Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial

 

Des économies qui ne coûtent rien aux malades ( 2 décembre 2004)

 

Depuis quelques jours, tous les regards se tournent vers le prix des médicaments. Il est vrai que dans le dérapage budgétaire, les médicaments représentent la plus grosse partie. Si nous pouvons faire baisser leur prix, il sera possible de faire des économies sans pénaliser les malades.

 

Tout le monde parle aujourd’hui du modèle néo-zélandais. Dans ce pays aux antipodes du nôtre, les pouvoirs publics organisent pour chaque classe de produits pharmaceutiques un système d’adjudications publiques. La firme qui, à qualité égale, offre le prix le plus bas emporte le marché pour 3 ans. Cela veut dire que seul ce produit-là sera remboursé. Les concurrents évincés pourront être vendus mais sans remboursement. Résultat: des prix incroyablement plus bas et ses économies conséquentes pour l’assurance maladie locale. Par ailleurs, les firmes n’ont plus besoin de financer de lourdes campagnes de publicité, les pharmaciens ont moins de stock à gérer, etc.

Ce système dont s’est fait récemment le défenseur le Président du SP-A (socialistes flamands) Steve Stevaert est-il transposable chez nous ?

Cela mérite en tout cas d’être sérieusement examiné car les comparaisons sont éloquentes : l’antiulcéreux Zantac vendu chez nous à 22,80 euros tombe à 1,56 euro en Nouvelle Zélande, l’antidépresseur Prozac vendu 30 euros ici tombe à 2,20 euros, l’analgésique Dafalgan de 4,30 euros tombe à 0,15 euro.

 

La première conclusion à tirer de ces exemples est le prix trop élevé des médicaments et la trop grande importance des marges bénéficiaires. Ce n’est pas pour rien que depuis 10 ans les firmes pharmaceutiques occupent aux États-Unis le 1er rang au classement des entreprises faisant le plus de profits.

 

La seconde réflexion concerne les mécanismes de la concurrence et les législations européennes. Il est clair que si ce système était introduit en Belgique, une plainte serait rapidement introduite devant les juridictions européennes contre la Belgique pour “entorse aux règles de la concurrence”. Un beau paradoxe! Les firmes pharmaceutiques accuseraient la Belgique de fausser la concurrence alors que précisément le système néo-zélandais la fait jouer à fond. Il est vrai que le marché des médicaments est très spécifique. En effet ceux qui achètent (les patients) et ceux qui paient (l’assurance maladie et les patients) ne sont pas ceux qui décident (les médecins prescripteurs). Jusqu’il y a peu le médecin ne s’est guère préoccupé du prix comparé des produits de la même classe. Qu’il le veuille ou non, il subit l’influence du marketing des firmes qui dépensent deux à trois fois plus pour la promotion que pour la recherche.

 

Troisième observation: En réalité, le système d’achat groupé existe déjà à moindre échelle dans notre pays. En effet, tout hôpital d’une certaine taille et bien organisé procède déjà à des systèmes d’appel d’offres auprès des firmes pharmaceutiques pour les grandes classes de produits utilisés. Cela amène des ristournes considérables et constitue une recette pour l’hôpital, autorisé à facturer au prix officiel. Il faut bien entendu que les médecins de l’hôpital s’entendent entre eux pour fixer leur choix dans les classes de produits.

 

Quatrième observation: Dans un récent débat télévisé, un téléspectateur se demandait comment l’on pouvait être soigné valablement par des médicaments vieux de plus de 20 ans (entendons médicament dont le brevet est expiré)? Cette conviction totalement erronée est hélas très répandue. Un médicament ancien et bon marché n’est pas nécessairement moins bon qu’un médicament nouveau et cher. L’exemple de l’aspirine est bien là pour nous le rappeler. En réalité, les vrais nouveaux médicaments sont rares. Nous sommes encombrés de faux nouveaux produits qui ne sont que des copies réaménagées d’anciens. Les firmes tirent prétexte de ce réaménagement pour augmenter leur prix. La population n’a pas besoin de ces fausses nouveautés et les frais de recherche dépensés pour les mettre au point sont totalement dénués d’intérêt.

Les médicaments dont nous avons vraiment besoin sont pour trois quart au moins des médicaments dont le brevet est expiré. Ils ont donc plus de 20 ans et sont en général moins chers.

 

Cinquième observation: La recherche est indispensable à la découverte de vrais nouveaux produits. Le brevet de 20 ans appliqué à un nouveau médicament permet d’amortir les frais de cette recherche. L’industrie du médicament ne cesse de présenter les prix élevés comme nécessaires au maintien de cette recherche et d’attaquer à ce titre les génériques comme tuant la recherche. Cette argumentation fallacieuse a hélas un réel effet sur le corps médical qui reste frileux par rapport aux médicaments génériques et moins coûteux. Il faut financer la vraie recherche et non le marketing, les profits excessifs et la recherche tournée vers les fausses nouveautés.

 

Le Ministre fédéral des Affaires sociales, Rudy Demotte, étudie le système inspiré de la Nouvelle-Zélande. Dans les mesures prises pour rétablir l’équilibre 2005 de l’assurance maladie, le chapitre médicament est particulièrement important: 13 mesures y sont proposées (voir p 8). La mise au point technique doit encore être réalisée mais elle va dans la bonne direction. L’objectif est d’orienter la prescription des médecins vers les médicaments les moins chers, à qualité et utilité égales. Le même raisonnement vaut aussi pour les prescriptions d’examens techniques.

 

Notre système de santé est bon et efficace. Les mesures proposées visent à augmenter son efficience et assurer sa pérennité sans que les patients ne doivent en payer la facture. L’important sera aussi de veiller à maintenir la concertation avec les acteurs concernés.

Edouard Descampe,

Secrétaire général

 

 

Retour à l'index Éditoriaux 2004