipliée si la disponibilité des
réseaux de soins informels, parents, amis, voisins, … venait à diminuer.
Répondre adéquatement à cette lente mais certaine évolution démographique et
aux besoins en soins chroniques nécessite une politique de santé globale et
cohérente. C’est maintenant que l’avenir se prépare.
Privatiser ou
socialiser
les soins aux
personnes âgées?
La demande de
soins pour personnes âgées va certainement augmenter. Rien que dans le
secteur des maisons de repos, on estime qu’il faudra 195.000 places d’ici
2030 (soit 70.000 de plus qu’aujourd’hui), sans compter les soins à
domicile.
Cette
nouvelle demande peut être considérée, selon le point de vue, comme un
nouveau marché à investir, offrant des perspectives intéressantes de profit,
ou comme un enjeu de santé publique, exigeant de réussir à adapter notre
système de soins et notre société à l’émergence de ces nouveaux besoins.
Sans
revalorisation des pensions légales et sans assurance dépendance,
les
inégalités
vont encore
s’accroître.
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Les moyens
financiers nécessaires pour rénover, agrandir et construire des maisons de
repos ou des résidences service sont énormes et de grands groupes financiers
investissent le secteur. Des institutions sans but lucratif sont rachetées
et transformées en “affaire” rentable. Des chaînes de résidence service sont
créées. Mais à qui s’adresse l’initiative privée commerciale? Qui peut
accéder à ces résidences “full service”? Faut-il laisser le secteur des
maisons de repos au secteur privé à but lucratif avec, comme résultat, des
inégalités encore plus aigues en termes de qualité de vie?
Les pouvoirs
publics, fédéral et régionaux, pourraient aussi prendre l’initiative de
créer un grand fonds d’investissement social réservé aux institutions sans
but lucratif, transparentes dans leur facturation et accessibles aux
personnes âgées n’ayant qu’une pension modeste. Pourquoi ne pas réserver une
partie du fonds de réserve de vieillissement constitué au sein de
l’assurance maladie pour alimenter ce fonds d’investissement social?
Sans
initiative publique d’envergure, la marchandisation envahira le secteur des
soins aux personnes âgées. Les services et les soins seront encore plus
discriminatoires selon les classes sociales. Garantir une offre suffisante
en soins résidentiels de qualité à des prix transparents et accessibles est
un choix politique essentiel.
Un revenu
décent pour
les personnes
âgées dépendantes
La Mutualité
chrétienne a montré que les coûts des soins et services à charge des malades
chroniques, des personnes âgées dépendantes soignées à domicile seront très
élevés: médicaments non remboursés, matériel d’incontinence, garde-malade,
transports,… jusqu’à 3.000 euros par mois ! Le coût des maisons de repos
augmente aussi plus rapidement que la pension moyenne.
Une pension
légale décente liée automatiquement à l’indice du bien-être (liaison à
l’évolution des salaires), une indemnité forfaitaire modulée selon le niveau
de dépendance donneront à chacun de nous la perspective de pouvoir vivre une
vie de qualité à chaque âge.
Sans
revalorisation des pensions légales et sans assurance dépendance, les
inégalités vont encore s’accroître. Les pensionnés (minoritaires)
bénéficiant d’une assurance groupe et/ou d’une importante épargne privée
(encouragée fiscalement) pourront se payer les services et soins
nécessaires. Pour les autres, ce sera la règle de la débrouillardise.
Soutenir les
réseaux
de proximité,
les soins informels
La majorité
des personnes âgées souhaite vivre le plus longtemps possible à domicile. En
cas de maladie ou de handicap, les soins et services informels prestés par
les aidants naturels (parents, amis, voisins, …) sont essentiels pour le
maintien à domicile. Sans eux, leur présence et leur aide, le maintien à
domicile est tout simplement impossible.
Le soutien de
ces réseaux essentiels est donc un enjeu fondamental. Il faut les
reconnaître et les soutenir à la fois sur le plan financier, organisationnel
et psychologique. L’offre des interventions et des aides doit être variée
car chaque cas est différent et les circonstances évoluent. Citons parmi les
services: la télévigilance, les services de court séjour, les centres de
jour, l’adaptation du domicile, les transports, … Il faudra aussi travailler
sur l’urbanisme et les logements afin de permettre une plus grande
convivialité et favoriser la diversité intergénérationnelle.
Le
vieillissement de la population est une réalité de notre civilisation. Elle
modifie de manière fondamentale les besoins en soins. Développer une offre
sociale de soins chroniques accessible à tous, assurer aux personnes âgées
en bonne santé et malades un revenu décent, soutenir les réseaux de soins
informels sont autant de mesures prioritaires qui nécessitent l’adoption
d’une politique globale cohérente et d’envergure impliquant des choix de
société et une concertation étroite entre le fédéral et les régions. Une
priorité pour le prochain gouvernement!
Jean Hermesse
Secrétaire
Général
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