Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Éditorial (7 octobre 2004)

 

La croissance, source de tous nos bonheurs?

 

Chaque jour, nous recevons des nouvelles du ‘front’ économique : taux de croissance du PIB (Produit Intérieur Brut), coût salarial compétitif, taux de confiance des consommateurs, emplois créés… Notre avenir, notre bien-être, notre bonheur seraient-ils liés à ces indicateurs économiques ?

 

La croissance de la richesse nationale est essentielle pour nos finances publiques. Créer des emplois réduira le poids du budget du chômage. Plus consommer soutiendra la demande, l’emploi, la croissance. Et tout le monde s’accorde pour dire que cette croissance est “bonne”. Deviendrait ainsi plus riche et donc… plus heureux?

 

Croissance économique et progrès social ne vont pas naturellement ensemble

 

L’extension des activités de DHL ou des transports routiers avec des super camions ne fait pas que des “heureux”. Ces activités économiques engendrent aussi des nuisances environnementales et des coûts sociaux. Et si la croissance ne profite qu’à quelques centaines d’actionnaires, on ne peut pas vraiment dire que tout le monde ressent de la même façon la croissance du “bonheur”.

Ainsi, intuitivement, on sent bien que performance économique ne rime pas nécessairement avec performance sociale. Pour l’objectiver, de nombreuses institutions nationales et internationales ont développé des indicateurs pour mesurer le développement durable, le développement humain, le bien-être. L’Institut pour un développement durable vient de publier une intéressante synthèse de ces études sous la forme de 16 indicateurs synthétiques évaluant la richesse sociale d’un pays.

 

De manière générale, les indicateurs montrent qu’il n’y a pas de relation évidente, “vertueuse” entre la richesse économique d’un pays (le PIB par habitant par exemple) et ses performances sociales. Il y a des pays riches bien classés en termes économiques, mais mal classés en termes de développement humain et inversement.

 

Et la Belgique, elle se situe où ? Sur base des indicateurs pour lesquels il existe des données belges, le résultat est plutôt mitigé. Même si elle est bien classée (6ème au niveau mondial) sur l’indice du développement humain calculé par les Nations Unies, on note une constante augmentation de l’indicateur d’insécurité sociale (chômage, endettement, inégalités de revenus, …), une dégradation constante des allocations sociales en termes de pouvoir d’achat, une 34ème place sur base d’un indice de bien-être global et même une 125ème place sur base d’un indice de soutenabilité environnementale !

 

Paradoxalement, alors que le revenu par habitant ne fait qu’augmenter en Belgique, l’indice de satisfaction par rapport à la vie, mesuré auprès de la population, baisse de manière significative.

 

La performance sociale, la santé ne suivent donc pas “naturellement” la performance économique. Pour que la croissance produise aussi du bien-être, elle doit être accompagnée d’une réflexion sur les effets environnementaux, le partage des fruits de la croissance ou l’investissement dans les fonctions collectives. C’est là que le politique prend tout son sens.

 

Plus de dépenses de soins ne signifient pas naturellement de meilleurs soins

 

De même que la croissance économique ne va pas nous conduire nécessairement à plus de bonheur, la croissance des dépenses en soins de santé ne va pas nécessairement produire plus de santé. Disposer d’un budget suffisant est une condition essentielle pour le maintien de soins accessibles et de qualité, mais elle n’est pas suffisante.

Il faut aussi poursuivre constamment la réflexion sur l’utilisation optimale de ces moyens. Des exemples récents nous rappellent cette exigence. Depuis 2001, l’assurance maladie obligatoire a remboursé un médicament, le Vioxx, présentant plus de risques que de bénéfices. Alors que ces risques étaient déjà documentés à l’époque, la décision sur le remboursement pour l’assurance maladie a été décidé hâtivement, dont coût 12 millions d’euros en 2003 pour l’assurance maladie ! Autre exemple, le sous-financement structurel des hôpitaux estimé à 360 millions d’euros a fait l’objet d’une nouvelle analyse par le Centre d’Expertise et la firme Ernst & Young. L’analyse conclut entre autres que le sous-financement pourrait être réduit de plus de 160 millions d’euros si les hôpitaux déficitaires étaient mieux gérés.

 

Enfin, que dire des prix astronomiques, sans mesure avec la réalité des coûts de fabrication de certains matériels médicaux. Nous savons aussi que notre niveau de consommation de médicaments est un des plus élevés d’Europe.

 

La croissance des dépenses des soins de santé est une réalité mais dépenser plus ne va pas “naturellement” entraîner de “meilleurs” soins. Pour que ce plus de moyens produise plus de santé il faut constamment évaluer l’utilité des “nouveautés”, inciter à une gestion efficace, analyser les différences de pratiques médicales. Sinon, on pourrait craindre que malgré la croissance des dépenses en soins de santé, le niveau de satisfaction des patients baisse.

 

Le bien-être n’augmente pas automatiquement avec la croissance économique. Les soins ne sont pas automatiquement meilleurs si on dépense plus. Pour que la croissance devienne développement humain et santé, un accompagnement politique est indispensable.

 

Jean Hermesse

Secrétaire National

 

 

Retour à l'index Éditoriaux 2004