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A suivre... (22 janvier 2015)

Trop de réactivité ?

© FIGARO BELGAIMAGE

L'actualité de ces derniers jours fait l'effet d'une violente secousse. Elle ébranle les rédactions, et bien au-delà. Et ses tremblements n'ont pas fini de nous bousculer, tant les questions qu'elle soulève touchent à l'essentiel : l'avenir ensemble sur cette terre.

Une fois n'est pas coutume, pour ce papier, nous partirons des coulisses d'En Marche, pour nous questionner. Alors que la précédente édition, celle du 8 janvier, s'apprêtait à tourner sur les rotatives, nous apprenions avec effroi les assassinats perpétrés à la rédaction de Charlie Hebdo. Ce mercredi-là, l'info tombe sur les flux web que les plus branchés suivent tout en travaillant. Les images ne tardent pas. Crues, elles passent ensuite en boucle, font contagion, alertant les moins connectés. Premiers commentaires abasourdis. Attente de confirmations… Les présomptions et les interprétations rapides circulent des uns aux autres. Vieux réflexe sans doute, on suit d'un œil la Toile, mais surtout on ne manquera pas le JT pour faire le point et espérer distinguer le supposé du vérifié.

Pur hasard, le numéro d’En Marche du 8 janvier, déjà parti chez notre imprimeur beaurinois, contient un article intitulé : Construire un islam européen ? Il est signé de Christian Van Rompaey, qui fut rédacteur en chef d’En Marche durant de longues années, et avait proposé ce sujet voici plusieurs mois déjà.

Ce 7 janvier, nous ne nous sommes pas précipités pour arrêter l'impression, et pour apposer une bannière ou joindre un mot explicatif à son article. Les lecteurs papiers d'En Marche allaient-ils vivre une forme d'anachronisme? Dans leurs boîtes aux lettres, le journal titre sur les nouveaux avantages MC, sur le gaspillage, sur l'islam européen… Dans leurs esprits – on le saura plus tard – ils auront les images de la zone industrielle de Dammartin-en-Goële, d'un magasin Porte de Vincennes, puis des rues de Paris ou de l'axe Nord- Midi à Bruxelles, foulés par des masses de "Je suis Charlie". S'il est une certitude pour la rédaction d'En Marche, c'est que le papier sur l'islam, parti à l'impression, participe des valeurs de tolérance, justice, solidarité… Des valeurs à porter haut et fort lorsque les amalgames guettent, lorsque les stigmatisations grondent.

Seule la version web, à la faveur de sa souplesse, de son ancrage dans un temps plus court que la version papier, se verra agrémentée d'un petit mot de remise en contexte. Nous y dirons aussi avec Serge Dehaes, notre illustrateur occasionnel, que "ceux qui nous tuent, nous rendent plus forts"…

On réagit, et puis…

Une chose interpelle vivement : la rapidité de réactions à l'œuvre, le flot – voire le trop – d'images ou d'avis formulés en raccourcis, le "fonctionnement précipité du débat public" comme l'écrit le journaliste Marc Molitor. De l'effroi à la consternation, en passant par la tristesse, la peur, la défiance, l'interrogation…, pas de place pour vivre ses états d'âme. Ou alors en version abrégée, style émotions débordantes et rapido-presto. À peine le temps de réaliser le drame, qu'il s'agit déjà de se positionner face aux points de vue variés sur l'affaire. Et "Je suis Charlie", "Je ne suis pas Charlie" disent tant de choses, que, devenus slogans, ils risquent de rien dire vraiment. Car le débat est complexe. Pas le temps d'arrêter les larmes sur ces personnes assassinées que le monde s'agite autour des causalités, des dispositifs d'urgence à déployer… Pas le temps de penser que les directs s'enchaînent, que les personnalités se bousculent à l'antenne, que les débats de sourds nous laissent cois.

Comment, dans ce contexte, mettre ces événements à leur juste place dans nos existences ? Ni trop loin, pour ne pas sombrer dans l'évitement, ni trop près, au risque de ne pouvoir poursuivre son chemin, comme on le conseille aux personnes endeuillées. Comment éviter de transformer la vitesse en bouclier, et ainsi ne pas prendre le temps du doute ? Car nos vies accélérées ne font pas bon ménage avec nos capacités à réfléchir. La vitesse "favorise la pensée pratique plutôt que la réflexion abstraite", pourtant indispensable pour penser notre propre chemin mais aussi imaginer nos choix collectifs, constatait le journaliste français Jean-Louis Servan-Schreiber, dans un essai sur le courttermisme, publié en 2010(1).

L'accélération n'augure rien de bon pour la démocratie, alors que celle-ci nécessite du temps pour la discussion collective, pour la négociation… Aujourd'hui, tout en étant sonnés par la violence de l'actualité, tout en souhaitant respecter les émotions qui nous traversent, ne serait-il pas précieux de laisser travailler nos esprits critiques, loin du tohu-bohu qui emmêle plus qu'il ne construit, qui raccourcit plus qu'il n'inspire ? Ne serait-il pas utile de donner à nos esprits critiques le temps de maturer, de confronter, de douter? Utile aussi, de les nourrir de silences et d'échanges ?

//CATHERINE DALOZE

(1) Jean-Louis Servan-Schreiber, Trop vite !, éd Albin Michel, 2010.

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