Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (2 septembre 2004)

 

Déficit de la Sécu: poser un diagnostic correct

 

Les prévisions budgétaires de la sécurité sociale ne sont pas optimistes : un milliard d’euros de déficit en 2005. Dépenses non maîtrisées ou recettes insuffisantes? Poser le bon diagnostic est déterminant pour un traitement adéquat.

 

Tout le monde le sait, la confection du budget 2005 ne sera pas facile : la croissance tarde, le chômage reste élevé et nous n’aurons plus de rentrée exceptionnelle telle que le fond de pension de Belgacom ou les recettes (encore hypothétiques) de la DLU (Déclaration Libératoire Universelle). Les premières estimations indiquent un déficit de plus de 1 milliard d’euros en sécurité sociale.

La presse a relayé cette information en pointant du doigt la croissance non maîtrisée des dépenses de sécurité sociale, dont celle du secteur des soins de santé. Un tel diagnostic appellerait un traitement de choc, des mesures d’économie seraient indispensables. Certains ont même avancé qu’une réforme fondamentale de notre système social s’impose car il serait trop généreux.

Ce diagnostic n’est pas honnête! Ce ne sont pas les dépenses qui dérapent, mais les recettes qui ne suivent pas.

 

Y’a-t-il dérapage des dépenses de la Sécu?

Selon les premières estimations, les dépenses en sécurité sociale augmenteront de 4,22 % en 2004 et de 4,06 % en 2005. Le secteur des soins de santé, le plus important, augmente même de 6,17 % en 2005 (inflation comprise) suivant les prévisions et serait ainsi une des causes principales de cette forte croissance.

Pourtant ce n’est pas une surprise. Dans le passé on a constaté que, malgré toutes les mesures d’économie, les dépenses en soins de santé augmentaient en moyenne en termes réels de 4 % par an. Ce gouvernement a d’ailleurs inscrit une norme de croissance de 4,5 % par an. Le gouvernement a aussi pris, lors du conclave budgétaire d’Ostende (mai 2004), une série de mesures sociales dont le coût était prévisible. L’augmentation des dépenses de la sécu pour 2005 n’est donc que le reflet de décisions politiques voulues et nécessaires.

Malgré ce taux de croissance soi-disant “élevé”, le niveau de la dépense totale de santé en Belgique reste en deçà de celui de nos pays voisins. Une récente étude européenne a aussi montré que les allocations sociales ne sont pas si généreuses que cela en Belgique. On serait même plutôt en dessous de la moyenne européenne. On ne peut vraiment pas parler de dérapage des dépenses de la sécu.

 

Le problème se trouve du côté des recettes

Les cotisations sociales sont la principale source de financement de la sécurité sociale. Elles représentent 75% des recettes en 2004. Le rendement de ces cotisations dépend directement de la conjoncture économique : plus d’emplois, des salaires plus élevés et les recettes sont bonnes. Inversement, le chômage entraîne des coûts et moins de recettes. Ces dernières années, on a réduit les cotisations sociales et donc les charges des entreprises en vue d’encourager la création d’emplois. Malheureusement, les effets sur l’emploi se font toujours attendre. Par contre, l’effet des réductions de cotisations sociales sur les recettes de la sécu est, lui, bien réel.

L’État s’est engagé à compenser ces recettes perdues par un financement alternatif (versement d’une partie des recettes de la TVA). Mais lorsque le budget de l’État devient plus serré, parce que la réforme fiscale réduit les recettes fiscales, le financement complémentaire, qui devrait compenser les réductions des cotisations sociales et une moins bonne conjoncture, devient plus problématique. Or, il est impensable de faire fluctuer les allocations sociales ou les remboursements de soins en fonction de la conjoncture des recettes.

C’est pourquoi le financement de la sécurité sociale doit être assuré de manière structurelle, prévisionnelle et solidaire, d’autant plus que l’impact du vieillissement se fera de plus en plus sentir. Pour assurer la stabilité des recettes, il n’y a pas trente six solutions.

Soit on élargit l’assiette de perception des cotisations sociales en ajoutant aux revenus du travail les revenus mobiliers et immobiliers, les bénéfices de société. Cela s’appelle une contribution sociale généralisée. Ce financement est plus équitable et plus stable car la cotisation serait prélevée sur toutes les sources de richesse.

Soit on réduit plus rapidement la dette publique; réduisant d’autant les charges d’intérêt et libérant ainsi des moyens pour le financement de la sécurité sociale.

Si le financement structurel n’est pas assuré collectivement, ce sera la voie ouverte au développement anarchique et inégal du financement individuel par des assurances privées individuelles ou de groupe (2ème pilier) pour les pensions et les soins de santé. Est-ce cela la grande réforme de la sécurité sociale voulue par certains?!

 

L’assurance maladie exige une politique active

Si le budget des soins de santé augmente de manière suffisante, on évitera un report de coûts à charge des patients, mais on n’évitera pas une politique de santé active car les défis en soins de santé sont nombreux et permanents. Il faut :

créer une offre de soins adaptée aux besoins d’une population vieillissante ;

réduire la consommation et la part des médicaments dans le total du budget (aujourd’hui, 4ème plus gros consommateur d’Europe) ;

valoriser la médecine de première ligne ;

structurer et organiser les soins et la médecine d’urgence ;

analyser et réduire les grands écarts dans les pratiques ;

revoir les valeurs relatives des tarifs de la nomenclature ;

garantir une offre de personnel soignant et médical suffisant ;

trouver une solution au sous-financement des hôpitaux …

Si ces défis ne sont pas pris en main systématiquement, la norme de croissance de 4,5 % risque d’être intenable. La responsabilité du politique est importante pour faire face à ces défis.

 

Ce n’est pas la hausse des dépenses, soi-disant non maîtrisée, qui explique le déficit de la sécu, mais l’instabilité des recettes. Il ne faut donc pas couper dans les remboursements ou les allocations sociales, mais plutôt élargir les sources de financement de la sécurité sociale pour stabiliser ses recettes. C’est une “nuance” politique essentielle.

 

Jean Hermesse

Secrétaire national

 

Retour à l'index Éditoriaux 2004