A suivre...
(15 novembre 2012)
Au seuil de bien des
ennuis
Le 1er
novembre, est entré en vigueur un arrêté royal qui accélère la dégressivité
des allocations de chômage. La nouvelle formule – forte de plafonds plus
vite atteints et d'un timing de réductions plus rapide – est dans le ton de
la saison, en phase avec la période automnale où les éclaircies se font
rares. Il souffle comme un vent d'accablements.
Le seuil de
pauvreté est au pas de la porte pour nombre de sans emplois. Et les règles
de dégressivité amèneront certains à passer de l'autre côté plus rapidement
: du côté de ceux que les statistiques comptabilisent parmi les pauvres,
comme par exemple, les personnes seules qui ont vécu avec moins de 1.000
euros par mois en 2011.
Le seuil de
pauvreté – calculé au départ d'un revenu médian(1) – peut
tout et ne rien dire, tant il est relatif. "Mesurer la pauvreté, ce
n’est pas un calcul exact", rappelle justement le journal
L'essentiel édité par la Funoc(2). Un isolé qui gagne
1.200 euros sera situé au-dessus du seuil de pauvreté. "Mais il peut
quand même avoir de grosses difficultés à joindre les deux bouts. Par
exemple, s’il doit payer un loyer de 650 euros, loyer courant à Bruxelles".
A contrario, certains ne manqueront pas d'ajouter que, bénéficiant d'une
allocation moindre, le propriétaire d'un logement qui ne lui coûte rien ne
sera pas confronté aux mêmes problèmes pécuniaires.
Quoi qu'il en soit,
le seuil de pauvreté représente tout un symbole, celui d'un basculement. Il
résonne comme une alerte et cache bien des réalités tragiques où la
débrouille se doit de régner en maître, où le “descendeur social”(3)
s'active, où la honte, l'impression d'être entré dans un “tunnel
infernal” et l'humiliation de se voir qualifié de “profiteur”
sont bien plus courantes que le bienêtre(4).
Alertes
associatives
A l'annonce des
nouvelles règles de dégressivité, nombre d'associations ont affirmé leurs
inquiétudes. Elles alarment, présageant comme le syndicat chrétien, la CSC,
"l'appauvrissement collectif des chômeurs". Elles remettent sur
l’avant de la scène ceux que l’on sait déjà fragilisés. "La réforme
récente, en matière d'emploi, apportée par le gouvernement, aura pour
conséquence de renforcer une précarisation grandissante chez les jeunes,
prévient le Conseil de la Jeunesse. Ces derniers devront subir une
augmentation de la durée du SIP (ndlr: stage d'insertion
professionnelle, appelé auparavant stage d'attente, qui passe de neuf à
douze mois), un système-sanction renforcé 'dispo-jeunes' (ndlr :
contrôle des démarches et formations en entreprise pour trouver de l’emploi)
et une diminution progressive des allocations de chômage".
On ne s’étonnera
pas de voir les associations nourrir des inquiétudes également pour les
mères chômeuses ayant charge de famille. "Le passage plus rapide au
forfait les affectera tout particulièrement. (…) L'allocation pourra
descendre encore plus rapidement jusqu'à 1.090 euros par mois" alerte
la Plate-forme féministe socioéconomique, un regroupement né en mars 2012 de
la volonté de mettre en lumière l'impact de la crise sur les femmes et dont
font partie, entre autres, Vie féminine, l’Action chrétienne rurale des
femmes...
La Plate-forme
rappelle que "plus grande est la pauvreté, plus il est difficile d'en
sortir, de trouver du travail".
En somme, comme le
résume finalement assez bien la Ligue des droits de l’Homme : "(…) il y
a pénurie d'emplois et aucune politique d'amélioration de la mobilité ou
d'accès aux équipements sociaux (crèches, garderies…) n'est mise en place
pour favoriser la mise à l'emploi". La Ligue dénonce une attitude "contradictoire
et déconcertante" du gouvernement : "D'un côté, il annonce soutenir
les futurs chômeurs, d'un autre, il les menace s'ils ne retrouvent pas vite
un emploi, n'importe lequel". La contrainte financière comme moyen pour
intensifier les recherches d'emploi et résoudre le problème du chômage
n’apparaît pas comme une solution.
Et après ?
Les communiqués de
presse se succèdent. Les vives inquiétudes s'accumulent. Un recours auprès
du Conseil d’Etat a été introduit par le Réseau flamand de lutte contre la
pauvreté pour annuler la réforme. En attendant, les premiers concernés,
abasourdis, se demandent comment échapper à la dégressivité programmée,
comment envisager l'avenir avec sérénité. Les voix rassurantes manquent à
l'appel. Ceux qui pourraient “ré-enchanter” demain, enjoignent à changer la
donne, à s'engager à contre-sens – presque radicalement. Ainsi Pierre
Larrouturou et le Collectif Roosevelt 2012(5) préconisent
notamment de "maintenir ou améliorer l'indemnisation des chômeurs pour
éviter qu'ils ne tombent dans la pauvreté". S'attaquer au chômage,
c’est d’abord, à leurs yeux, donner au plus grand nombre un "vrai emploi"
et une "vraie capacité de négocier son salaire". Le Collectif
d'origine française évoque, entre autres, la question du partage du temps de
travail. Actuellement, la répartition du temps de travail est un non-sens,
explique-t-il dans le détail de ses 15 solutions "contre la crise": "il
provoque une énorme souffrance aussi bien du côté de ceux qui travaillent
zéro heure par semaine, que du côté de ceux qui travaillent plein-pot mais
acceptent de plus en plus des emplois stressants ou médiocrement payés car
ils ont peur d’être dans le prochain plan social ('si tu n’es pas content,
va voir ailleurs'). Ce partage du travail profite essentiellement aux
actionnaires dont les revenus n’ont jamais été aussi élevés." Un point
de vue partagé chez nous par le Mouvement ouvrier chrétien notamment(6).
Provoquer un
sursaut, c'est ce qu'entend réaliser le Collectif Roosevelt 2012. "Nous
souhaitons contribuer à la formation d'un puissant mouvement citoyen, d'une
insurrection des consciences qui puisse engendrer une politique à la hauteur
des exigences", annoncent des membres imminents du Collectif, Stéphane
Hessel et Edgar Morin. Ne devrions-nous pas suivre leurs voix?
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CATHERINE DALOZE
(1) Pour calculer
le revenu médian, on classe tous les revenus du plus faible au plus élevé et
on prend celui qui est juste au milieu. Lire :
Une
autre approche des indicateurs de pauvreté, par Service de lutte
contre la pauvreté, mars 2004.
www.luttepauvrete.be
(2) Organisme de
formations d'adultes implanté à Charleroi -
www.journal-essentiel.be
(3) Formule
d’Irène Kaufer, militante féministe et syndicaliste. Interview dans
Contrastes, n°152, sept-oct.2012.
(4) Lire :
Paroles de chômeurs, écrits d'inutilisés, éd. du Cerisier, 2010.
(5) En référence
au Président des Etats-Unis arrivé au pouvoir en 1933 et aux réformes prises
sous son impulsion en matière bancaire et fiscale.
www.roosevelt2012.fr
(6)
Sortir de la crise : des alternatives équitables et durables aux
politiques d’austérité, 13 juin 2012 sur
www.moc.be
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